Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
labosse1218.over-blog.com

joseph@aulnette.com 06 85 02 50 45

5 - Nos Soldats d'Algérie (AFN)

"Trente-quatre anciens soldats d'Algérie ont un article publié au 31 juillet 2023 et vingt-quatre autres sont non ou peu renseignés"

 

c​​​​​​

1959-1961 – du mardi 3 février 1959 au vendredi 12 mai 1961

Contingent 59/1

 Bernard Aulnette

J'ai fait retarder un double mariage

Il y a soixante ans aujourd’hui, le mardi 3 février 1959, je quittais mon village natal et le lendemain j’étais incorporé pour le service militaire obligatoire. J’avais une année de retard par rapport à mon contingent car lorsque je suis passé au conseil de révision, mon poids était inférieur à 50 kg.

Je suis affecté dans l’armée de l’air, à la base aérienne 103 d’Epinoy située dans le Pas-de-Calais, à dix kilomètres de Cambrai. Durant mes trois mois de classes, j'obtiens deux permissions dont la dernière juste avant mon départ pour la guerre d’Algérie. Nous sommes une trentaine à rentrer pour quelques jours en Bretagne et nous devons être de retour lundi 24 avril à 7h00, ce qui nous oblige à repartir de chez nous dès dimanche midi. Comme ça ne convient à personne, nous nous faisons le mot puis nous reprenons le train seulement dans la soirée, si bien que nous n'arrivons à la caserne qu’à 11h00.

L’Adjudant de discipline nous attend de pied ferme au poste de garde. Nous avons fait une bêtise mais nous sommes à Cambrai

Des bêtises, j'en ai acheté dans l'épicerie réputée de Charles Marlière située au 9 rue Pasteur à Cambrai. Je les ai distribuées dans ma famille lors de ma dernière permission, cette friandise étant méconnue à La Bosse. (voir vidéo de Charles Marlière publiée en bas de page, après les photos)

Le départ pour l’Algérie programmé demain nous évite de faire de la tôle mais l’Adjudant nous emmène chez le coiffeur et nous en ressortons avec la boule à zéro. Le 26 avril, nous quittons définitivement la base pour rejoindre Marseille où il nous faut attendre deux jours dans une caserne de transit avant d’avoir un bateau. Enfin, embarqués à bord du Sidi Bel Abbès, le 30 avril nous posons les pieds sur le sol algérien, au port d’Oran. La coupe de cheveux des bleus que nous sommes amuse les soldats expérimentés qui nous accueillent. Pour nous dédouaner, nous disons qu’une canicule nous a été annoncée… Quelques jours plus tard, nous sommes conduits à Thiersville, dix-huit kilomètres au sud de Mascara, en direction de Saïda.

Au cours de l'été, nous sommes un petit groupe à nous relayer et nous montons la garde dans les champs céréaliers pendant la moisson pour faire en sorte que les fellaghas ne puissent venir mettre le feu au matériel. Les parcelles sont très étendues mais les sols sont pierreux et les rendements peu abondants. Pour les colons qui exploitent ces terres, notre présence est précieuse. Toutefois nous n'avons aucune considération. Il ne leur viendrait pas à l'idée de nous donner la moindre pratique, pas même une boisson. 

Fin août 1959, le Général de Gaulle effectue une tournée d'inspection des zones d'opérations en Algérie (la tournée des popotes). Le jeudi 27 août, il est de passage à Thiersville et je fais partie de ceux qui sont désignés pour lui présenter les armes.

À la mi-septembre, je devais avoir une permission pour le mariage de ma sœur Madeleine avec Rémy Tessier prévu le 19 septembre. Elle est refusée car elle coïncide avec la date de ma nouvelle affectation à la base aérienne 141 de la Sénia, en périphérie de la ville d’Oran. Madeleine et Rémy, apprennent la nouvelle au moment où les invitations sont sur le point d'être imprimées. Ils s’empressent de contacter la mairie, le presbytère, le restaurant…, afin de voir si un report peut être envisagé. Ce n’est pas simple car il s’agit d’un double mariage. Il faut aussi l'accord d'Alice (la sœur de Rémy) et de son fiancé Bernard Pichard. Heureusement, chacun fait preuve de bonne volonté et l'union de Madeleine et Rémy est repoussée au 22 octobre. Cette fois, on me laisse partir et j'ai le bonheur de pouvoir assister au mariage de ma sœur. Pour être sûr d’arriver à temps, je prends l’avion à Oran et j'atterris à Toulouse-Blagnac.

Quand je reviens à la base, je suis toujours affecté à la section de protection. Je fais des patrouilles, armé d’un pistolet mitrailleur (MAT 49), mais je ne vais jamais au combat. Je monte la garde un jour sur trois (deux heures de garde et quatre heures de pause, en rotation sur 24 heures). Le 2ème jour je suis en repos et le 3ème en alerte.

Le jeudi 14 juillet 1960, je défile à Oran. Tous ceux qui, comme moi, servent dans l'Armée de l'air,  sont amenés en autocar depuis la base aérienne de La Sénia. Les soldats appartenant à d'autres régiment arrivent en camion.

Le 1er août 1960, je deviens Sous-chef. Quelques jours plus tard, j'obtiens une deuxième et dernière permission d’une vingtaine de jours avec un débarquement à Port-Vendres.

À mon retour à la caserne, je suis nommé 1ère classe. Je ne monte plus la garde sur le terrain mais je travaille dans un bureau. J’ai pour mission de réveiller les copains et d’assurer le bon fonctionnement du service. Il m’arrive aussi de partir en mission en tant que volontaire, pour escorter des camions GMC dans des convois exceptionnels dirigés sur Colomb-Béchar, Blida ou Tlemcen. Une fois, dans un de ces convois, un de mes potes tire par mégarde sur un troupeau de montons. Nous évitons la riposte de justesse.

Ma mère m'adresse un courrier dans lequel elle m'annonce qu'Arsène et Madeleine Aulnette (voisins) abandonnerons leur ferme de La Touche à la Saint Michel de l'année prochaine et qu'ils s'installeront dans une plus grande à Martigné-Ferchaud. Intéressés par la reprise de leurs terres, mes parents m'interrogent afin de savoir si j'ai l'intention de leur succéder le jour où ils atteindront l'âge de la retraite. Je ne leur laisse aucun espoir mais ils saisissent quand-même l'occasion. Ils exploiteront le double de la superficie actuelle durant les neuf dernières années de leur vie active.

À Oran, j’ai le plaisir de rencontrer Robert Drouin et Michel Desbois, deux gars de La Bosse. Mais le soldat avec lequel je passe le plus de temps à l'armée, c’est Jean Bricaud, de La Dominelais. Depuis le début de notre service militaire, nous fréquentons les mêmes bases aériennes. Exempté de port d’arme, Jean travaille à l’entretien. Il ravitaille les avions en carburant et, de temps à autre, il assure le poste de vaguemestre. Il arrive même qu'il me conduise chez le dentiste à Mascara.

Le lundi 16 janvier 1961, je réussi mon examen de permis de conduire pour moto, voiture légère, poids lourd et transport en commun. Comme ça été le cas pour les leçons de conduite, je le passe sur mon temps de repos, à Oran, dans une auto-école dont le patron est arabe. Il n'est pas financé par l'armée mais avec de l'argent qui m'a été envoyé par mes parents. 

C’est à La Sénia que j’obtiens la quille mais, une semaine avant, je ne sais toujours pas si je vais partir. Le putsch d’Alger du 21 avril, dirigé par les quatre généraux (Challe, Jouhaud, Salan et Zeller) qui tentent de renverser le gouvernement du Général de Gaulle me met dans l’incertitude.

Le 1er mai 1961, je quitte une Algérie encore française et toujours déchirée par la guerre. Je reprends le bateau à Oran pour une dernière traversée de vingt-cinq heures avant de débarquer à Marseille. Je monte dans le train pour Paris et ensuite pour Rennes où j'arrive le mercredi 3 mai à midi. Par le plus grand des hasards, je croise mon cousin Alfred Guibert en sortant de la gare. Alfred (18 ans) propose de me prêter sa mobylette. Evidemment j’accepte. Mon baluchon installé sur le porte-bagages et après avoir dit merci à mon cousin, je monte sur sa bécane. Rendu au Pont de Nantes, je prends la direction de Bain-de-Bretagne et quinze kilomètres plus loin, après les virages de Bout-de-Lande (commune de Laillé), je m'endors au guidon de la mobylette qui vient de m’être prêtée. L’accident est fatal. Retrouvé au fossé, je suis secouru par les exploitants de la ferme située juste en face  Onze ans plus tard, ces braves gens deviennent les beaux-parents de mon frère René. Là encore, le hasard veut que le portillon d’entrée de la propriété où René et Monique habitent depuis 1980 se trouve à l’endroit où j’ai perdu connaissance  Je me réveille au CHU de Pontchaillou, à Rennes, alors que je suis attendu à La Touche en La Bosse. Pendant neuf jours, ma quille reste pendue à la tête de mon lit d’hôpital. Je ne rentre à la maison que le vendredi 12 mai 1961.

Je suis retourné une fois à la caserne de Cambrai, fermée depuis 2013, mais jamais je n’ai remis les pieds en Algérie. Un jour peut-être ? 

Quant à Jean Bricaud, nous sommes toujours restés copains !

 [Raconté par Bernard Aulnette (81 ans) – le 3 février 2019]

BA38 (35066)

*****

Bernard, je l’appelais le grand frère !

Nous nous sommes reconnus sur le quai de la gare de Rennes le jour de notre départ, suite à une rencontre lors d'une manifestation organisée par la JAC peu de temps avant. Où vas-tu : « À Cambrai », et toi : « À Cambrai ». Nous avons pris le train ensemble et, rendus à Montparnasse, un cousin, conducteur de taxi, m'attendait pour m'emmener à la gare du Nord. Bernard en a bénéficié. 

A Cambrai : Nous étions six dans la même piaule : Deffains, Leprêtre, Aulnette, Bricaud, Billy et Kervennic. Le gentil Billy ne venait jamais boire un coup avec nous car il possédait peu d’argent, ce qui ne l’empêcha pas de se faire voler 1000 francs (anciens) dans son placard. Prévenu, le lieutenant rentra dans notre chambre, accompagné du sergent Abdala et du caporal Hébert. Le capitaine Guine vint aussi mais il resta à la porte. Nous avons tous été fouillés. J’avais une trouille terrible en imaginant qu’un camarade avait déposé le magot dans mon placard et que j’aurai été jugé responsable. Le caporal trouva le pactole dans la poche de Kervennic, un bel homme à moustache pourtant gentil lui aussi… Ce jour-là nous avons compris que nous devions nous méfier de tout, y compris des bons copains. Après le départ des gradés, Bernard m’avait dit : « Un moment j’ai cru que c’était toi, tellement tu transpirais ».

En Algérie : J’ai été affecté au garage parce que j’avais mon permis de conduire. Bernard était à la protection. Quand nous étions tous deux en repos, nous allions souvent ensemble à la plage ou au cinéma. Il lui est arrivé aussi de venir avec moi emporter des messages quand j’étais courtier. Le danger était permanent. Une fois, avec le sergent, en arrivant à la Poste de Mascara, nous avons appris qu’une embuscade venait d’avoir lieu à Froha, où nous étions passés quelques minutes plus tôt. Cinq fellaghas avaient tiré sur un camion de la Légion avant d’aller se réfugier dans une mechta. La Légion riposta en appelant un régiment de chasseurs en renfort, parmi lesquels il y avait un maître-chien français. Ce dernier fut tué dans l’attaque, tout comme les cinq Résistants.

Je me souviens avoir croisé le Colonel Bigeard à Thiersville. Il était venu remercier des aviateurs qui l'avaient sauvé lors d'une embuscade. En cadeau, il leur a remis l'arme qui aurait pu lui faire perdre la vie.

[Raconté par Jean Bricaud (81 ans) – le 7 février 2019] 

JB37 (35098)

*****

Un dimanche de juillet 1959, les parents Bricaud invitent la famille Aulnette à venir leur rendre visite à La Dominelais. C’est Rémy, le beau-frère, qui nous y a conduits avec la Peugeot 203 camionnette bâchée de son père. Nous sommes assis à l’arrière, sur des bancs installés de chaque côté. Dans les virages, nous devons nous agripper à la ridelle… 

Rendus chez Jean-Marie et Marie Bricaud, la discussion est essentiellement axée sur la vie de Jean et de Bernard, nos deux soldats basés en Algérie.  Après avoir pris le dessert et goûté les confitures de groseilles, Jean-Marie et Marie puis Marie-Madeleine et Annick (les deux sœurs de Jean) nous emmènent voir un spectacle de moto-cross disputé tout près de chez eux.

[Joseph Aulnette, frère de Bernard – le 7 février 2019]

JA49 (35235)

*****

Et oui, c’est vrai que j’ai passé du bon temps avec Bernard et Jean à Cambrai. Nous avions le même capitaine et le même sergent mais je ne me souviens plus de leur nom. Par compte, je n’ai pas oublié ce 24 avril où nous avons tous eu la boule à zéro. Des fois on dit que les jeunes sont désobéissants mais, à leur âge, ça nous est arrivé de l’être aussi…

Bernard et Jean, je les ai perdus de vue à la fin des classes. Comme eux, je suis parti de Marseille pour rejoindre Oran mais nous n’étions pas sur le même bateau. J’ai embarqué sur le paquebot Kairouan. Rendu en Algérie, j’ai eu une 1ère affectation à Tlemcen où je suis resté quinze mois. Les neuf derniers mois j’étais à Djelfa.

Nous nous sommes retrouvés il y a sept ou huit ans et depuis nous nous invitons chaque année.

[René Deffains (80 ans) – le 16 février 2019]  

RD38 (35091)

*****

Le mercredi 3 mai 1961, Bernard ne s’est pas endormi comme il le prétend, en passant devant la maison de mes parents. Avec sa valise sur le porte-bagages de sa mobylette, il a été déséquilibré en levant le bras à Huguette (employée chez les voisins) qui se trouvait sur le pas de la porte avec Maman et moi-même. J’avais 13 ans mais, aujourd’hui encore, je me souviens très bien avoir vu Bernard zigzaguer sur la route avant de finir sa course dans le fossé, à côté de la fontaine.

Après l'avoir fait entrer à la maison, Maman l’a invité à s’asseoir sur une chaise près de la gazinière et, pour l’aider à reprendre conscience, elle lui a donné un sucre imbibé d’eau de vie.

 [Marie-Anne Morvan (71 ans) – le 17 janvier 2020]

MAM48 (35124)

*****

Ma valise a été fabriquée par Roger Paris, le menuisier de La Bosse. J’ai dû la réclamer tous les jours pendant la semaine précédant mon incorporation. À chaque fois, Roger me disait : « Elle sera prête demain ! » Je ne l’ai récupérée que la veille de mon départ.

Elle m’a été bien utile cette valise en bois. Elle m’a souvent servi de tabouret que ce soit dans les gares, dans les trains, sur les ports ou sur les bateaux.

Elle m’a aussi joué un mauvais tour. Si je me réfère aux propos de Marie-Anne (voir ci-dessus), je constate qu’elle est responsable de l’accident qui m’a valu neuf jours d’hospitalisation à mon retour d’Algérie.

[Bernard Aulnette – le 17 janvier 2020]

BA38 (35066)

*****

J'ai fais mes classes à la base aérienne de Cambrai en même temps que Bernard mais, bizarrement, je ne me souviens pas de lui. Il raconte qu'une trentaine de gars s'étaient retrouvés avec la boule à zéro parce qu'ils étaient rentrés de permission en retard. Ça, je m'en souviens car je faisais partie du lot.

Lorsque nous avons débuté notre formation, le Sergent de notre section (un Corse) avait dit : « Si vous marchez en vous tenant correctement, je ne vous embêterais pas ». C'est vrai que nous n'avons pas été trop malmenés. J'avais mon permis VL avant l'armée et j'ai passé le poids lourd à Cambrai si bien qu'en arrivant en Algérie, on m'a affecté un camion.

[Joseph Poulain (81 ans) – le 14 décembre 2020]

JP39 (35125)

*****

Je me souviens que, dans les années 1965-1970, en jouant dans le grenier situé au-dessus de la cuisine de Théophile et Anna (les parents de Bernard), j'avais découvert des lettres qu'il avait envoyé lorsqu'il était en Algérie. Etant enfant, ça m'avait marqué.

[Michel Henry (63 ans) – le 26 décembre 2022]

MH59 (35181)

*****

Eté 1959, à Thiersville : Bernard Aulnette, à droite, avec ses copains lors d'une soirée de déguisement

1960 : Jean Bricaud et Bernard Aulnette, à la base aérienne de La Sénia

1960 : Bernard Aulnette, devant un T6, à la base aérienne de la Sénia

1960 : Robert Drouin et Bernard Aulnette se rencontrent à Oran.

1960 : Bernard Aulnette et Robert Drouin

1960 : Bernard Aulnette (derrière celui qui est assis sur la ridelle du GMC) en convoi près de Colomb-Béchar

1960 : Bernard Aulnette (avec un casque) en convoi près de Colomb-Béchar

1961 : Bernard Aulnette, à la base aérienne de La Sénia

1961 : Bernard Aulnette (à l'avant dernier rang, en calot. Près de lui, Pierre Legavre de Saint-Grégoire) avec la section de protection, peu avant la quille

*****

La voilà la valise avec laquelle Bernard est arrivé au port d'Oran le jeudi 30 avril 1959.

1960-1962 – du samedi 2 juillet 1960 au jeudi 6 septembre 1962

Contingent 60/1C

Camille Aulnette

En vingt mois, j’ai connu la guerre, le cessez-le feu et l’indépendance

Séminariste sursitaire à Ris-Orangis, je résilie le délai qui m’est accordé pour que mon départ à l’armée coïncide avec le début des vacances d’été. Le 2 juillet 1960, en tant qu’appelé du contingent 60/1C, je prends le train et je rejoins le corps du 5ème Régiment de Tirailleurs Marocains (5ème RTM), à la caserne Vauban d'Auxerre. Il s’agit d’un régiment d’infanterie appartenant à l’armée d’Afrique et dépendant de l’armée de terre française, dont la devise est : « Sans peur et sans faiblesse. »

Lorsque j’arrive à la caserne avec ma soutane, l’adjudant fixe son regard sur moi et me nargue. Quelques jours plus tard, un appelé de mon contingent me reconnaît. Nous avons participé ensemble à des opérations de sélection au centre de Vincennes. Il se souvient qu’un médecin m’avait demandé pourquoi j’étais en short (alors que tous les autres étaient en pantalon) et que j’avais répondu : « Parce que je suis venu en soutane. »

Dans ma chambrée, nous sommes une trentaine dont deux séminaristes. Le soir je fais ma prière au pied de mon lit. Chaque semaine, dans mes temps libres, je vends l’hebdomadaire "La vie catholique" aux recrues intéressées.

Un peu avant la fin juillet, je reçois une lettre de ma sœur Marie m’annonçant à la fois la naissance de sa première fille "Françoise" et la mort accidentelle par noyade de notre cousine "Simone Marsolier" (25 ans).

À la mi-août, toute ma section est mutée à la caserne Junot de Dijon, mais nous sommes toujours dans le même régiment. Je fais tout pour ne pas monter en grade jusqu’au jour où le colonel me convoque. Il propose que je devienne élève-officier de réserve (EOR). Je refuse. Il me dit : « En tant que prêtre, vous aurez à commander. » Je réponds : « Oui, mais j’aurai aussi à obéir. » Me voyant obstiné, il n’insiste pas.

Début novembre 1960, avec quelques copains, je me porte volontaire pour suivre une formation de deux mois à la caserne Heudelet, toujours à Dijon. J’apprends le morse.

Puis, voici que le départ pour l’Algérie est annoncé. Nous embarquons à Marseille le 11 janvier 1961 sur le bateau « Sidi Bel Abbès », avec le numéro d’ordre inscrit sur le revers gauche du col de notre uniforme et le lendemain, nous sommes au port de Bône. Le 13 janvier, nous échangeons notre calot bleu clair contre un bleu marine en intégrant le 3ème Bataillon du 60ème Régiment d’infanterie stationné à Laverdure. Nous sommes détachés au service administratif de la Compagnie de Commandement, d’Appui et de Soutien (CCAS), à Aïn Embarka, un petit village artificiel isolé en pleine brousse. L’armée a rassemblé la population des alentours afin qu’elle ne se joigne pas aux rebelles. Ces paysans sont logés dans des vieux gourbis et dans des bâtiments demi-cylindriques nouvellement construits où ils se sentent protégés.

Devant la bâtisse dans laquelle nous sommes une dizaine de transmetteurs radios à cohabiter, il y a un trou creusé à hauteur d’homme (un cachot) qui sert de prison. Quand la compagnie part en opération, à la recherche de rebelles, un de nous accompagne le capitaine en crapahutant toute la journée avec le poste radio de 11 kilos sur le dos. Nous recevons des messages nous indiquant là où nous devons ratisser et le capitaine en envoie. Quand nous ne trouvons pas de rebelles, pour ne pas rentrer bredouilles, nous prenons au hasard un paysan cultivant sa terre et nous l’amenons au cachot où il est questionné par l’adjudant et l’officier de renseignement. Si ce dernier refuse de parler, il est torturé avant d’être relâché quelques jours plus tard. Certains troufions, d’après leurs dires, « s’en donnent à cœur joie » en pratiquant des méthodes allant jusqu’à utiliser la gégène empruntée au local des transmissions, malgré la protestation des radios présents sur su place. Ils tournent la manivelle pour produire du courant et c’est ainsi que les gradés obtiennent des informations.

À une cinquantaine de mètres de notre baraquement, se trouve l’école primaire avec une classe unique dans laquelle un séminariste enseigne tous les niveaux aux élèves du village et des parages. Cet instituteur – qui plus tard deviendra ministre de Valéry Giscard d’Estaing et de Jacques Chirac – n’est autre que Jacques Barrot avec lequel je sympathise. Le dimanche, je vais à la messe à Villars avec lui et quelques autres soldats pratiquants. Nous voyageons assis dos à dos à l’arrière d’un camion bahut découvert, armés d’un fusil serré entre les genoux.

Jacques Barrot termine son service militaire après avoir enseigné deux ans dans cette école mais, ayant toujours été en contact avec des élèves en mauvaise santé, il rentre en France tuberculeux et il doit aller se faire soigner au sanatorium "Les Neiges" à Briançon.

Du 21 au 26 avril 1961, pendant le putsch d'Alger, nous écoutons les infos diffusées à la radio. Nous sommes solidaires de ceux qui manifestent pour que la tentative de coup d’Etat échoue. Une forme de rébellion s'organise. Les radios prennent l'initiative de couper les transmissions. Le but étant de ne pas laisser passer les messages des généraux putschistes (Challes, Jouhaud, Salan et Zeller), pas plus que ceux du Général Charles Ailleret qui commande toute la zone du Nord-est constantinois, dont le 60ème RI auquel nous appartenons. Contrairement à nous, Ailleret défend les putschistes mais quand il analyse que De Gaule va gagner, il retourne sa veste et se rallie.

Il sera récompensé et promu chef d’Etat-major des armées. S’il n’y avait pas eu les transistors, le putsch aurait probablement réussi et la guerre aurait duré.

Le 16 juin 1961, je suis nommé Soldat de 1ère classe par ancienneté.

À la mi-septembre 1961, je rentre en permission pour le baptême de ma nièce et filleule, Odile Morel, la deuxième fille de Francis et de Marie.

Fin 1961, ma compagnie est transférée à Medjez Sfa, encore un village perdu dans la brousse. Nous (les radios) sommes privilégiés car nous avons des bâtiments en dur, alors que tous les autres bidasses dorment sous la guitoune. Nous communiquons nuit et jour en morse avec des militaires d’une de nos sections vivant dangereusement en surplomb près de la frontière tunisienne où des rebelles sont regroupés. Dépendant de l’armée de libération nationale (ALN), ces révoltés, formés pour faire la guerre en Algérie, s’approvisionnent en munitions en Tunisie, aux environs de Sakiet Sidi Youssef.

En début d’année 1962, le bataillon quitte Medjez Sfa et s’installe à Bône pour protéger les habitants et empêcher l’organisation de l’armée secrète (OAS) de détruire les bâtiments publics. Nous sommes dispersés dans la ville ; je monte la garde devant la Préfecture.

Je suis opérateur de poste radiotélégraphique quand, le 23 décembre 1961, j’obtiens les certificats pratiques de spécialité 151 et 251 ; et c’est parce que je suis titulaire du diplôme des transmissions que, toujours sans le vouloir, le 1er mars 1962 je suis promu caporal.

Après le cessez-le-feu du 19 mars, nous décampons de Bône. Mon régiment s’installe dans un lycée de jeunes filles à Mostaganem. Le dimanche, nous allons à la messe à Port-aux-Poules, un village romain.

Je suis à Mostaganem le 5 juillet 1962, le jour où l’Algérie devient indépendante. Dès les jours suivants, le matin, nous devons apprendre des chansons militaires en marchant au pas dans la cour du lycée transformé en caserne et saluer les gradés (ce que nous ne faisions pas avant) pour être autorisés à aller à la plage l’après-midi. L’ambiance familiale est perdue et, sur ce point, certains regrettent que la guerre soit finie.

Le jour de notre arrivée sur le sol algérien, nous étions applaudis car nous venions pour que l’Algérie reste française. Maintenant que De Gaulle lui a donné l’indépendance, nous ne combattons plus contre les algériens mais contre les français dont les familles sont implantées en Algérie depuis plus d’un siècle. Dans notre compagnie (comme dans les autres), en retournant dans leurs villages, des Harkis se font massacrer par des algériens qui étaient partisans de l’indépendance.

Durant mes vingt mois de service en Algérie, j’ai connu la guerre, le cessez-le feu et l’indépendance.

Je suis libéré à Mostaganem le 3 septembre 1962 avec une permission libérable de dix jours. J’embarque au port de Mers El Kébir le mardi 4 septembre dans l'après-midi et je traverse la Méditerranée sur le « Ville d’Alger ». J’arrive à Marseille le 5 septembre. Je prends le train non pas pour Paris mais pour Arcachon car je dois aller chercher mon frère Jean-Yves (14 ans à peine) qui vient de passer onze mois en cure, loin de ses parents. Arrivé à la gare d’Arcachon, je file au préventorium « La Dune » situé dans le quartier du Moulleau. Quand nous sortons de l’établissement, je sens Jean-Yves heureux. Il fait très chaud et il s’étonne de m’entendre dire : « J’ai soif, je vais prendre une bière ! »

En 1977, je retourne en Algérie avec Anne et un couple d’amis. Je reviens à Aïn Embarka. La station radio dans laquelle j’ai séjourné durant presqu’un an est toujours là mais il n’y plus d’école à côté. Seul le bâtiment demeure. Les enfants et les adultes viennent vers nous et quand je leur dis que j’ai fait la plus grande partie de mon service militaire ici, l’un d’eux s’exclame : « Ah ! Vous êtes Jacques Barrot… » Je réponds : « Non, mais je l’ai bien connu. »

Je repasse aussi à Villars (Oued Chehamoù depuis l’indépendance) où j’allais à la messe chaque dimanche et je constate un changement :

  • En 1961, il y avait une église catholique avec un nid de cigogne en haut du clocher.
  • En 1977, l’église est transformée en mosquée et le nid de cigogne est en haut du minaret.

(Raconté par Camille Aulnette (80 ans) – le 9 septembre 2019]

CA39 (78005)

*****

11 janvier 1961 : À l’embarquement au port de Marseille > 1 Gérard Courant (clerc de notaire dans le Maine-et-Loire), 2 Jean Crenn (cultivateur dans le Finistère),3 Camille Aulnette (séminariste à Ris-Orangis), 4 Maurice Sécher (cultivateur dans le Maine-et-Loire), 5 Gérard David (quincailler à Angers).

Bâtisse où travaillent, mangent et dorment les transmetteurs radio, dont Camille Aulnette, à Aïn Embarka. Au 1er plan, le cachot pour les prisonniers ou les simples suspects

Le groupe de radios de Aïn Embarka : 1 Camille Aulnette, 2 Claude Bouvier (cultivateur près de Lyon), 3 Robert Meunier (électricien, de Bourges), 4 Claude Isaac (étudiant, de Seine-et-Marne), 5 Enrico Boschetti (ingénieur, de Lyon), 6 Alain Prince (instituteur, de Bourges)

Un gourbi, à Aïn Embarka

L’église de Villars où Camille Aulnette et ses copains vont à la messe le dimanche

Un paysan labourant son champ

Les radios à Medjez Sfa : Camille Aulnette est debout, les mains sur les hanches

Postes radio pour émettre en morse

Gérard Courant, avec un poste radio de 11 kg utilisé pour émettre en phonie

Début septembre 1962 : Les quillards (la quille est au centre). Camille Aulnette est le 3ème debout en partant de droite

Dimanche 2 septembre 1962 : Camille Aulnette écrit une dernière carte à ses parents avant de quitter l'Algérie

■ 

Elie Aulnette (1937-1992)

...............

1960-1962 – du lundi 2 mai 1960 au dimanche 24 juin 1962

Contingent 60/1B

René Aulnette

Je fais la totalité de mon service militaire en Algérie

Le 1er mai 1960, j’assiste à la fête du muguet à Teillay. Le lendemain, je quitte la ferme de mes parents au bourg de La Bosse-de-Bretagne et je m'en vais faire mon service militaire en Algérie.

Je prends le train en gare de Rennes et je me rends à Paris puis à Marseille où je trouve de nombreux appelés qui, comme moi, embarquent sur le bateau « Ville d’Alger » le 4 mai. Nous traversons la Méditerranée en voyageant dans les cales du bateau, allongés sur des chaises longues. Les marins de service nous proposent des cabines permettant de dormir plus confortablement mais rares sont ceux qui acceptent car nous n’avons pas d’argent à dépenser. Rendus au port d’Alger, des camions nous attendent. Nous sommes emmenés à Alma-Marine, au camp Bonvalot situé à proximité de la mer, près d'une station balnéaire, sur la route de Constantine, entre Réghaïa et Ménerville. Affecté au Centre d'Instruction de la 12ème Compagnie Saharienne du Matériel, je retrouve Joseph Bussard, originaire de Romagné, que j’ai connu lorsque j’étais interne au collège Saint-Etienne, rue du Père Grignon à Rennes.

Durant nos six mois de classes, nous faisons régulièrement des marches avec le sac à dos et, de temps en temps, nous partons en opération. Un jour, nous tombons dans une embuscade. Des fellaghas tirent sur nous depuis un terrain vallonné situé en bordure de notre passage et un des nôtres (le Radio) est mortellement blessé.

Dans le courant de l’été, je passe tous mes permis de conduire : voiture légère, poids lourd et transport en commun.

En décembre 1959, en participant aux opérations de sélection à Guingamp, les tests m'avaient classé parmi ceux qui étaient retenus pour faire la formation d’Elève-officier de Réserve (E.O.R) et je m'étais porté volontaire pour partir à Madagascar.

Nous sommes fin octobre 1960 et mes classes s’achèvent. On me propose d’entrer à l’école des officiers de Fontainebleau. Bien qu’intéressé, je préfère refuser car j’ai peur de ne pas pouvoir (financièrement) suivre le train de vie qui sera imposé. N’acceptant pas l’offre, je suis muté à l’Etablissement de Réserve Générale de Matériel (ERGM) de Colomb Béchar. Mon travail consiste à réparer des armes de petit calibre et j’ai souvent l’occasion d’aller faire des dépannages dans d’autres compagnies. Je conduis un camion Berliet, de type Gazelle, et je suis accompagné de l’adjudant Amblard. Il nous arrive de partir deux semaines sans rentrer au casernement. Sur nos trajets, nous sommes escortés par des troufions chargés d’assurer notre protection, en particulier quand nous circulons entre El Abiodh et Tindouf, le long de la frontière marocaine. Pendant nos interventions dans des compagnies autres que la nôtre, nous faisons des économies car nous sommes défrayés de nos dépenses alimentaires et bien souvent nous obtenons des gratuités. À Colomb Béchar, je n'ai pas de problème non plus pour tout ce qui est alimentation car j’ai la chance d’avoir un bon copain aux cuisines. Il s’agit d’Alfred Trotin dont le père est boucher, à Saint-André-Goule-d’Oie, en Vendée.

Je ne rentre en permission d'Algérie qu'une seule fois, en décembre 1961. Mes parents ne sont pas contents car tous les gars de La Bosse, partis en même temps que moi, sont revenus beaucoup plus tôt. J’arrive pendant une mission organisée par la paroisse et, comme je suis en tenue militaire, Aristide Desbois (notre plus proche voisin, artisan-couvreur) me prend pour un missionnaire. Mes trois semaines de vacances au pays passent si vite que je trouve une bonne raison pour me porter malade. Je suis ausculté par le docteur Hervé Rialland puis, une semaine plus tard que la date prévue, je repars. Arrivé à Marseille, je rencontre Daniel Lechleiter. Bien que nous risquions d'être punis, nous remontons chez lui à Lyon pour quelques jours. Nous prenons le bateau seulement le 5 janvier 1962. Nous accostons à Oran et rejoignons Colomb Béchar en voyageant dans un wagon à bestiaux. Le train roule si peu vite qu’il met deux jours pour parcourir les sept-cents kilomètres séparant Oran de Colomb Béchar. Nous faisons étape à Aïn Sefra. Le lendemain, je rentre à la caserne avec un certificat médical en main mais personne ne me demande de justifier mon retard.

Le 1er mars 1962, je suis promu brigadier.

Après avoir effectué vingt-six mois de service militaire en Algérie, dont vingt à Colomb Béchar, j’obtiens la quille. Le Capitaine Rixen propose de me faire entrer à l’ERGM de Bruz (25 km de La Bosse) mais, n’ayant pas envie de rester sous les ordres de l’armée, là encore je refuse.

Libéré de mes obligations militaires le 17 juin 1962 (avec une permission libérable de trente-cinq jours), je suis transféré à Oran et le 20, j’embarque sur le paquebot "Président de Cazalet". Le 21, je suis à Marseille et, arrivé à Paris le 22, plutôt que de prendre le train pour Rennes, je prends celui qui va à Alençon avec Claude Soupy qui a eu la quille avec moi, à Colomb Béchar. Il m'emmène dormir chez ses parents habitant dans une ferme, à Gesvres, en Mayenne. Le lendemain, pour fêter notre retour, nous allons tous les deux aux vingt-quatre heures du Mans.  Je regagne ma commune natale seulement le 24 juin.

En 1986, ma femme Monique et moi-même, nous allons en voyage en Algérie. Il est organisé par les cheminots parisiens. Cheminot moi-même, j'y participe en tant que secrétaire du comité d’établissement breton. Nous sommes accueillis par des cheminots algériens et nos visites sont concentrées sur un itinéraire allant de Tipaza à Constantine, avec une halte en Kabylie. Nous sommes bien acceptés, sauf un jour où un groupe de jeunes (entendant parler français) nous crache dessus. Je n'ai pas l'occasion de repasser là où j'ai séjourné vingt-cinq ans plus tôt.

[Raconté par René Aulnette (80 ans) – le 16 septembre 2020]

RA40 (35238)

*****

Après notre retour d’Algérie, René m’a reçu chez lui avec Norbert Cailleteau (de La Roche-sur-Yon). Plus tard, René et Norbert sont venus à leur tour passer un week-end chez moi. Avec eux, il y avait Claude Soupy (de la Mayenne). Mon grand-père m’avait prêté sa Traction et nous étions allés à un bal à Clisson. Je leur avais dit : « Attention, chez nous on picole ! » Bien que prévenus, ils avaient quand-même pris une bonne bourrée.

[Alfred Trotin (80 ans) – le 22 septembre 2020]

AT40 (85196)

*****

Au retour d'une permission de 21 jours, René et moi, nous nous sommes retrouvés après les fêtes de Noël 1961 au camp de transit Sainte-Marthe à Marseille. Nous avons eu un coup de blues et je lui ai proposé de rebrousser chemin jusque chez ma copine, à Francheville-le-Bas (près de Lyon).  Nous avons embarqué sur le bateau avec neuf jours de retard puis, à Alger, nous avons pris "La Rafale" (un train roulant à 40 km/heure). En étant dans un wagon à l'avant, nous pouvions descendre pour aller "pisser" et reprendre un wagon de queue ensuite. Nous étions sur de la paille dans des wagons à bestiaux d'une capacité de 8 chevaux en long ou 32 hommes. Lorsque nous sommes arrivés à Colomb Béchar, bizarrement, nous n'avons pas été punis.

René, c'était un bon pote. Nous étions ensemble à l'armurerie de l'ERM (Equipement Régional de Matériel), à la 12ème Compagnie, sous les ordres des Adjudants-chefs Raoul Amblard (un gars chouette avec qui nous pouvions chahuter) et Formoso (un type pas sympa). Un jour, pour l'agacer, René, anticonformiste, a pris la décision de ne plus se laver et de ne plus se raser. Il est resté ainsi pendant plusieurs semaines.

J'ai essayé de le retrouver à plusieurs reprises mais Aulnette est un nom répandu en Bretagne et je n'ai jamais réussi. Maintenant que j'ai ses coordonnées, je vais pouvoir le contacter et engager la conversation avec lui. Je sens que je vais avoir la larme à l'œil.

[Daniel Lechleiter (79 ans) – le 12 octobre 2020]

DL41 (69202)

*****

J’apprends avec émotion le décès de René que j’ai perdu de vue depuis bientôt soixante ans. J’étais ravi de retrouver sa trace il a un mois et demi et je m’étais promis de l’appeler mais j’attendais de digérer l’émotion suscitée après tant d’années de silence, à savoir : entrer à nouveau en contact avec lui, remémorer tant de souvenirs, évoquer la vie familiale et professionnelle qui a suivi nos différents parcours.

Le temps a passé et il est parti avant que nous puissions échanger à nouveau. Quel regret…

Je garderai de René le souvenir d’un homme attachant.

[Daniel Lechleiter – le 3 décembre 2020]

DL41 (69202)

*****

Le camp Bonvalot d'Alma Marine (Algérie), où René Aulnette a fait ses classes

Le camp Bonvalot d'Alma Marine (Algérie), où René Aulnette a fait ses classes

Le 28 juillet 1960, à Alma-Marine, lors d'une leçon de formation au permis de conduire

Le 28 juillet 1960, à Alma-Marine, lors d'une leçon de formation au permis de conduire

René Aulnette avec un paysan arabe, à Tindouf

René Aulnette avec un paysan arabe, à Tindouf

Le 5 janvier 1962 : René Aulnette et Daniel Lechleiter à Lyon (à la fin d'une permission prolongée sans autorisation). Avec le burnouf sur les épaules et le kébour sur la tête, ils vont regagner Colomb Béchar

Le 5 janvier 1962 : René Aulnette et Daniel Lechleiter à Lyon (à la fin d'une permission prolongée sans autorisation). Avec le burnouf sur les épaules et le kébour sur la tête, ils vont regagner Colomb Béchar

Le 10 janvier 1962 : Daniel Lechleiter et René Aulnette voyagent avec le petit train "La Rafale" entre Oran et Colomb Béchar [DL41]

Le 10 janvier 1962 : Daniel Lechleiter et René Aulnette voyagent avec le petit train "La Rafale" entre Oran et Colomb Béchar [DL41]

Le groupe de l'atelier d'armement petits calibres, dont Daniel Lechleiter avec son pistolet MAT 49, Tonnelier, le Ch'timi, l'Adjudant Formoso et René Aulnette. [DL41]

Le groupe de l'atelier d'armement petits calibres, dont Daniel Lechleiter avec son pistolet MAT 49, Tonnelier, le Ch'timi, l'Adjudant Formoso et René Aulnette. [DL41]

René Aulnette, avec des copains à Colomb Béchar, dont le ch'timi et Tonnelier de Lyon

René Aulnette, avec des copains à Colomb Béchar, dont le ch'timi et Tonnelier de Lyon

René Aulnette, sur le bateau

René Aulnette, sur le bateau

Début mars 1962, cent jours avant la quille

Début mars 1962, cent jours avant la quille

René Aulnette, allongé sur une borne positionnée au Nord de Colomb Béchar, à 16 km de l'endroit où, le 28 novembre 1947, le Maréchal Leclerc a trouvé la mort dans un accident d'avion

René Aulnette, allongé sur une borne positionnée au Nord de Colomb Béchar, à 16 km de l'endroit où, le 28 novembre 1947, le Maréchal Leclerc a trouvé la mort dans un accident d'avion

■ 

André Berthelot

Il est parti directement en Algérie et il a dû faire une bonne partie de son temps à Mostaganem

*****

En Algérie, André était dans un régiment de Tirailleurs.

[Claude Maleuvre (83 ans) le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

...............

■ 

Albert Chevrel (1933-2015)

Albert est rentré d'Algérie le lundi 6 mai 1957, le même jour que Romain Prunault.

...............

1954-1954 – du mercredi 7 juillet 1954  au lundi 13 décembre 1954

Contingent 54/ …

Camille Chevrel

Qui c'est l'andouille qui vous a déclaré apte ...

Je suis appelé à l’activité le 7 juillet 1954 et c’est Gustave Chapon, mon cousin, qui m’emmène à la gare de Châteaubriant. Je prends le train et je me rends à la caserne Desjardin à Angers où je rencontre d'autres jeunes recrues. Nous passons la nuit au casernement et, le lendemain, nous recevons notre paquetage et reprenons un train se dirigeant sur Marseille. Après deux jours d’attente au camp Sainte-Marthe, nous embarquons à bord d’un bateau qui va nous conduire au Maroc. Sur le pont, je fais connaissance d’un certain Victor, originaire du Maine-et-Loire. Comme moi, il est fils d’agriculteur. L'embarcation longe la côte jusqu’au détroit de Gibraltar et, après avoir navigué durant une semaine, elle accoste à Tanger, cité communément appelée "ville internationale".

Le 13 juillet, j'arrive à Casablanca. je suis affecté à la 11ème section d’infirmiers militaires (la 11ème SIM), dans un régiment de tirailleurs sénégalais. Aussitôt, je suis muté 240 km plus bas pour la durée de mes classes mais je reste au bord de l’océan atlantique. La caserne se situe près du port de pêche de Safi et la température avoisine les 50°. Victor, mon copain du Maine-et-Loire, est toujours avec moi. Nous suivons une formation pour devenir infirmiers militaires.

Un jour, lors d’une manœuvre, je suis près de notre bivouac et je me mets à crier. Je viens d’être mordu au poitrail par un scorpion. Le sergent, infirmier de métier, vient à ma rescousse avec deux secouristes. Tous les trois, ils ont déjà vécu ce genre de situation. Ils me débarrassent de ma tenue de combat et, dans la doublure de ma veste, ils dégotent le crapaud de mer qui vient de me mordre et dont l’abdomen se termine par une aiguille venimeuse. J'entends le sergent dire à ses deux assistants : « C’est foutu, on ne pourra rien faire ». Il essaie quand-même de tout mettre en œuvre pour tenter de me sauver. Avec un canif bien affuté, il me fait une entaille à vif sur sept à huit centimètres là où j’ai été mordu par cette bestiole enragée. Pendant de longues minutes, avec sa bouche, il mord ma blessure et suce le sang en le recrachant d'emblée. Lorsque cet exercice douloureux est terminé, il ordonne à un conducteur de camion benne de me prendre en charge dans sa cabine et de me conduire à l’hospice de Safi. Le lendemain, je suis transféré à l’hôpital de Casablanca. Je présente le certificat que m’a fait le docteur Ricaud de Janzé avant ma mobilisation, certificat attestant que j’ai eu une insolation et que je suis resté huit dans le coma en mai de l’année dernière. Le capitaine est présent et il s’exaspère : « Qui c’est l’andouille qui vous déclaré apte à effectuer un service militaire au Maroc ? ». Le 19 novembre 1954, je suis réformé définitif et rayé du corps de l'armée active.

J’écris à mes parents. Je leur annonce que je ne suis plus soldat mais que je revenu à la vie civile. Un certain Guilloux, cousin de la famille (au second degré côté Bertheux) originaire de Tresbœuf et au même échelon que moi avec Odette, Hilaire et Roger Gaulay (des Cours-Luniaux) est installé près de Rabat depuis de nombreuses années et il devait passer me voir à la caserne. Finalement, comme je suis réformé, il vient me chercher avec sa voiture et m'emmène chez lui. Arrivé à son domicile, il me raconte qu'il exploitait une ferme d’une quinzaine d’hectares lorsqu'il est arrivé ici et qu’il dormait dans une petite cabane qu’il avait construit lui-même avec des parpaings en terre cuite. Aujourd'hui, il cultive environ six-cents hectares et emploie dix-huit salariés. Il me met une 2 CV à disposition et je me déplace selon mon bon vouloir. Je visite le secteur en m'autorisant à aller voir comment ses immenses parcelles sont exploitées. Je séjourne trois semaines dans son corps de ferme et le soir il m’emmène régulièrement avec lui chasser le sanglier dans la forêt de Rabat, laquelle jouxte son exploitation. Etant sur le point de faire valoir ses droits à la retraite, il me propose de reprendre ses terres mais, vu les hostilités et compte tenu que la France est en guerre avec l’Algérie depuis maintenant cinq semaines, je fais le choix de retourner sur mes terres natales.

Le 8 décembre 1954, je reviens en autocar à la caserne de Casablanca pour récupérer les documents attestant que je suis rayé des contrôles de l’armée puis, après avoir rejoint le port de Tanger, je reprends le bateau mais pour Bordeaux cette fois. Lors de la traversée, tous les passagers que nous sommes, nous essuyons une énorme tempête. À la radio, nous apprenons qu’un chalutier vient de faire naufrage. Le 12 décembre, en remettant les pieds sur le sol français, je constate que la température est glaciale, à l'opposé de celle que j'ai connue au Maroc.

[Camille Chevrel (88 ans) – le 4 février 2022]

CC33 (35012)

*****

Le certain Guilloux rencontré par Camille Chevrel à Rabat se prénommait Jean-Marie (dit Arsène). C'était le frère de Rosalie, ma grand-mère maternelle.

[Joël Debroize (70 ans) le 6 juin 2023]

JD53 (35069)

À Safi, au Maroc : Camille Chevrel (à gauche) avec un copain du Maine-et-Loire et le Sergent de la section

■ 

Gilbert Chevrel ? (1932-1957)

 

■ 

Michel Desbois (1941-1983)

J'ai rencontré Michel à Oran en 1960. Avant d'aller en Algérie, il a fait ses classes dans un régiment d'infanterie à Granville.

[Bernard Aulnette (84 ans) - le 25 janvier 2023]

BA38 (35066)

■ 

Robert Drouin (1939-2003)

J'ai rencontré Robert Drouin à Oran en 1960.

[Bernard Aulnette (85 ans) - le 1er février 2023]

BA38 (35066)

Bernard Aulnette et Robert Drouin

..............

1957/1959 – du mercredi 6 novembre 1957 au jeudi 25 février 1960

Contingent 57/2B

André Fralin

Dix-huit soldats de ma compagnie perdent la vie dans une embuscade

J’obtiens un sursis qui me permet de retarder mon départ à l’armée et de pouvoir continuer à aider ma mère à la boucherie. Mon père Léon est décédé et mon frère (prénommé aussi Léon) est toujours sous les drapeaux.

Le sursis qui m’a été accordé expire le 31 octobre 1957. J’ai 21 ans et demi lorsque je quitte le bourg de Teillay pour me rendre à la caserne Mellinet, à Nantes. Le 6 novembre, je rentre au Centre d’Information et d’Orientation (C.I.O) du 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale. Après quatre mois de classes, je rentre en permission pour une dizaine de jours. Le 8 mars 1958, je prends la mer au port de Marseille et le lendemain j’accoste à Alger. Ensuite, un petit train roulant à faible allure m’emmène à mon lieu d’incorporation, Medjadja, une commune située à deux-cents kilomètres d'Alger, entre Béni Rached et Orléansville.

Je pars de temps en temps en opération mais je ne suis jamais confronté à des coups durs. J'ai la chance de ne pas être présent lorsqu'une section de ma compagnie se trouve prise en étau dans une embuscade. Ce jour-là, dix-huit soldats perdent la vie en traversant le massif montagneux de l’Ouarsenis.

Le 1er décembre 1958, par changement de dénomination, le 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale devient le 2ème Régiment d’Infanterie de Marine (2ème RIMa). Nous sommes environ une centaine dans la compagnie. Je suis employé aux cuisines de la troupe pendant trois mois et ensuite, je suis affecté au mess des sous-officiers.

En février 1959, je rentre dans ma famille pour une permission de deux semaines.

Un jour, alors que je prépare la cuisine à la roulante, je me déboite la cheville du pied droit en montant sur un rondin de bois. Je dois rester plâtré pendant deux semaines sans trop pouvoir bouger. Lorsque je sors de l’infirmerie, on m'accorde une longue période de convalescence. Pour me déplacer, j’utilise des béquilles.

Le 22 février 1960, je suis libéré de mes obligations et conduit sur la base militaire d’Alger. Le 23, j’embarque à bord du bateau « Ville de Tunis » et le 24 je suis au port de Marseille. Le jeudi 25 février 1960, je suis de retour au bourg de Teillay avec une permission libérable de onze jours. Le 7 mars, je suis définitivement rayé des contrôles du corps des armées.

[Raconté par André Fralin (84 ans) – le 19 août 2020]

AF36 (35030)

*****

Avant de partir à l'armée, André était un membre très actif à la clique de Teillay. Il jouait du clairon. Il était aussi membre du club de football. Passionné, il pratiquait ces deux disciplines sous la direction de l'abbé Jean Denoual.

À son retour d'Algérie, il a repris la musique et le foot. Lorsqu'il s'est marié, il s'est installé à La Bosse mais il a continué à venir jouer encore quelques années à Teillay.

[Jean Martin (79 ans) – le 12 novembre 2020]

JM41 (35238)

*****

André Fralin, avec des arabes, sur le marché de Medjadja.

André Fralin, avec des arabes, sur le marché de Medjadja.

André Fralin (accroupi à gauche), avec son équipe des cuisines dont un gars de Sion-les-Mines.

André Fralin (accroupi à gauche), avec son équipe des cuisines dont un gars de Sion-les-Mines.

André Fralin (à droite) avec des copains et une cigogne apprivoisée.

André Fralin (à droite) avec des copains et une cigogne apprivoisée.

1959 : André Fralin prépare la cuisine pour la troupe.

1959 : André Fralin prépare la cuisine pour la troupe.

André Fralin est de service au bar du mess des sous-officiers.

André Fralin est de service au bar du mess des sous-officiers.

Convoi partant en opération.

Convoi partant en opération.

André Fralin (la cheville plâtrée) se déplace avec des béquilles.

André Fralin (la cheville plâtrée) se déplace avec des béquilles.

André Fralin (accroupi) et ses collègues des cuisines ont devant eux la carcasse d'une vache qu'ils viennent de dépecer.

André Fralin (accroupi) et ses collègues des cuisines ont devant eux la carcasse d'une vache qu'ils viennent de dépecer.

André Fralin, avec les joueurs de son équipe de foot.

André Fralin, avec les joueurs de son équipe de foot.

André Fralin avec sa quille.

André Fralin avec sa quille.

■ 

Joseph Gaudin (....-....)

...............

■ 

Jean Gaulay (dit Roger Gaulay) (1932-1993)

  • né à Tresbœuf le 11 juin 1932
  • fils de Hilaire Gaulay et de Rosalie Guilloux
  • frère de Odette (1928), Hilaire (1929)
  • enterre sa vie de garçon le 11 juin 1955, jour de l'accident le plus meurtrier de l'histoire automobile (84 morts et 120 blessés aux 24 heures du Mans)
  • marié avec Yvonne Tiratel (Rennaise) le 15 juin 1955
  • rappelé pour aller servir en Algérie début mai 1956, trois semaines après la naissance de son fils Patrick
  • affecté aux Transmissions, à Médéa
  • libéré vers le mois d'août 1956 car marié et père de famille
  • décédé à Rennes le 23 octobre 1993

À compléter

1956 : Jean Gaulay en Algérie [JD53]

................

■ 

Auguste Giboire (1939-2017)

Il serait allé faire ses classes à Paris en juillet 1959.

[Elie Péan]

*****

Auguste était affecté à la Police militaire à Alger.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

*****

En 1960, trois gars de La Bosse se retrouvent à Alger : Robert Lunel, Elie Péan et Auguste Giboire.

..............

■ 

Robert Giboire (1938-1975) ?

...............

■ 

Contingent ....

Bernard Guérault ?

...............

1956-1958 

Contingent ...

Henri Hamon (1936-2002)

Né aux Cours-Luniaux en La Bosse-de-Bretagne, Henri a fait la totalité de son service militaire en Tunisie et il a dû y séjourné durant vingt-quatre mois.

Il est rentré une seule fois en permission.

[Jean Hamon (83 ans), frère de Henri – le 30 janvier 2022]

JH38 (35051)

*****

Henri était adhérent de la section CATM de La Bosse. Lorsqu'il est décédé, je suis allé à ses obsèques à Cintré avec le drapeau de notre association.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

 

 

1958-1961 – du mercredi 3 septembre 1958 au jeudi 5 janvier 1961

Contingent 58/2A

Jean Hamon

Le jour de mon incorporation, nous sommes trois frères sous les drapeaux

Je quitte les Cours-Luniaux, en La Bosse-de-Bretagne, le 3 septembre 1958 pour aller servir dans le 5ème Régiment d’Infanterie, au camp de Meucon. Dans quelques jours, mon frère René va rentrer de son service militaire qu’il effectue au Maroc. Mon frère Henri fait le sien en Tunisie.

Ma formation de base en tant que jeune recruté dans l’armée se déroule dans un régiment disciplinaire où il faut faire beaucoup de marche et de parcours du combattant. Pendant mes quatre mois de présence à Meucon, j’obtiens deux permissions dont une de huit jours au moment où je termine mes classes.

Je pars pour l’Algérie le 2 janvier 1959. Je prends le car des transports De Saint-Hénis au bourg de La Bosse, à l’arrêt situé devant le café-épicerie de Robert et Denise Hugues, près de la pompe à essence. Rendu à Rennes, je prends le train pour Paris, puis destination Marseille. J’embarque le 13 janvier sur le bateau « El-Djazair » et, arrivé à Alger le 14, tous les soldats de ma section s’entassent dans des camions et nous sommes conduits dans une ferme, en haut du col de Ben Chicao. Le poste de commandement est à Bradza. Je suis opérationnel le 15 janvier dans la 3ème section du 504ème Bataillon du train.

À peine arrivé, je pars trois mois à Boghari pour faire stage commando. Ensuite, je suis mis en réserve à seulement une dizaine de kilomètres, sur la commune de Boghar située dans les Monts de l’Ouarsenis. Lorsque mon stage est terminé, je reviens à Boghari. Je monte des gardes de temps en temps mais je m’en vais surtout en opération dans le djebel de Mongormo ou dans les gorges de Chiffa. Nous sommes héliportés sur des pitons et nous devons sauter du Sirkorsky. La nuit, nous partons, à une dizaine d'hommes, à pied avec la mitraillette au poing et le sac sur le dos. Nous avons pour mission de repérer les endroits où il y a des rebelles. Nous encerclons des mechtas. Quand nous sommes en embuscade, je tire des fusées.

Le 28 août 1959, jour de mes 21 ans, au cours d’une opération improvisée dans le secteur de Bei Royat, le lieutenant me dit : « Lance des patates ». Je suis à plat ventre sur un talus et j’actionne mon lance-grenades. La riposte est immédiate. Mon copain Roger Letertre (originaire de Clisson) me prend par les pieds et m’attire avec lui au fond du fossé. Son geste me sauve la vie. Je n’ai jamais pensé autant à ma mère que ce jour là.

En début d’année 1960, je rentre en permission dans ma famille que je n’ai pas revue depuis un an.

Pendant la semaine des barricades (du 24 janvier au 1er février 1960), je monte la garde dans les rue d’Alger avec un légionnaire originaire de Brest. Nous faisons des escortes à pied pour permettre à des arabes civils de pouvoir rentrer à leur domicile.

Le 27 janvier 1961, après avoir passé vingt-quatre mois en Algérie, je suis libéré. Je rentre en France avec le « Ville d’Oran » le 28 janvier avec une permission libérable et je suis rayé des contrôles du corps le 5 janvier 1961.

[Raconté par Jean Hamon (80 ans) – le 16 août 2019]

JH38 (35051)

*****

Jean et moi, nous nous sommes connus en 1958, un peu avant son départ à l’armée. Domestique dans la ferme voisine à celle de mes parents, il avait 20 ans et j’en avais 15 et demi. Nous avons correspondu pendant ses vingt-huit mois de service militaire et, le 4 juillet 1962 (la veille de l'indépendance de l'Algérie), nous nous sommes mariés. Nous avons habité au 30 rue Lobineau, à Rennes jusqu'en 1965 et à Fouillard ensuite. En 1971, nous sommes revenus à La Gravelle en Cesson, le village de nos premiers amours, et nous y sommes toujours.

Je suis allée pour la première fois chez ses parents, à La Bosse, juste après son retour d’Algérie. J’ai pris la ligne des Autocars Drouin pour aller à Poligné et mon vélo voyageait sur la galerie. Jean n’était pas à m'attendre lorsque je suis descendue du car si bien que j’ai cru qu’il m’avait posé un lapin. Quelques minutes plus tard, il est arrivé avec son vélo, lui aussi. Ensuite, nous avons pédalé en direction des Cours-Luniaux.

[Simone Hamon (76 ans) épouse de Jean – le 12 septembre 2019]

SH43 (35051)

*****

Début de l'été 1959 : Jean Hamon avec le fusil mitrailleur, dans le djebel Mongorno

Début de l'été 1959 : Jean Hamon avec le fusil mitrailleur, dans le djebel Mongorno

Eté 1959 : Jean Hamon avec le pistolet mitrailleur, dans le djebel Mongorno

Eté 1959 : Jean Hamon avec le pistolet mitrailleur, dans le djebel Mongorno

Eté 1959 : Jean Hamon (torse nu) devant l'hélico, avec Roger Le tertre à sa gauche

Eté 1959 : Jean Hamon (torse nu) devant l'hélico, avec Roger Le tertre à sa gauche

Eté 1959 : Jean Hamon avec le poste radio, dans un mirador à Mongorno

Eté 1959 : Jean Hamon avec le poste radio, dans un mirador à Mongorno

Août 1959 : Jean Hamon, de corvée de cuisine à la roulante, aux environs de Bei Royay

Août 1959 : Jean Hamon, de corvée de cuisine à la roulante, aux environs de Bei Royay

Printemps 1960 : Jean Hamon devant l'hôpital de Médéa, après quelques jours d'hospitalisation

Printemps 1960 : Jean Hamon devant l'hôpital de Médéa, après quelques jours d'hospitalisation

Printemps 1960 : Roger Letertre et Jean Hamon avec la roulante, à Boghar

Printemps 1960 : Roger Letertre et Jean Hamon avec la roulante, à Boghar

1954-1956

Contingent ... 

René Hamon (1934- ....)

Né en 1934 aux Cours-Luniaux en La Bosse-de-Bretagne, René a fait l'intégralité de son service militaire au Maroc où il a dû séjourné durant vingt-quatre mois.

Il est rentré une seule fois en permission.

[Jean Hamon (83 ans), frère de René – le 30 janvier 2022]

 

JH38 (35051)

*****

René était adhérent de la section CATM de La Bosse. Lorsqu'il est décédé, je suis allé avec Francis Morel à ses obsèques dans les Côtes-d'Armor. Nous avions le drapeau de notre association.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

 

1961-1962  du lundi 2 janvier 1961 à fin novembre 1962

Contingent 61/1

Claude Hervochon

Dix-huit soldats de mon régiment meurent dans une attaque

Je vais avoir 20 ans et, comme tous les garçons de mon âge, je suis appelé sous les drapeaux. Le 2 janvier 1961, je me rends à la caserne Richmond à Nantes. Pendant deux mois j’apprends le maniement des armes en qualité de grenadier voltigeur. Je fais partie d’une section de marsouins, c’est ainsi que l’on appelle pudiquement les militaires de l’infanterie de marine qui sont en première ligne lors des combats et ratissages. A la fin de ces deux mois de classes, je suis détaché du RIMA que nous appelons (nous, les simples troufions) le « rime à rien ». Je suis envoyé dans le Régiment des Transmissions à Saint-Brieuc où j’apprends à utiliser l’alphabet morse, les dépannages des postes émetteurs portatifs et l’installation des antennes. Cette formation est très intense et elle dure quatre mois avec des contrôles chaque semaine. Si le résultat est inférieur à la moyenne, la permission du week-end est supprimée. Je m’accroche pour obtenir les examens de fin de stage (151 et 251) qui me permettront de devenir transmetteur télégraphiste dans l’armée.

Dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, soudainement, nous sommes réveillés et emmenés avec armes et paquetage sur l’aéroport de Saint-Brieuc. On nous annonce que le putsch d'Alger, également appelé putsch des Généraux, vient d’avoir lieu. Des rumeurs circulent aussi comme quoi des soldats du 1er Régiment Etranger de Parachutistes (1er REP) s’apprêtent à atterrir sur un aéroport Français et que nous devons être là pour parer à cette éventualité. Nous discutons beaucoup entre militaires appelés et nous nous voyons mal tirer sur d’autres militaires Français.

Fin juin 1961 je suis envoyé au 2ème Régiment d’Infanterie de Marine mais, ayant le diplôme, je suis affecté comme opérateur radio télégraphiste, ce qui me permet de ne pas trop souvent porter le fusil.

Début juillet, comme beaucoup, je fais partie d’un contingent qui est envoyé en Algérie mais je ne sais pas encore à quel endroit. Nous partons d’abord en train avec tout notre paquetage, dans des wagons de marchandises, direction Marseille. Le voyage dure toute la nuit et une partie de la journée du lendemain. Nous dormons à même le sol, comme nous pouvons. Je suis dans un état d’esprit complètement abattu. Je commence une sorte de journal intime qui ressemble à une fiche testamentaire laissant une trace car je suis convaincu que je ne reviendrai pas vivant de cette Algérie. La Plaque d’immatriculation individuelle divisible en deux parties, en cas de décès, n’est pas non plus pour me remonter le moral

Ne sachant pas ce qui nous attend, je suis angoissé et résigné. Moralement, cela ne me convient pas du tout car, ayant connu des Algériens devenus amis au foyer des jeunes travailleurs de Nantes, je pense que leur pays a droit à son indépendance et que nous allons là-bas uniquement pour des intérêts financiers.

Arrivés à Marseille, nous sommes conduits dans une caserne où nous passons la nuit. Le lendemain nous embarquons sur le paquebot « Ville d’Oran ». Après avoir piétiné sous le poids de notre paquetage en attendant de monter sur la passerelle, nous nous installons en fond de cale, sur des lits Picot. Nous subissons une tempête dans le golfe du lion. Malades, nous utilisons notre casque lourd pour vomir. Après une nuit épouvantable, nous apercevons Alger, la ville blanche qui rappelle étrangement la vision que nous avions au départ de Marseille.

Nous débarquons le 16 juillet 1961 au petit matin sur le port d’Alger, puis nous nous alignons par détachement devant les arcades de la gare maritime. Il fait déjà très chaud. Assoiffés, nous nous précipitons vers un robinet pour boire. Des civils pieds noirs nous mettent en garde en précisant qu’il n’est pas rare que cette eau soit empoisonnée par les fellaghas. Nous repartons avec la soif et montons dans des camions bâchés et, là encore, on nous prévient que les soldats qui nous ont précédés ont été mitraillés. Drôle d’ambiance pour ce premier jour en Algérie.

Nous quittons Alger en convoi, avec en tête un half-track surmonté d’une mitrailleuse 12.7 pour ouvrir la voie et déjouer une embuscade possible des fellaghas. Nous partons en direction de la Kabylie en passant par les sinistres gorges de Palestro. Le paysage devient de plus en plus aride, rocailleux et inhospitalier. Nous arrivons dans la vallée de l’oued Soummam, dans la ville d’Akbou, au 22ème RIM, dans une unité opérationnelle. 

Je suis affecté à la section des transmissions de ce régiment, à Tazmalt puis à Guendouze. Cette vallée de la Soummam se prolonge au Nord vers la ville de Bougie. Sur les parois rocheuses de la montagne sont tracées de grandes inscriptions à la peinture blanche « Amirouche est mort ». Les villages sont accrochés à la montagne et je suis impressionné par les paysages, mais inquiet car le lieu n’est pas sûr.

Des opérations ont lieu tous les jours. Elles démarrent tôt le matin et elles sont destinées à capturer les Fellaghas qui se cachent dans les montagnes inaccessibles. Mon rôle est d’assurer les transmissions en graphie avec la base, car la phonie a du mal à passer dans ces endroits escarpés. J’accompagne le Commandant et sa protection et nous sommes emmenés en hélicoptère sur un piton.

À l’automne 1961, un an après la décolonisation de l’Afrique Noire, un grand remaniement des régiments d’infanterie de marine est opéré. Les militaires africains (la moitié de l’effectif du RIMA) sont démobilisés et renvoyés chez eux, leurs pays étant devenus indépendants. Je suis muté dans un nouveau régiment basé à Tizi N’Bechard, dans le Constantinois, sur la route allant de Sétif à Bougie. Nous sommes dans la vallée et les communications passent mal. C’est donc au col de Takitount, dans un ancien Bordj (une citadelle militaire) que le PC des transmissions est installé. Le service transmission comprend un réparateur radio, deux chiffreurs, quatre opérateurs radio (graphistes). Le reste est affecté à la garde du fort, à la cuisine et à l’entretien des bâtiments, et à la réparation des lignes électriques souvent coupées par le Front de Libération Nationale (FLN). Nous sommes en liaison constante avec les sections opérant sur le terrain. Ces sections sont soit des unités combattantes, soit des unités d’accompagnement et de sécurité pour le régiment du génie qui construit des routes ou installe des liaisons électriques à travers la montagne.

Le fort de Takitount où nous sommes est situé dans le massif des Babords, à plus de mille mètres d’altitude. Il y fait très froid l’hiver. En janvier 1962, nous restons bloqués pendant trois semaines par plus d’un mètre de neige. Pourtant, nous ne sommes qu’à une vingtaine de kilomètres des rivages de la Méditerranée. Qui pourrait dire que nous sommes en Algérie ?

Nous avons une unité de seulement vingt-cinq militaires, y compris l’encadrement composé d’un sergent-chef et de deux sergents militaires de carrière. Ils ont déjà l’expérience de la rébellion et ont été tous les trois engagés dans le conflit du Vietnam où nous disent-ils, les rebelles « Viets » étaient cent fois plus redoutables que les « Fellaghas » Algériens.

Parmi nous, il y a des garçons pas forcément évolués mais d’autres, ayant fait de longues études, sont très cultivés. Sursitaires, ils sont plus âgés et plus matures que la plupart d’entre nous. Le milieu d’origine et les métiers sont aussi très divers. Ça va des garçons qui, comme moi, sont issus de milieux simples et n'ont jamais voyagé, à d’autres venant de classes aisées. Il existe cependant une grande camaraderie entre nous. Nous sommes tous dans la même galère, avec les mêmes contraintes, les mêmes peurs, et cela nous rapproche beaucoup. Lorsque l’un d’entre nous reçoit un colis, il le partage avec ses camarades de la chambrée.

Le fils d’un Général, le plus anti militariste d’entre nous, reçoit presque toutes les semaines des conserves (par colis) de ses parents. Il nous en fait bénéficier à chaque fois. Ça nous change des boites de ration et des biscuits de guerre immangeables que nous emportons en opération. Il existe deux sortes de rations : Les boites pour Européens qui contiennent une petite bouteille d’eau de vie et celles des Français de souche Nord-Africaine (FSNA) qui n’ont ni boite de pâté de porc ni eau de vie.

Nous dormons (les vingt-deux appelés) tous dans la même chambre, sur des lits métalliques à deux étages. Le matin, ça sent souvent le « Fennec ». Les trois sous-officiers ont une chambre à part et elle est très propre. Avant d’aller au lit, nous attachons nos fusils au râtelier pour éviter de se les faire voler dans la nuit. Les gardes sont seuls à avoir leurs armes avec eux.

Etant radio je possède seulement un pistolet et je n’aime pas trop m’en séparer pour dormir. J’ai toujours une hache cachée sous mon matelas, au cas où les "Fells" viendraient nous attaquer la nuit. Je sais que cette protection est illusoire mais ça me rassure.

Lorsque nous ne sommes pas en opération dans la journée, nous avons chacun un travail : Assurer la garde et la sécurité du poste en arme, construire de nouveaux bâtiments, entretenir le matériel et les locaux. Ces travaux sont réalisés sur la base du volontariat, en dehors des gardes et des tâches bien spécifiques comme le dépannage radio qui est assuré par un technicien dont c’est le métier dans le civil, l’entretien et la conduite des véhicules par les chauffeurs, la construction par un maçon, la cuisine par un charcutier.

Le matin, quand nous ne sommes pas de service, il suffit de s’inscrire : au montage des murs pour aider le maçon ou à la cuisine pour aider le cuisinier à préparer les repas. Quant aux gardes, elles sont doublées la nuit avec deux guetteurs en poste fixe et deux patrouilleurs faisant continuellement la ronde autour des bâtiments.

Ma première garde en arme (entre 4 heures et 6 heures) me donne des sueurs froides. Au bout d’un quart d’heure, j’entends d’un seul coup le silence déchiré par un bruit métallique. Mon cœur se met à battre très fort et je ne sais quelle attitude avoir. Dois-je tirer dans la direction du bruit ou attendre qu’il se rapproche. Je scrute l’obscurité et au bout d’un moment, j’aperçois une ombre furtive. C’est un chacal qui, pour se nourrir, vient fouiller dans les boites de conserves jetées en contrebas, dans la fosse à ordure. Ouf ! … Je respire, mais pas pour très longtemps car un peu plus tard, vers cinq heures trente, des bruits se font à nouveau entendre au loin. Cette fois, je distingue des bruits secs de branches qui cassent. Je retiens mon souffle et j’attends. Le bruit ne semble pas se déplacer et je l’évalue toujours à environ deux cents mètres.

Heureusement la relève arrive et c’est un ancien qui vient me remplacer. Je lui fais part de mes inquiétudes. Il sourit et me rassure en me disant qu’il en est ainsi tous les matins. C’est le boulanger qui prépare le feu dans son four à pain.

Une autre fois, au cours d'une opération en plein bled, je viens de finir ma garde de nuit et je suis remplacé par un camarade arrivant tout juste de métropole. Je suis à peine couché qu’il vient me réveiller. Il me dit avoir vu des Fellaghas. Je me lève et j’aperçois non pas des « Fells » comme il le prétend, mais un groupe de Harkis qui au contraire viennent nous appuyer.

Plutôt que de monter des gardes la nuit, je préfère être installé dans le local radio, à l’abri des intempéries. J’ai l’esprit plus détendu et j’aime bien utiliser la télégraphie en morse. Je n’ai pas l’impression d’être militaire mais de faire un travail comme dans le civil. Je passe des nuits assis sur une chaise pendant que mes camarades montent la garde dehors. Je me sens privilégié. J’ai deux postes en marche pour éviter les pannes éventuelles. L’un est en veille permanente sur le canal officiel du régiment en liaison avec les autorités. L’autre étant disponible, je passe mon temps à chercher des conversations en morse et j’essaie de déchiffrer. De temps en temps je fais un café ou un chocolat chaud que les camarades de garde viennent partager avec moi une fois leur service assuré.

Une autre de mes missions consiste à accompagner des militaires encadrés par un sergent appelé. Nous assurons la sécurité de la route qui passe dans les gorges de Chabet el Akra, entre Bougie et Sétif, jusqu'au village de Kerratha, entre deux montagnes à pic et d’une hauteur vertigineuse, le long de l'oued Agrioun. Nous surveillons la route du fort de l’Eperon perché sur la montagne. La nourriture nous arrive sur le dos d’une mule. Le soir nous nous barricadions en fermant l’accès du sentier avec du barbelé et des grenades piégées. Comme il n’y a pas d’électricité, nous devons utiliser la fameuse gégène (générateur portatif manuel) pour alimenter le poste radio émetteur au moment des vacations et tout le monde participe aux tâches de la cuisine et à l’entretien du fort. Pour améliorer l’ordinaire, les quelques militaires africains (encore présents parmi nous) tuent des singes au fusil de guerre. Ils les préparent ensuite mais je m’abstiens d’en manger. Au bout d’une semaine nous sommes relevés et une autre équipe vient nous remplacer.

Le 5 janvier 1962, l’ordre est donné à une section de la 9ème Compagnie de notre Régiment d’escorter et d’assurer, comme tous les matins, l’ouverture de la piste pour la protection des ouvriers civils travaillant sur le chantier d’une ligne à haute tension, près du barrage de l’usine électrique de Darguinah. À 7h30 la section au complet (vingt-cinq militaires appelés dont plusieurs camarades) quitte le poste de Tamricht et précédent les véhicules de l’entreprise SPIE. Ils font trois kilomètres et leur camion se heurte à une embuscade rebelle tendue sur la piste. Après un virage serré, un câble en acier bloque le véhicule des militaires. Le chauffeur voit le câble trop tard. Il est abattu d’une balle dans la tête. Aussitôt, d’autres Fellaghas font exploser des grenades dans le véhicule bâché où sont entassés tous les soldats. Le véhicule est criblé de balles et de grenades. L’attaque dure sept minutes, Le bilan est de dix-huit morts et sept blessés.

Entendant les tirs d’armes automatiques et les grenades, le Capitaine commandant la Compagnie part à la poursuite des rebelles avec la section d’alerte et la Harka. Un Fellagha armé d’un fusil de chasse est abattu dans les broussailles surplombant la piste. Blessé aux jambes par la riposte de la patrouille, il n’a pas pu suivre les fuyards. L’évacuation des blessés s’effectue par hélicoptère sur Bougie pendant que les morts sont ramenés à Tamricht.

En tant que radio graphiste, il me revient la pénible tâche de transmettre l’information aux différentes préfectures (en France) dont dépendent ces malheureux jeunes. Les dix-huit messages annoncent leurs disparitions et les gendarmes sont chargés de prévenir leurs parents. Du 12 au 20 janvier 1962, toutes les sections participent jours et nuits à une série d’opérations. Les soldats crapahutent et ratissent par le froid et sous la pluie, dans les montagnes environnantes.

Le 18 mars 1962, après plusieurs mois de négociations, les accords d’Evian sont signés. C’est la fin d’une guerre. Du coup, notre régiment a été un des derniers à avoir subi la perte ou plutôt le massacre d’une section.

Comme pour les autres opérations, je suis privilégié. En tant que graphiste, avec mon matériel de transmission, j’accompagne le Commandant et son entourage. Nous sommes déposés par hélicoptère sur un piton où nous dormons le soir, autour d’un feu qui reste alimenté toute la nuit. À partir du 21 janvier l’intensité des opérations baisse quelque peu. Les sorties sont quotidiennes mais nous rentrons au camp le soir. Toutes ces opérations se soldent par un échec. Il est impossible de retrouver les rebelles et les armes saisies sur les pauvres garçons de cette 9ème Compagnie.

En Avril 1962, nous rentrons en France. Nos armes sont récupérées et nous sommes acheminés une nouvelle fois par train de marchandises jusqu’à Philippeville. Pendant les ralentissements ou les arrêts du train, les enfants algériens voyant que nous ne sommes plus armés nous lancent des cailloux qu’ils trouvent le long de la voie ferrée.

Nous embarquons sur un vieux rafiot « le Gouverneur Général Chanzy ». Nous sommes contents de quitter l’Algérie mais encore inquiets car, depuis l’entrée en vigueur des accords d’Évian, l’Organisation de l’Armée Secrète fait sa loi au nom de l’Algérie française. Elle se manifeste en France et en Algérie par des attentats et des assassinats très meurtriers.

Des patrouilles entourent le bateau et des plongeurs sous-marins inspectent la coque pendant notre embarquement pour éviter tout attentat de l’OAS.

Nous quittons enfin l’Algérie et après vingt-quatre heures de navigation en Méditerranée, avec une traversée beaucoup plus calme qu’à l’aller, nous débarquons au port de Marseille. Nous sommes aussitôt acheminés par le train dans le camp de transit de l’armée, à Sissonne (dans l’Aine) où notre régiment est dissous.

Les militaires sont dispatchés dans différentes unités en France. Pour ma part, je suis affecté au 2ème Régiment de Marche du Tchad basé à Pontoise, en région parisienne. De nouveau, j’ai la chance d’être dans le service des transmissions qui, pour moi, s’apparente plus à un travail civil qu’à un service militaire. Le dimanche nous avons la permission de sortir de la caserne. J’en profite pour aller me distraire à Paris. Ayant pris soins de prendre des vêtements civils dans une valise, arrivé à la gare de l’Est, je me change dans les toilettes et je range mes vêtements militaires à la consigne de la gare. Le soir je fais l’opération inverse.

Cela me change des montagnes de la Kabylie, mais le décalage me trouble et je pense inévitablement aux camarades tombés là-bas. Pour me changer les idées, je vais au dancing de la Coupole, boulevard du Montparnasse. La salle de danse est immense mais l’ambiance n’est pas chaleureuse. Les filles attendent sagement, alignées sur des bancs autour du dancing, et les garçons sont agglutinés au fond. Dès les premières notes de musique, ils doivent traverser la salle pour inviter la « belle » qu’ils ont repérée auparavant. Cette ambiance ne me plait pas, aussi je change de distraction. Je vais visiter les musées et les monuments de Paris qui, pour moi, sont une véritable découverte.

En Novembre 1962, après vingt-trois mois de service, je suis démobilisé. Revenu enfin à la vie civile, je reprends mon travail de carreleur à l’entreprise Milani de Nantes. Je suis très déboussolé par cette longue période de vie militaire et j’ai du mal à retrouver mes gestes professionnels. Je suis taciturne et n’aime pas répondre aux questions que l’on me pose sur les événements vécus là-bas, en Algérie.

Soixante années plus tard…

Quand je suis parti à l’armée, la France parlait de maintien de l`ordre et de pacification. On ne disait pas la guerre d'Algérie mais les événements d’Algérie. Nous n'étions pas des guerriers mais des pacificateurs comme quoi la langue de bois ne date pas d’aujourd’hui. Lors de mes trois jours au Centre de sélection, j’avais demandé la marine et les îles Kerguelen comme affectation (ayant vu sur Paris Match un reportage sur ces îles quelques temps auparavant). En guise de marine, j’ai été mobilisé dans l’Infanterie de Marine (le RIMA) et affecté par la suite en Algérie.

Pas facile pour moi tout cela d’autant que, sur l’ensemble des appelés, tous n’ont pas été toujours parfaits. Je me souviens avoir vu un militaire de ma compagnie revenir d’une opération avec quelques objets en terre cuite qu’il avait volé (trouvé disait-il) dans une mechta abandonnée considérée comme une maison de rebelles, puisque située dans une zone interdite. Un autre se ventant d’avoir soulevé les robes des femmes lors d’une fouille, avec le bout de son fusil, dans une mechta encore habitée dans cette zone interdite aux civils.

L’armée en effet regroupait les familles (pour les isoler de la rébellion) vers des camps situés le long des axes routiers dans le but de priver le FLN de l'appui de la population. Mais dans ces zones interdites, certaines maisons étaient parfois encore habitées, donc considérées comme rebelles. Aucun homme n’était présent dans ces lieux. Il n’y a que des femmes et des enfants. Lorsque la question était posée par rapport à cette situation, c’était toujours le même refrain, appris par cœur par ces femmes : « Non ! Non ! Pas Djebel ! Travail Francia, Paris, Marseille… »

Je me souviens même avoir vu un prisonnier Fellagha, assis attaché les mains derrière le dos et demandant : « Garro » (cigarette en Arabe). Une altercation eu lieu entre militaires dont certains ne voulaient surtout pas lui en offrir. Au final ce fut l’humanité qui l’emporta, et il eut sa « garro ».

En ce qui me concerne je n’ai jamais vécu d’acte que je pourrais, aujourd’hui, avoir sur ma conscience. Certains de mes camarades ont aussi refusé des ordres de leurs supérieurs. L’un d’eux n’a pas obéi au capitaine qui lui demandait d’achever un Fellagha blessé après un accrochage, Un autre a refusé d’obéir à son lieutenant qui lui demandait de faire une photo d’un cadavre. Un autre enfin, ayant fait des études longues, avait fait la classe aux petits Algériens de la région. Avec d’autres appelés, il avait même organisé une distribution de cadeaux pour Noël.

[Claude Hervochon (78 ans) – le 3 février 2020]

CH41 (35030)

*****

Je viens d’avoir à l'instant (après avoir découvert l'article ci-dessus) une conversation téléphonique avec Claude Hervochon avec qui j'ai passé environ six mois en Algérie. En tant que sergent à Takitount, j’étais responsable de la station radio où il était opérateur.

Presque soixante ans plus tard, aussi bizarre que ça puisse paraître, je ne me souviens pas de lui, pas plus qu’il ne se souvient de moi. Dans notre longue discussion nous avons pourtant remémoré un bon nombre d’expériences vécues ensemble, dont la tragédie du 5 janvier 1962 que ni l’un ni l’autre ne peut oublier.

En effet, ce vendredi-là, une section de la 9ème compagnie de notre régiment est prise en étau dans une embuscade provoquant la mort de dix-huit soldats. Je suis au PC des transmissions lorsque le capitaine Campernon m'envoie le message suivant : « Pertes amies, vingt-cinq blessés ». J'informe le commandant Rollet et, entre temps, je reçois un second message plus précis du capitaine : « Pertes amies, dix-huit morts et sept blessés graves »

Quelques jours plus tard, je descends sur Kherrata et, sur la base, je constate que le GMC est criblé de grenades MK2. J'ai une pensée pour ces soldats abattus par les fells dont le sergent Chaouad, lequel a pris une balle en pleine tête.

Si Claude n’avait pas fait état de ce drame en racontant ce qu’il a vécu en Algérie, je n’aurai probablement jamais retrouvé ses traces.

Si à l’époque, comme lui, j’avais été Breton et non Bourguignon, nous ne nous serions peut-être pas perdus de vue. Le hasard a voulu qu'en 1973 je devienne Breton moi-même et aujourd’hui j'apprends que nous n’habitons qu’à une quarantaine de kilomètres l’un de l’autre.

[René Morisot (79 ans) – le 26 avril 2020]

RM40 (35024)

*****

J’apporte ma contribution au récit de mon camarade Claude !...

Nous avons été ensemble au 2ème Régiment d’Infanterie de Marine, à Guendouze, de juillet à octobre 1961. Pour moi, ça été la période heureuse de mon séjour algérien. Je l'ai payée très cher lorsque j'ai été affecté à Berbesse (cote 807) dans le secteur de Kherrata, comme seul radio au service de deux sections de Harkis, au 3/22ème RIMa de la 11ème Compagnie.

Après le gros pépin subi par la 1ère section de notre 9ème Compagnie de Périgotville, le 5 janvier 1962 à Tamricht (déjà évoqué par Claude), nous avons été rapatriés en priorité début Mars 62 à Sissonne pour y être dissous. Ensuite, nous avons été mutés au Régiment de Marche du Tchad basé à Pontoise et, pour mon cas, j'ai été affecté à la Compagnie d'Eclairage de Brigade de Saint-Germain-en-Laye.

50 ans plus tard, lors de retrouvailles d'anciens copains d’Algérie (dont Claude), comme mon paquetage ne m’avait pas été réclamé le jour où j’ai eu la quille, j'ai pu exhiber ma tenue militaire avec ses attributs. Parmi les camarades réunis, j’étais le seul à pouvoir la revêtir ! ….

[Gérard Le Gouic (79 ans) – le 25 novembre 2020]

GL41 (56121)

*****

Lundi 17 juillet 1961 : Claude Hervochon et Gérard Le Gouic (de Lorient) en escorte au bord de la route, direction Akbou.

Lundi 17 juillet 1961 : Claude Hervochon et Gérard Le Gouic (de Lorient) en escorte au bord de la route, direction Akbou.

Au Fort de Takitount : Claude Hervochon est à son poste de travail dans le local radio et, à un autre moment, le sergent René Morisot est assis à la même place avec, près de lui, le soldat Marcillou.

Au Fort de Takitount : Claude Hervochon est à son poste de travail dans le local radio et, à un autre moment, le sergent René Morisot est assis à la même place avec, près de lui, le soldat Marcillou.

Claude Hervochon sur le poste de l’Éperon, dans les gorges de Kherrata.

Claude Hervochon sur le poste de l’Éperon, dans les gorges de Kherrata.

Septembre 1961 : Des enfants Kabyles se ravitaillent en eau à la fontaine de Guendouze.

Septembre 1961 : Des enfants Kabyles se ravitaillent en eau à la fontaine de Guendouze.

Entre le 9 et 14 septembre 1961 : Gérard Le Gouic et Claude Hervochon en opération à Chellata (cote 606) dans le secteur d'Akbou. [GL41]

Entre le 9 et 14 septembre 1961 : Gérard Le Gouic et Claude Hervochon en opération à Chellata (cote 606) dans le secteur d'Akbou. [GL41]

Entre le 9 et 14 septembre 1961 : Les transmetteurs du PC du 2ème bataillon du 2ème RIMa (dont Gérard Le Gouic et Claude Hervochon) se la coule douce pendant les crapahuts à Chellata, secteur d'Akbou. [GL41]

Entre le 9 et 14 septembre 1961 : Les transmetteurs du PC du 2ème bataillon du 2ème RIMa (dont Gérard Le Gouic et Claude Hervochon) se la coule douce pendant les crapahuts à Chellata, secteur d'Akbou. [GL41]

Mercredi 18 octobre 1961 à Beni Mansour : X Juliot (du Mans), Claude Hervochon, Jean Touzée, xxxx, Claude Hermelin.

Mercredi 18 octobre 1961 à Beni Mansour : X Juliot (du Mans), Claude Hervochon, Jean Touzée, xxxx, Claude Hermelin.

Jour de Noël 1961 : Déjeuner arrosé à Takitount.

Jour de Noël 1961 : Déjeuner arrosé à Takitount.

Jour de Noël 1961 : après le déjeuner à Takitount, Claude fait la fête avec ses copains.

Jour de Noël 1961 : après le déjeuner à Takitount, Claude fait la fête avec ses copains.

Début février 1962 : Claude Hervochon dans la neige au fort de Takitount. * En arrière-plan : la fenêtre de la chambre des trois sous-officiers (à gauche) et la chambre où dort Claude Hervochon avec ses 21 camarades (à droite).

Début février 1962 : Claude Hervochon dans la neige au fort de Takitount. * En arrière-plan : la fenêtre de la chambre des trois sous-officiers (à gauche) et la chambre où dort Claude Hervochon avec ses 21 camarades (à droite).

En rouge, les lieux où Claude Hervochon a séjourné en Algérie.

En rouge, les lieux où Claude Hervochon a séjourné en Algérie.

En haut : Jean Touzée, de Brest et Claude Hervochon (1961) - Claude Hervochon et Jean Touzée (2016) * En bas : Claude Hervochon et Gérard Le Gouic, de Lorient (1961) - Gérard Le Gouic et Claude Hervochon (2016).

En haut : Jean Touzée, de Brest et Claude Hervochon (1961) - Claude Hervochon et Jean Touzée (2016) * En bas : Claude Hervochon et Gérard Le Gouic, de Lorient (1961) - Gérard Le Gouic et Claude Hervochon (2016).

1959-1961 – du lundi 4 mai 1959 au dimanche 27 août 1961

Contingent 59/1B

Germain Hervochon

Au bout de dix-huit mois d’armée, je suis promu brigadier-chef

Le 4 mai 1959, je prends ma valise puis je quitte Eugène et Maria Masson, chez qui je suis arrivé en famille d’accueil seulement trois jours après ma naissance. Je me rends à l’arrêt de car des Transports De Saint Hénis situé à quelques pas de la maison, devant le café-épicerie de Robert et Denise Hugues.

Un de mes conscrits, Robert Lunel de La Haute-Bosse, est lui aussi appelé à servir sous les drapeaux. Nous sommes assis côte à côte jusqu’à Rennes et nous voyageons dans le même train jusqu’au Mans. Ensuite, nous partons chacun dans une direction différente. Robert s’en va en Allemagne et moi je vais dans l’Allier. Je suis incorporé au Régiment du Matériel de Montluçon. C’est là que j’effectue mes deux mois de classes.

Début juillet 1959, je suis muté au Centre d’Instruction du Matériel (CIM 302) de Kaiserslautern, en Allemagne. Je fais une formation qui me permet de devenir moi-même moniteur d’instruction. Je monte des gardes régulièrement mais je passe la majeure partie de mon temps à animer des stages destinés à des soldats venant de différents corps d’armée. Ils apprennent à dépanner tout type de matériel : dodge, GMC, half-track, Jeep et véhicule blindé. Je suis encadré par des gradés qui boivent plus que la normale mais, sur le plan humain, ils sont supers. Le travail me plait et je fais le maximum pour rester ici le plus longtemps possible. Je ne suis pas pressé d’aller en Algérie.

Le 3 octobre 1959, j’obtiens le permis de conduire voiture légère et poids lourd. Le 23 octobre, je suis titulaire du diplôme d’électricien auto en étant classé 3ème sur les vingt-et-un candidats présentés à l'examen. Le 1er janvier 1960, je suis nommé caporal.

Jean Bitauld de Pancé (dix mois de moins que moi et que je ne connais pas) est incorporé dans la caserne où je suis. La proximité de nos communes natales fait que nous sympathisons de manière naturelle. Un samedi matin, nous sommes ensemble lorsque nous remarquons qu'un moteur sur châssis ne fonctionne plus. J'enlève le carburateur et la pompe débite directement dans l'entrée d'admission. Un retour de flamme se produit et le moteur s'embrase. Jean se précipite et, à l'aide d'un extincteur , il réussit à éteindre le feu.

Je suis promu brigadier-chef Le 1er octobre 1960 et je quitte l’Allemagne fin octobre. J’ai une permission qui me permet de rentrer à La Bosse mais ensuite, bien qu’ayant effectué la durée légale de dix-huit mois, je dois quand-même partir en Algérie.

Je descends à Marseille en train. Le 15 novembre 1960, je prends le bateau et le lendemain, je débarque à Alger. Nous sommes nombreux à monter dans des camions pour être conduits à la gare de Constantine. Ensuite, nous prenons un train et voyageons dans des wagons à bestiaux jusqu’à Batna, commune située dans les Aurès. Je suis toujours affecté au matériel, spécialisé dans le démontage et remontage des moteurs dans différents corps de troupes.

Le 25 août 1961, après avoir passé un peu plus de neuf mois sur le sol algérien, je suis libéré. Je prends le bateau « le Chanzy », à Philippeville le jour même et je débarque à Marseille le lendemain. De retour à La Bosse le 27 août avec la quille, je n’ai aucun regret concernant les vingt-huit mois que je viens de passer à l’armée. L’argent que j’ai gagné en tant que brigadier-chef me permet d’avoir un bel apport pour l’achat de ma première voiture, ma dauphine !

Plus tard, si je me suis débrouillé dans la vie, c’est grâce aux expériences vécues pendant mon service militaire. Si j’ai réussi le concours d’électricien auto au Secrétariat Général d’Administration de la Police (SGAP) de Rennes et si j’y suis resté durant trente ans, c’est en partie parce que je suis passé par le centre d’instruction de Kaiserslautern.

[Raconté par Germain Hervochon (80 ans) – le 10 janvier 2020]

GH39 (35136)

*****

En septembre 1968, suite aux évènements ayant eu lieu en mai-juin et sept années après notre retour d'Algérie, Germain et moi-même, nous sommes rappelés au camp de la Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande pour une période de trois jours pendant lesquels nous restons en alerte. Germain est employé au garage et moi au magasin d'habillement. 

[Bernard Aulnette (82 ans) – le 17 décembre 2020]

BA38 (35066)

*****

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Au Centre d’Instruction du Matériel de Kaiserslautern

Novembre 1960 : Marcel Douessin et Eugène Masson (place de la gare de Rennes) avec Germain Hervochon qui s'apprête à prendre le train pour Marseille avant d'embarquer pour l'Algérie

Novembre 1960 : Marcel Douessin et Eugène Masson (place de la gare de Rennes) avec Germain Hervochon qui s'apprête à prendre le train pour Marseille avant d'embarquer pour l'Algérie

■ 1956-1958

Contingent ....

Jean-Marie Hervochon (1935-2018)

Jean-Marie a fait ses classes à La Lande d'Ouée, sur la commune de Saint-Aubin-du-Cormier.

Il s'est blessé une main à Beni Mansour le 31 janvier 1957, lors d'un déraillement de train.

Il a eu la quille le 12 août 1958, jour de ses 23 ans.

[Nadine Mauny, née Hervochon, sa fille (51 ans) le 25 avril 2024]

NM73 (35320)

...............

■ 

Contingent ....

Pierre Horel ?

 

1957-1959 – du dimanche 5 mai 1957 au mardi 18 août 1959

Contingent 57/2

Joseph Hurel

J’ai attrapé la jaunisse en rentrant de permission

Le lundi de Pâques 1957, j’assite à l’Assemblée de Pancé et le lendemain matin je reçois la convocation m’indiquant le lieu où je dois aller servir sous les drapeaux. Le dimanche 5 mai, je quitte la ferme de mes parents, aux Bignons en Le Sel. André Barré, de La Jeussinière en Tresbœuf, est incorporé à la même caserne que moi et c’est son frère Auguste qui nous emmène en voiture à la gare de Rennes. Ensuite, c’est en train que nous voyageons pour atteindre la base aérienne 136 Bremgarten, sur la rive droite du Rhin, à Hartheim am Rhein, en Allemagne.

Nous restons ensemble durant six semaines mais ensuite, nous sommes séparés. Je suis muté en France et affecté au garage, en tant que chauffeur, à la base aérienne 132 de Colmar-Meyenheim.

Fin septembre 1957, je bénéficie d’une permission de huit jours puis, à peine revenu à Colmar, mon tour est venu de partir en Algérie.

Je prends le bateau à Marseille le 10 octobre. Le lendemain, arrivé au port d’Alger, je suis conduit à la base aérienne 146 de Réghaïa située à une trentaine de kilomètres à l’Est de la capitale algérienne. Nous sommes un bon groupe de nouveaux arrivants à être accueillis par un gradé qui commence par nous dire : « Vous êtes partis de France pour venir au pays de la mort lente ! »

Au printemps 1958, je passe le permis poids lourd.

En novembre 1958, suite à une demande faite par mon père, j’obtiens une permission agricole de quinze jours. Dans le bateau qui me ramène de France en Algérie, je suis malade pendant toute la traversée. Lorsque je suis de retour à la base, le médecin capitaine Joseph, dont je suis le chauffeur, me trouve bizarre et il me demande de passer à son cabinet. Il me détecte une jaunisse. Je passe plusieurs semaines à l’infirmerie avant de retourner dans ma famille en avion pour une dizaine de jours, en convalescence cette fois.

Le 1er juillet 1959, je suis nommé Soldat de 1ère classe.

À la mi-août 1959, je suis libéré après avoir passé deux ans en Algérie et toujours à à la base de Réghaïa. Le 16 août, j’embarque sur le Sidi Ferruch à Alger, à destination de Marseille. Je rentre aux Bignons le 18 août avec une permission libérable de dix jours. Je suis rayé des contrôles de l’unité le 28 août 1959.

[Joseph Hurel (83 ans) – le 4 août 2020]

JH37 (35030)

*****

J’ai un souvenir de ce dimanche 5 mai 1957 où je suis parti en Allemagne avec Joseph Hurel. Le baptême de ma nièce « Françoise Barré » avait lieu à Tresbœuf ce jour-là et je n’ai pas pu y assister.

Joseph et moi, nous avons passé six semaines ensemble à Hartheim am Rhein. Ensuite il est revenu en France mais moi, je suis resté en Allemagne. J’ai fait un stage à la base 178 de Achern. Je n’avais rien demandé mais je n’étais vraiment pas malheureux.

Quand je suis allé en Algérie, comme par hasard, j’ai été muté à Réghaïa. Un jour, en me rendant à l’infirmerie, je croise le capitaine. Il me regarde le blanc des yeux et me dit : « Pourquoi vas-tu à l’infirmerie, tu n’as pas l’air malade ?» Je lui dis que j’allais chez le dentiste. C’est là qu’il m’a annoncé qu’un Breton venait d’attraper la jaunisse et qu’il s’agissait de Joseph Hurel. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés.

[André Barré (83 ans) – le 19 septembre 2020]

AB37 (35343)

*****

Joseph Hurel

Joseph Hurel

Réghaïa

Joseph Hurel

Joseph Hurel

■ 

Hubert Langouët (....-....)

...............

1960-1962 – du début mars 1960 à juin 1962

Contingent...

Joseph Leclère

Un de mes copains refuse d’obéir à un gradé

Je pars du bourg de La Bosse début mars 1960 et je me rends au quartier Duguesclin à Dinan. Je suis incorporé dans l’armée de terre, au 11ème Régiment d’Artillerie de Marine (11ème RAMa) dont le rôle est de former des hommes destinés à servir en Afrique du Nord. Ma mission consiste à ravitailler les canons en munitions. Je rentre deux ou trois fois en permission pendant mes quatre mois de classes.

Nous rentrons tous une semaine dans notre famille avant de partir en Algérie. Ensuite, nous prenons un train qui nous emmène à Port-Vendres où nous embarquons le 11 juillet 1960. Nous naviguons sur une mer calme et passons la nuit sur des lits de camp. Le 12 juillet, nous débarquons au port d’Oran.

Nous sommes affectés dans une caserne située près de la frontière marocaine et nous dormons dans une étable. Environ deux mois plus tard, nous sommes mutés dans un Régiment d’Infanterie à Trumelet, petite commune située à une quinzaine de kilomètres de Tiaret. Je suis employé en tant que barman.

Un de mes copains refuse d'obéir à un gradé. Malgré les sommations, il tient tête. Peu après, sur ordre du Commandant, il est abattu par un gars de la section.

Au bout d’un an de présence en Algérie, je rentre à La Bosse pour une permission de quinze jours. En arrivant à Marseille, je dois attendre plusieurs heures avant d’avoir un train. J’en profite pour aller faire un tour sur la canebière avec un groupe de copains.

À mon retour en Algérie, je reste affecté à la caserne de Trumelet (commune rebaptisée Dahmouni). Sans trop savoir pourquoi, j’ai toujours été exempté de gardes et je ne suis jamais allé en patrouille.

J’ai la quille en juin 1962, Il ne me reste plus qu’à regagner la France et à rentrer dans ma commune natale

[Raconté par Joseph Leclère (79 ans) – le 14 décembre 2019]

JL40 (35030)

*****

Joseph Leclère est barman à Trumelet

Joseph Leclère, au centre

Joseph Leclère à gauche

Joseph Leclère

Joseph Leclère, à gauche

Joseph Leclère

Joseph Leclère

Joseph Leclère, debout à gauche

Joseph Leclère

La médaille de Joseph Leclère

■ 

Gustave Lemoine

.......................

■ 

Marcel Lemoine

Il a servi dans la Légion

.................

1959-1961

Jean Lorée (1939-2019)

Il est parti faire ses classes à Granville en 1959, dans un régiment de chasseurs.

[Elie Péan]

*****

En Algérie, Jean était affecté dans un régiment de chasseurs situé à la ferme de Prévost-Paradol. Le hasard a fait que je suis arrivé dans sa caserne environ huit mois après lui. Dès qu'il m'a aperçu, il est venu me taper sur l'épaule et m'a dit : « Qu'est-ce que tu fous là Maleuvre ? ». Comme moi, il était originaire de La Bosse. Etant dans la même section que lui, nous étions ensemble le jour où je suis parti pour la première fois en opération. Nous avons traversé l'Oued Mina et, à 5h00 du matin, nous avons eu un accrochage avec un groupe de fellaghas. Plus tard, dans la journée, il faisait une chaleur de plomb et, n’ayant rien à boire, j'ai été bien content d'avoir Jean près de moi car il était muni de deux bidons d’eau.

Jean s'est déclaré volontaire pour servir dans un commando. Après avoir levé la main, il a regretté car il allait régulièrement en opération. Je l'ai quitté en octobre 1960.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

*****

Jean est décédé à Nouméa en 2019

...............

■ 

Marcel Lorée

Un dimanche de 1962, je l'ai rencontré à Tlemcen, en Algérie.

[Henri Lunel]

...............

■ 

Contingent ....

René Louise (1934-2020)

…………….

1956-1958 – du vendredi 4 mai 1956 au vendredi 15 août 1958

Contingent 56/1B

Francis Luce

Je suis employé au mess des officiers

Je suis commis de ferme chez Arsène Aulnette à La Touche lorsque je reçois ma convocation pour partir au service militaire. J’abandonne Gamin et Céline, les deux chevaux dont je me suis occupé tous les jours depuis deux ans et je me rends à la caserne Mac-Mahon, à Rennes. Je suis incorporé au 41ème Régiment d’Infanterie. J’y reste pendant quatre mois et je fais beaucoup de la marche.

Début septembre, je devrais partir en Algérie mais, étant donné que mon frère Roger est mobilisé au Maroc, je ne peux pas quitter la France avant qu'il revienne. Je suis muté à la Lande d’Ouée, dans un camp situé sur la commune de Saint-Aubin-du-Cormier. J’ai beau être volontaire pour aller servir en Algérie, c’est seulement en décembre que ma demande est exaucée. Roger revient du Maroc et il me remplace à la Lande d’Ouée où il va rester jusqu’à ce qu’il obtienne la quille. Il est content car, en Afrique, il était presque toujours en opération et il ne mangeait pas à sa faim.

Quant à moi, je rentre en permission chez mes parents à La Couyère pour les fêtes de fin d’année puis, le réveillon du nouvel an passé, je descends à Marseille. Le 3 janvier 1957, nous sommes nombreux à embarquer. Dès le lendemain, nous accostons au port d’Alger.  Pris en charge aussitôt, nous sommes emmenés en camion à Tiaret. Nous y restons deux mois et les conditions de vie sont tout à fait acceptables. De-là, nous descendons cent-soixante-dix kilomètres plus au sud puis nous stationnons dans un camp situé en pleine brousse, sur la commune d’Aflou. Nous dormons sous tente. Je ne suis plus affecté au 41ème Régiment d’Infanterie mais au 110ème Régiment d’Infanterie Motorisé.

Quelques jours passent et nous remarquons plusieurs GMC calcinés sur un terrain vague, non loin de notre cantonnement. Nous apprenons par la suite que de nombreux soldats sont morts dans une embuscade ayant eu lieu à cet endroit il y a trois mois.

 Réalité des faits : L’embuscade d'El-Khoteifa constitue une des nombreuses épopées jalonnant l'histoire de la Révolution. Cet accrochage livré par les combattants moudjahidines et fidayines près de la zone de Taouiala a pour but de libérer les détenus politiques de la prison d'Aflou.

Au matin du 2 octobre 1956, un convoi des forces coloniales composé de 135 camions est repéré sur la route menant à Aflou. Durant leur passage, les soldats français procèdent à un ratissage et à des fouilles systématiques et sans ménagement des populations nomades. Une partie du convoi, devancée par la Jeep du Capitaine, quitte les lieux et le reste est pris sous les feux nourris des moudjahidines. L'accrochage avec les forces ennemies se solde par la mort de 39 soldats français et d'importants dégâts matériels dont quatre camions blindés incendiés –

Ici, le règlement est strict et notre régiment est mené à la dure. Un jour, le camp est attaqué par des felouzes et les balles arrivent de toutes parts. Nous courrons nous mettre à l’abri derrière un mur de pierre mais plusieurs troufions restent sous la tente. Un gars de ma section est tué dans son lit en recevant une balle.

Je rentre en permission en France pour seulement une semaine.

Revenu au camp, je fais partie des privilégiés car je suis employé pour servir au mess des officiers. Ici, tous les gradés (du Sergent au Capitaine) mangent à la même table. Ce n’est pas comme en France où ils sont rassemblés en fonction de leur grade.  Je ne mange pas avec eux mais je mange comme eux. Je fais partie d’une équipe qui a la chance d’être bien servie en nourriture, aussi bien en quantité qu’en qualité. Les gars de la compagnie qui partent régulièrement en opération ne peuvent pas en dire autant car ils sont sous-alimentés. Ils se plaignent de ne pas manger tous les jours à leur faim. Je me porte volontaire une fois pour aller avec eux et voir leurs conditions de vie sur le terrain mais je ne demande pas à renouveler cette expérience.

Plutôt que de les voir chaparder des moutons chez des petits paysans qui nous invitent à boire un kawa (un café au goût amer) quand nous passons devant leur porte, je préfère les accompagner dans mes temps libres lorsqu’ils volent des lapins ou des volailles chez les colons fortunés qui n’ont aucune considération pour nous.

Durant les quatre derniers mois de service, des gars d’un nouveau contingent assurent notre remplacement au mess des officiers et nous, les anciens, nous passons notre temps à jouer à la pétanque et au billard. Au bout de vingt-sept mois et demi d’armée et après avoir passé les trois quarts de mon temps en Algérie, je suis libéré. Avant de rentrer en France, pour avoir un peu d'argent, je revends l'appareil photo que j'avais acheté en arrivant à Aflou. Le 12 août 1958, j’embarque sur le « Maréchal Joffre » à Oran et le 14 je suis au port de Marseille. Le 15 août, je suis de retour parmi les miens.

[Raconté par Francis Luce (85 ans) – le 21 décembre 2020]

FL35 (35231)

*****

Francis Luce à Aflou

Francis Luce à Aflou

Francis Luce sur un mulet

Francis Luce sur un mulet

Les officiers auxquels Francis Luce assure le service au mess

Les officiers auxquels Francis Luce assure le service au mess

Francis Luce boit le kawa qu'un paysan lui offre

Francis Luce boit le kawa qu'un paysan lui offre

Francis Luce est debout au centre

Francis Luce est debout au centre

Francis Luce, la pioche à la main

Francis Luce, la pioche à la main

Francis Luce avec un chien

Francis Luce avec un chien

Francis Luce avec le poste émetteur

Francis Luce avec le poste émetteur

Francis Luce en tenue de service au mess des officiers (à gauche) et en tenue de sortie (à droite)

Francis Luce en tenue de service au mess des officiers (à gauche) et en tenue de sortie (à droite)

Francis Luce (à gauche) joue au billard

Francis Luce (à gauche) joue au billard

Francis Luce sur le bateau au milieu de la Méditerranée

Francis Luce sur le bateau au milieu de la Méditerranée

■ 

Camille Lunel (1937-1977)

Camille a fait ses classes et peut-être tout son service militaire en Allemagne.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

*

Mon cousin Camille aurait eu un accident avec une jeep en Allemagne et, de ce fait, il ne serait pas allé en Algérie.

[Jean-Claude Lunel (74 ans) - le 13 décembre 2023]

JCL49 (35030)

..............

■ 

François Lunel (1939-1990)

Il serait parti directement en Algérie et il était maître chien.

*****

Un jour, François, affecté dans un régiment de tirailleurs, il est passé en camion devant l’entrée de mon campement. L’enseigne lui a fait penser que c'est là que j'étais. Lorsqu’il est rentré à sa caserne, il ma 'écrit pour me dire qu'il était allé à Tiaret et qu'il avait aperçu  la ferme Meyer où j'étais basé. Ensuite, nous avons continué à échanger du courrier.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

...............

1960-1962 – du vendredi 2 septembre 1960 au mardi 25 septembre 1962

Contingent 60/2A

Henri Lunel

J’ai rencontré un gars de La Bosse à Tlemcen

Appelé sous les drapeaux, je suis incorporé le 2 septembre 1960 dans la 1ère batterie du 10ème Régiment d’Artillerie Antiaérienne de Vannes (10ème RAA). Je fais les quatre mois de classes qui me sont imposés et le jour arrive où je devrais partir en Algérie comme tous les soldats de mon contingent mais, mon frère Robert y étant déjà, je reste affecté à la caserne de Vannes. Je suis employé au magasin d’habillement puis, de temps à autre, je monte des gardes.

Le 5 novembre 1960, avec quelques gars de mon unité, je suis envoyé au camp d’Auvours, à Champagné, dans la Sarthe. Logés dans des baraquements en bois, nous sommes ici pour faire un stage de préparation au permis de conduire. Indépendamment de ma volonté, je manque plusieurs séances. Ayant des crises d’albumine renouvelées, je suis admis à l’infirmerie de la caserne et j’y reste plusieurs jours si bien que, le jour de l’examen, je n’obtiens pas mon permis. Comme il n’y a pas de rattrapage, le 3 décembre, je rentre à Vannes avec mes copains.

Le 14 juillet 1961, je monte la garde à l’entrée du 10ème régiment d’artillerie avec un fusil mitrailleur. Je suis en poste depuis seulement cinq minutes lorsque, par mégarde, j’appuie sur la gâchette alors que le canon de mon arme est braqué vers la rue où la circulation est dense. Il n’y a pas de blessés, pas même de vitres brisées mais la façade du café situé face à l’entrée de la caserne est criblée de balles. Je suis jugé responsable d’un accident qui a failli tourner au drame. La sanction est lourde. Je suis condamné à deux semaines de taule. Ma cellule est à la fois restreinte et tristounette mais comme on a besoin de moi dans la journée, je n’y suis que la nuit.

Fin août 1961, mon frère rentre d’Algérie et maintenant c’est à mon tour d’y aller. J’ai une semaine de permission avant de partir.

Le 9 septembre 1961, je prends un train qui m’emmène à Port-Vendres. J’embarque le 12 au matin sur le « Sidi-Ferruch », un vieux rafiot qui navigue pendant trente-six heures avant d’accoster à Oran le 13 en fin d’après-midi. Nous sommes nombreux du contingent 60/2A à être affectés au 5ème RAMA basé à Mers El Kébir. Nous devons encore attendre quatre jours avant de prendre la route en direction de Tlemcen.

Un dimanche de janvier 1962, à Tlemcen, je rencontre Marcel Lorée, un gars originaire des Brûlons, en La Bosse.

Le 11 avril 1962, je passe repasse mes permis de conduire pour voitures légères et poids lourds et cette fois, avec succès.

Je suis chauffeur d’un adjudant. Deux fois par semaine, il vient avec moi en 4x4 chercher des obus et autres munitions à une bonne heure route de notre cantonnement. Je roule en début de convoi, devant des GMC. Je ne pars jamais en opération mais certains de mes potes y vont régulièrement. Dans la journée, ils font du ratissage afin de constater ce que des légionnaires ont fait la nuit précédente. Par trois fois, en traversant des zones minées, des troufions de notre batterie trouvent la mort.

Mon contingent est libéré le 5 septembre 1962. Nous sommes conduits à Oran où il nous faut encore attendre jusqu’au 23 septembre avant de pouvoir embarquer sur le bateau « La Bidassoa », à destination de Marseille. Notre bateau est en pleine mer lorsqu’une dizaine de militaires libérés comme nous (mais que nous ne connaissons pas) font la java et s’amusent comme des fous. En trébuchant, l’un d’eux fait tomber une grande quille en plâtre (1 mètre 50) et elle est en morceaux. Des officiers viennent récupérer ces individus qui sèment le désordre et ils découvrent un pistolet mitrailleur MAT 49 qu’ils ont dissimulé dans leur paquetage. Ils sont immédiatement conduits en retrait de là où nous sommes. Le 24 septembre, lorsque nous descendons du bateau à Marseille, nous ne savons toujours pas ce qu’ils sont devenus.

Maintenant que je suis sur le sol français, il ne me reste plus qu’à transiter par Paris et rejoindre mon village natal que je n’ai pas revu depuis un an. Quelques jours après avoir repris goût à la vie civile, je me rends à la sous-préfecture de Redon pour faire convertir mon brevet de conduite militaire (VL et PL) en permis de conduire civil. Je règle la somme de 12 francs, un tarif plutôt intéressant si je le compare à celui qui est appliqué en auto-école.

 [Henri Lunel (78 ans) – le 5 septembre 2019]

HL40 (35054)

*****

1960 : Pendant une permission, Henri Lunel pose devant la fenêtre de la cuisine de ses parents, à La Haute-Bosse

1960 : Pendant une permission, Henri Lunel pose devant la fenêtre de la cuisine de ses parents, à La Haute-Bosse

1961, à Mers El Kébir : Henri Lunel accroupi au centre avec ses copains dont X Le Vacon (des Côtes-du-Nord) à droite

1961, à Mers El Kébir : Henri Lunel accroupi au centre avec ses copains dont X Le Vacon (des Côtes-du-Nord) à droite

Algérie, un dimanche de repos : Henri Lunel à gauche, X Le Vacon au centre

Algérie, un dimanche de repos : Henri Lunel à gauche, X Le Vacon au centre

Fin 1961, à Mers El Kébir : Henri Lunel près d'un dépôt d'obus

Fin 1961, à Mers El Kébir : Henri Lunel près d'un dépôt d'obus

Henri Lunel (5ème), avec des gars de sa section

Henri Lunel (5ème), avec des gars de sa section

Henri Lunel (5ème), avec des gars de sa section

Henri Lunel (5ème), avec des gars de sa section

Henri Lunel, à Mers El Kébir

Henri Lunel, à Mers El Kébir

Henri Lunel, à Mers El Kébir

Henri Lunel, à Mers El Kébir

Dans le djebel de Mers El Kébir : Henri Lunel à droite, avec des gars de sa section

Dans le djebel de Mers El Kébir : Henri Lunel à droite, avec des gars de sa section

1959-1961 du lundi 4 mai 1959 au dimanche 27 août 1961

Contingent 59/1B

Robert Lunel

Je suis à Alger le jour de la tentative de coup d’Etat

Mon heure est arrivée. Je prends le car De Saint-Hénis devant le café-épicerie de Robert et Denise Hugues, au bourg de La Bosse. Germain Hervochon est là lui aussi. Comme moi, il entre sous les drapeaux aujourd’hui. Nous voyageons assis côte à côte, dans un autocar jusqu’à Rennes et dans un train jusqu’au Mans. Sur le quai de la gare, nous nous devons nous séparer en partant chacun dans une direction opposée. Germain s’en va à Montluçon. Je me rends à Spire, ville portuaire allemande localisée en Rhénanie-Palatinat, à seulement une cinquantaine de kilomètres de la frontière franco-allemande. Je suis attendu au casernement du 32ème Régiment du Génie.

Mon contingent fait quatre mois de classes en effectuant de nombreuses marches en forêt et en apprenant à manipuler les armes. Un jour, au stand de tir, je lance une grenade par-dessus le mur de clôture du terrain d’entrainement mais j’avance trop près et ce n’est pas conforme au règlement. Le capitaine est contrarié. Il s’emporte et m’envoie un coup de pied brutal dans le coccyx. J’ai mal pendant plusieurs jours mais j’évite de me plaindre.

Parfois, en partant en manœuvre, nous traversons le Rhin avec des GMC après avoir construit un pont artificiel en utilisant des barques que nous disposons en travers du fleuve dans un endroit pas trop profond. Nous avons quand-même de l’eau jusqu’à la ceinture. Quand notre installation de fortune est au point, nous pouvons passer en France. Nous y restons une bonne partie de la journée.

Le 16 mai 1960, je suis nommé première classe.

Fin août, je rentre une dizaine de jours en permission dans ma famille. À peine suis-je revenu à Spire, je repars avec toute ma section, mais cette fois, c’est pour aller en Algérie. Toute la compagnie est convoyée en camion à Marseille. Nous embarquons 18 juin 1960 sur le « Ville d’Oran » et le lendemain, nous accostons au port d’Alger. Ensuite, nous montons dans un train qui nous conduit jusqu’à Bou Saâda, dans le Sud-algérois. Des GMC prennent le relais et c’est après avoir emprunté pas moins de quatre-vingt kilomètres de piste que nous atteignons la caserne où nous allons séjourner. Nous sommes affectés dans un Régiment du Train. Nous restons vingt mois dans le même bled où il fait souvent très chaud.

Je monte fréquemment des gardes avec un Harki dans un mirador situé à un kilomètre de notre point d’attache. Nous sommes toujours à deux, un soldat musulman (un harki) et un soldat européen. Nous avons chacun un fusil. Je ne me sens absolument pas en danger en contrôlant la zone que nous protégeons. Ce que je crains, ce sont les réactions que pourrait avoir mon coéquipier. Il est gentil certes, mais il ne me met pas à l’aise. Sa présence m’oblige à être vigilant et à rester bien éveillé.

À la caserne, je passe une bonne partie de mon temps dans l’atelier de menuiserie à faire le métier que j’exerce dans la vie civile. Le quartier est entouré d’un mur d’une hauteur de deux mètres. Les bâtiments sont sur un seul niveau et ils sont occupés par à peu près cent-cinquante militaires, gradés compris. Officiers ou simples soldats, nous vivons tous sous le même toit. Quand nous avons besoin d’un matériel spécifique ou de divers matériaux, nous nous rendons à Bou Saâda. Pour tout ce qui concerne les produits de première nécessité, dont l’alimentation, nous sommes ravitaillés par les airs, avec des Nord-Atlas. Tout près de notre campement, un bâtiment est réservé spécialement pour des prisonniers algériens ayant été capturés au cours d’une opération de ratissage.

Pour nos quatre derniers mois de présence sur le sol algérien, nous sommes déplacés à Alger où la tension monte. Notre mission consiste à assurer le maintien de l’ordre. Nous logeons dans une ancienne gare, sur les hauteurs de la ville et c’est de-là que le 21 avril 1961, nous apprenons qu’un putsch vient d’être commandité par quatre généraux : Challe, Jouhaud, Salan et Zeller. Là encore, j’ai la chance d’être réquisitionné pour faire de la menuiserie et de l’ébénisterie. Je ne suis que très rarement confronté à des situations dangereuses alors que mes copains qui vont en opération sont quelquefois pris à partie dans des embuscades.

Je n’obtiens aucune permission durant mes deux années passées en Algérie mais le jour où j’ai la quille, le 25 août 1961, je suis bien content. J'embarque à Alger sur le « Ville d’Oran » (même bateau qu'il y a quatorze mois) et je débarque à Marseille le 26. J'emprunte le trajet qui me ramène à La Bosse et plus précisément au lieu-dit La Haute-Bosse. Bizarrement, je rentre le 27 août 1961, même jour que Germain Hervochon, mon conscrit et ami qui a commencé son service militaire le même jour que moi.

[Raconté par Robert Lunel (80 ans) – le 6 janvier 2020]

RL39 (35139)

*****

Eté 1959 à Spire : Robert Lunel avec un gars originaire de Lunel (département de l'Hérault).

Eté 1959 à Spire : Robert Lunel avec un gars originaire de Lunel (département de l'Hérault).

1959, à Spire : Robert Lunel

1959, à Spire : Robert Lunel

1960, en Algérie : Robert Lunel

1960, en Algérie : Robert Lunel

1960 : Cinq militaire d'Ille-et-Vilaine se retrouvent à Alger : 1 Jean-Claude Colombeau, d'Eancé - 2 André Choquet, de Bain-de-Bretagne - et trois gars de La Bosse : 3 Auguste Giboire - 4 Robert Lunel - 5 Elie Péan

1960 : Cinq militaire d'Ille-et-Vilaine se retrouvent à Alger : 1 Jean-Claude Colombeau, d'Eancé - 2 André Choquet, de Bain-de-Bretagne - et trois gars de La Bosse : 3 Auguste Giboire - 4 Robert Lunel - 5 Elie Péan

1960, Trois gars de La Bosse se retrouvent à Alger : 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1960, Trois gars de La Bosse se retrouvent à Alger : 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1960, à Alger : Jean-Claude Colombeau, Elie Péan, Robert Lunel, André Choquet, Auguste Giboire.

1960, à Alger : Jean-Claude Colombeau, Elie Péan, Robert Lunel, André Choquet, Auguste Giboire.

1960, à Alger : Robert Lunel et Auguste Giboire

1960, à Alger : Robert Lunel et Auguste Giboire

1961, à Alger : Robert Lunel

1961, à Alger : Robert Lunel

1961, à Alger : Robert Lunel

1961, à Alger : Robert Lunel

1960-1962 (du mercredi 6 janvier 1960 au samedi 14 avril 1962)

Contingent 59/2C

Claude Maleuvre

Je reviens en France avec la quille le jour du cessez le feu

Le mercredi 6 janvier 1960, je prends le train en gare de Rennes et je me rends à Granville. Je suis incorporé à la caserne du Roc, au 21ème Régiment de Chasseurs, où se trouve un centre d'instruction d'appelés pour l'Algérie. Au bout de deux mois, je rentre en permission et je retrouve Annick que je fréquente depuis que nous nous sommes rencontrés à une fête à Pléchatel l’été dernier. Revenu au service, je vais faire un stage Radio à la caserne Rocabey, à Saint-Malo. J’apprends à manipuler les postes et je passe des examens un peu avant de terminer mes classes.

Je rentre une nouvelle fois en permission à La Bosse et, le 8 mai 1960, je suis dans le train qui me conduit à Marseille. L’embarquement à lieu le 11 mai sur un paquebot baptisé « Président de Cazalet ». Nous traversons la Méditerranée, destination Oran. Le 13 mai, un petit train (un vieux tacot) nous emmène à Montgolfier, commune située à mi-chemin entre Relizane et Tiaret. Nous sommes impressionnés de voir que, sur notre parcours, tous les poteaux téléphoniques sont sectionnés. À notre arrivée au campement, nous apprenons que ce n’est pas lié à des bombardements mais pour empêcher les communications.

Nous recevons le paquetage et, deux semaines plus tard, nous déménageons à quelques kilomètres. Nous stationnons dans un endroit où il y a un gros stock de blé et de nombreuses cuves à vin. Chaque section est composée d'environ vingt-cinq soldats mais, faisant partie d’un petit contingent, nous sommes seulement sept pour remplacer vingt-et-un quillards. Je suis affecté au commando 41 du 31ème Bataillon de Chasseurs à Pied, à Prévost-Paradol. Je reçois un 2ème paquetage. L’entrée du commando disciplinaire dénommé « Les fermes » est signalée avec des lettres de deux mètres de hauteur facilement repérables par les transports héliportés.

Quelques jours après mon arrivée, un soldat présent ici depuis plusieurs mois me tape sur l’épaule. Comme moi, il est originaire de La Bosse. Il s'agit de Jean Lorée, un des fils d’Alfred et d’Eloïse, des Brûlons. Je suis dans la même section que lui et nous sommes ensemble le jour où je pars en opération pour la première fois. Nous avons un accrochage avec un groupe de fellaghas. Il fait très chaud et, n’ayant rien à boire, je suis bien content d’avoir Jean près de moi car il a deux bidons d’eau.

Un autre jour, nous partons vers deux heures du matin et, alors que nous traversons l’Oued Mina, un copain est happé par le courant. Heureusement, le lieutenant réussit à le rattraper. À 4h45, des fellaghas tirent sur nous. Je file me cacher derrière une petite chapelle. En revenant, je constate qu’il y a eu deux morts dans leur camp. Ayant mal aux pieds pour cause d’ongles incarnés, je dis au lieutenant Green (un kabyle) que je ne peux plus marcher mais ce connard de 1ère classe refuse que j’abandonne car je suis le seul radio. Au bout de quelques jours, il m’autorise quand-même à aller aux soins. Rendu à l’infirmerie, on me déclare inapte et c’est comme ça que je sors du Commando.

Un jour, François Lunel, affecté dans un régiment de Tirailleurs basé non loin d’où je me trouve, passe en camion devant l’entrée de notre campement. L’enseigne lui fait penser que c’est là que je suis. Lorsqu’il est de retour à sa caserne, il m’écrit pour m’informer de son passage.

Nous allons laver notre linge et prendre des douches au pied d’une cascade mais à chaque fois nous sommes escortés de deux ou trois soldats armés. Puis, arrive le jour où nous n’avons plus le droit de nous y rendre car c’est trop risqué.

Quand nous sommes de repos, nous allons souvent nous baigner au lac de Bakhadda. Une fois, après m’être un peu trop aventuré, je coule à trois reprises. C’est un arabe, Ahmed Fartas, qui me sauve la vie.

En octobre 1960, je quitte deux bons copains : Jean Lorée (de La Bosse) reste à la ferme de Prévost-Paradol et Jean Aubry (originaire de Renac) s'en va à Guertoufa. Ma section est transférée à la ferme de Gaston Jouin suitée dans un coin perdu, un vrai coupe-gorge où nous ne restons heureusement que quelques mois.

Ensuite nous nous rendons à la ferme Meyer, située à environ cinq kilomètres de Montgolfier. Par rapport à ce que nous avons connu, nous avons l’impression de passer de l’enfer au paradis. Nous partons souvent la nuit mais nous n’avançons que sur renseignements. Je porte en permanence le poste radio qui pèse 11 kg 750.

Pendant le putsch d’Alger d’avril 1961, je dois me rendre à Oran pour des soins dentaires mais je n’ai pas de moyen de transport. Un groupe de pieds noirs voyageant en traction me conduit devant la Préfecture. De là, je m’accroche à l’arrière d’un camion et je suis emmené dans un camp militaire. Ensuite, un soldat me ramène en jeep à l’hôpital pour me faire soigner.

Au printemps 1961, je rentre en permission dans ma famille.

De retour à la ferme Meyer, je suis désigné comme chef de chantier en maçonnerie, charpente et couverture. Je dis souvent aux gars de ma section : « Ne vous plaignez pas, souvenez-vous de ce que nous avons vécu ». Nous restaurons le logement du lieutenant puis nous construisons un bar.

En octobre 1961, je rentre une 2ème fois en permission, mais cette fois c’est pour assister aux obsèques de mon père. Je n’ai pas d’argent, heureusement mon régiment m’en prête. Je prends l’avion à Oran et j’atterri à Marseille Marignane puis je monte dans le train pour Paris et enfin pour Rennes.

De retour à mon campement, je peins des quilles pour les soldats libérables. Je viens juste de terminer lorsque nous avons la visite du capitaine. En voyant les quilles, il demande : « Qui est l’artiste qui a fait cela ? » Le lieutenant répond : « C’est Maleuvre !» Le capitaine vient vers moi et dit : « Soldat Maleuvre, je viens de voir les quilles que vous venez de peindre. Pourriez-vous me copier le fanion du régiment à l’identique ? » Je fais la reproduction du fanion et, pendant une semaine, je suis invité à manger au mess des officiers. Peu après, le capitaine est libéré. Avant de rentrer chez lui, il me donne 30 000 frs CFA. Je lui dis que je dois rendre l’argent qui m’a été prêté pour que je puisse aller aux obsèques de mon père. Il répond : « Ecoutez Maleuvre, vous n’êtes pas rentrés chez vous pour le plaisir, gardez cet argent ! »

Après environ un an de présence à la ferme Meyer, avec ma section, je reviens à Montgolfier, où j’étais lorsque je suis arrivé en Algérie. Le Sergent-chef (un type bien) remplace le lieutenant Bernard Laugue parti en France pour se marier. Il me dit : « Maleuvre, on va faire une patrouille de nuit ». Il ne veut pas que je prenne mon poste radio car il vient de trébucher avec son pistolet mitrailleur.

Un peu plus tard, le lieutenant reprend son poste et nous partons en opération dans le djebel Amour, sur une chaîne montagneuse de l’Atlas saharien. Nous faisons du ratissage lorsque je lui demande : « Lieutenant, pouvez-vous ralentir la progression car j’a une envie pressante ». Je m’éloigne de quelques mètres quand, soudain, un felouze sort d’une touffe d'herbes dans laquelle il était caché. Je crie au lieutenant : « un fell… » Paniqué, je me trouve dans une situation qui me coupe l’envie de … Toute la section est sur ses gardes, la culasse du pistolet en arrière, près à appuyer sur la gâchette. Le felouze est pris en charge par des officiers et il est enfermé dans une cuve à vin où il va rester plusieurs jours. Le Sergent-chef est viré de notre section pour avoir tiré une rafale. Quant au lieutenant, il recevra une citation, alors que c’est moi qui ai risqué d’être assassiné.

Je suis libéré à Montgolfier le 16 mars 1962. Je prends le Sidi Ferruch à Oran le 17 mars et je débarque à Marseille le 19. De là, je prends le train pour Sissonne (dans l’Aisne) où je dois encore attendre une douzaine de jours avant de rentrer à La Bosse.

[Raconté par Claude Maleuvre (79 ans) – le 19 août 2019]

CM39 (35030)

*****

Claude est arrivé huit mois après moi en Algérie et nous avons passé un peu plus d'un semestre ensemble à la ferme Meyer, près de Tiaret, en Oranie.

Il y a une bonne vingtaine d'année, il m'a invité avec mon épouse et nous avons été reçus lui un dimanche après-midi. Il m'avait fait une surprise car quand nous sommes arrivés à son domicile, au bourg de La Bosse, le copain Martin avec sa femme étaient là eux aussi.

Raymond Le Yondre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

RLY39 (56164)

*****

NB : Claude est sur la Méditerranée (avec sa quille) le 18 mars 1962, au moment où les accords d’Evian sont signés. Il débarque à Marseille le 19 mars 1962, jour du Cessez le feu en Algérie.

JA49 (35235)

*****

Automne 1960 : Claude Maleuvre (passager), dans la ferme de Gaston Jouin

Automne 1960 : Claude Maleuvre (passager), dans la ferme de Gaston Jouin

Automne 1960 : Claude Maleuvre, dans la ferme de Gaston Jouin

Automne 1960 : Claude Maleuvre, dans la ferme de Gaston Jouin

Claude Maleuvre au centre

Claude Maleuvre au centre

5b - Nos Soldats d'Algérie (AFN) de M à Z
Trois copains de Claude Maleuvre : 1 Carpy (des Côtes-du-Nord), 2 Martin (de Notre-Dame-des-Langueurs (Loire-Atlantique), 3 Raymond Le Yondre, de Ploeren (Morbihan)

Trois copains de Claude Maleuvre : 1 Carpy (des Côtes-du-Nord), 2 Martin (de Notre-Dame-des-Langueurs (Loire-Atlantique), 3 Raymond Le Yondre, de Ploeren (Morbihan)

Claude Maleuvre (accroupi à gauche) avec une bande de copains

Claude Maleuvre (accroupi à gauche) avec une bande de copains

C'est l'heure de la lessive

C'est l'heure de la lessive

Claude Maleuvre, accroupi dans un arbre non pas pour monter la garde mais pour le plaisir

Claude Maleuvre, accroupi dans un arbre non pas pour monter la garde mais pour le plaisir

Claude Maleuvre, avant dernier à droite

Claude Maleuvre, avant dernier à droite

Le 16 mars 1962 : Claude Maleuvre dans le train (2ème fenêtre à droite) à Montgolfier, le jour de sa libération

Le 16 mars 1962 : Claude Maleuvre dans le train (2ème fenêtre à droite) à Montgolfier, le jour de sa libération

1958-1960 – du mardi 7 janvier 1958 au jeudi 28 avril 1960

Contingent 57/2C

Jacques Maleuvre

J'ai terminé l'armée au grade de Maréchal des Logis

Le 7 janvier 1958, je prends le car De Saint-Hénis devant le café de Robert et Denise Hugues au bourg de La Bosse. Je vais à Rennes et je monte dans le train en partance pour Paris. Rendu à Montparnasse, je rejoins la gare de l’Est et je me rends à Thionville, en Moselle. Je suis incorporé dans le 59ème Régiment d’Artillerie.

Je fais mes classes et, ensuite, j’aide à former des jeunes Algériens arrivant du djebel. Ils ont entre de dix-sept et dix-neuf ans. Comme les appelés du contingent, ils apprennent à marcher au pas et à manier les armes mais, n’étant pas encore de vrais soldats, ils ne montent pas de gardes. Ils font semblant de ne pas connaître notre langue alors que la plupart la parle couramment. Je réussis à trouver une technique. Je les prends en groupe et, avec un ballon, j’arrive à organiser des matchs. Devenu copain, nous finissons par engager des conversations amicales. Je forme aussi des nouveaux appelés. Tous les deux mois, j’ai une nouvelle section.

Je rentre en permission dans ma famille à peu près tous les trimestres. Une fois, après avoir passé une semaine à la maison et en retournant à Thionville, je croise mon frère Robert à la gare de Rennes. Il vient de terminer son service en Algérie et il rentre à La Bosse. Pour arroser sa quille, nous prenons le temps de boire un verre ensemble au café de la Petite Vitesse, boulevard Solférino.

Le 1er octobre 1958, je suis nommé brigadier. Fin décembre, je suis admis à l’hôpital militaire de Metz pour une opération de l’appendicite. Ensuite, je reviens chez mes parents pour une convalescence d’une dizaine de jours. À la mi-janvier 1959, lorsque je reviens à la caserne, les jeunes algériens me crient dessus : « chef, chef, vous chef… ». Le 1er février 1959, j’apprends que je suis nommé Brigadier-chef.

Je pars en détachement pour cinq semaines dans un centre de formation à Hettange-Grande, au cœur du Pays des Trois Frontières (Luxembourg, Allemagne, France). Je suis membre du jury de validation pour les examens de permis de conduire. Je commence par passer les miens (voiture légère, poids lourd et transport en commun). Je les obtiens après avoir fait seulement deux heures et demi au volant d’un GMC. À vrai dire, j’ai le permis en poche mais je ne sais pas conduire. C’est en pratiquant par la suite que j’apprends.

Début juillet, je quitte la Moselle pour partir en Algérie. Je me rends à Marseille en train et tous les passagers sont assis sur des banquettes en bois. Le 11 juillet 1959, j’embarque sur le bateau « Président Cazalet ». Etant sous-officier, je voyage en cabine. Rendu à Bône le lendemain, c’est en train que nous prenons la direction de Souk-Ahras. Nous rejoignons le 139ème Régiment d’Artillerie à Tébessa, entre le massif de l’Aurès et la frontière algéro-tunisienne. Le casernement est situé au Kouif. Je suis affecté dans une ferme réquisitionnée, en bordure de la ligne de chemin de fer, et répertoriée 2 KP.

Parfois, nous rejoignons la batterie d’artillerie au casernement de Bekkaria. Les légionnaires sont nos sauveurs. Quand nous sommes dans une situation à risque, ils nous précèdent toujours. C’est seulement quand nous buvons un coup qu’ils nous laissent passer devant eux. Je ne suis pas venu ici pour mettre des obus dans le canon mais pour assurer l’encadrement. Une nuit, je suis camouflé dans une grotte et je commande un tir considéré trop court. Le lendemain, je me suis convoqué par le capitaine mais, comme je peux prouver qu’il y a eu des blessés en retrouvant des godasses et du sang sur le site visé, je réussis à faire comprendre qu’il y a bien eu une tentative de passage de fellaghas.

Nous sommes plusieurs instructeurs à former des futurs sous-officiers, mais nous exerçons rarement au casernement. Nous partons en opérations le soir et nous dormons à même le sol. Notre action se déroule à 90% sur le terrain, en protection de la ligne électrifiée, le long de la frontière tunisienne. L’armée de volontaires algériens (nos ennemis) est cantonnée en Tunisie et nous devons l’empêcher de revenir en Algérie.

Le 1er novembre 1959, je suis promu Maréchal-des-logis.

La dernière semaine de l’année 1959, je suis responsable à la protection de la ligne de chemin de fer et du réseau électrifié entre Tébessa et Souk-Ahras en remplacement du titulaire (marié et père d’un enfant). Il est parti passer les fêtes de fin d’année dans sa famille, à Saint-Trojan, en Gironde. Un copain, « Barré » de Maure-de-Bretagne, conduit un half-track. S’apercevant que le phare éclairant le réseau ne fonctionne plus, il s’arrête. Nous suivons avec la draisine et nous percutons l’arrière de son véhicule. Le rail de la mitrailleuse est cassé. Heureusement, il n’y a pas de blessés. Comme à l’armée c’est toujours le chef qui est responsable, la sanction me revient. Le Commandant de la place de Tébessa me met vingt-huit jours d’arrêt de rigueur. Le Général basé à Constantine rajoute dix jours. Durant cette période, non seulement je dois rester bloqué à la caserne mais je dois aussi perdre ma solde. N’étant pas titulaire du permis de chemin de fer, nécessaire pour conduire la draisine, je proteste. Au final, je reste quand-même confiné à la ferme mais ma solde est maintenue. En réalité, ça ne me rapporte rien car je me mets à fumer et je dépense plus que je ne gagne.

Après ces trente-huit jours d’arrêt de rigueur, avec ma section, je me trouve en bordure de la frontière tunisienne lorsqu’un collègue libérable, le soldat Chantrel du secteur de Val-d’Izé, passe de l'autre côté et meurt accidentellement. Il est au volant d’une jeep à l’arrêt avec un Adjudant comme passager. Ce dernier ramasse un obus puis il le dépose à l’arrière de la jeep. Quelques minutes plus tard, en roulant, le projectile explose et les deux occupants perdent la vie.

Mon frère "Robert" retourne en Algérie quelques mois après être rentré de son service militaire. Il va rejoindre sa fiancée, une française (pied-noir) qui vit chez ses parents, à Nazereg-Flinois (en Oranie). Robert et Francine Garcia se marient le samedi 26 mars 1960 à sept-cents kilomètres de là où je suis. Je voudrais bien y assister mais la permission m’est refusée pour cause d’insécurité.

Je passe la visite médicale de libération le 23 avril 1960. Nous sommes plusieurs copains à regagner la France. Nous embarquons sur le Président Cazalet à Bône le 26 avril. Nous essuyons une forte tempête et tous les passagers se mettent à l’abri. Sur les tables, il reste des bouteilles que nous vidons à quelques-uns. Nous buvons tellement que lorsque nous débarquons à Marseille le 27, nous sommes saouls comme des cochons.

Le 28 avril 1960, je suis de retour aux Cours-Luniaux avec neuf jours de permission libérable. Les gendarmes passent me voir à deux reprises chez mes parents pour essayer de me recruter mais je refuse.

Je suis retourné deux fois quinze jours en Algérie, en 2013 et en 2019. Chaque fois, l’accueil a été très chaleureux.

[Jacques Maleuvre (82 ans) – le 24 mars 2020]

JM37 (35281)

*****

u 59ème régiment d'artillerie à Thionville, en Moselle : Jacques Maleuvre (5ème au second rang) avec la promotion du certificat d'aptitude technique de 2ème degré

u 59ème régiment d'artillerie à Thionville, en Moselle : Jacques Maleuvre (5ème au second rang) avec la promotion du certificat d'aptitude technique de 2ème degré

Février 1959 : Jacques Maleuvre (en permission chez ses parents aux Cours-Luniaux) pose avec son frère Robert qui vient d'être libéré et pour lequel il ne reste plus qu'à rendre le paquetage

Février 1959 : Jacques Maleuvre (en permission chez ses parents aux Cours-Luniaux) pose avec son frère Robert qui vient d'être libéré et pour lequel il ne reste plus qu'à rendre le paquetage

Algérie : En opération, Jacques Maleuvre est le 4ème

Algérie : En opération, Jacques Maleuvre est le 4ème

Jacques Maleuvre, près de la frontière tunisienne, dans le secteur opérationnel de Tébessa

Jacques Maleuvre, près de la frontière tunisienne, dans le secteur opérationnel de Tébessa

Algérie : Jacques Maleuvre

Algérie : Jacques Maleuvre

Jacques Maleuvre dans la draisine à Tébessa

Jacques Maleuvre dans la draisine à Tébessa

Algérie : Jacques Maleuvre (debout)

Algérie : Jacques Maleuvre (debout)

Jacques Maleuvre (à gauche) avec des gars de sa section, au bassin minier de l'Ouenza

Jacques Maleuvre (à gauche) avec des gars de sa section, au bassin minier de l'Ouenza

Avion surnommé "banane" prêt à décoller avec les autorités venues visiter les mine de l'Ouenza

Avion surnommé "banane" prêt à décoller avec les autorités venues visiter les mine de l'Ouenza

Tébessa : Jacques Maleuvre avec la quille de ses rêves

Tébessa : Jacques Maleuvre avec la quille de ses rêves

Jeudi 3 juin 2021  (Publié dans le journal Trait d'union CPG-CATM-TOE de décembre 2021)

Jeudi 3 juin 2021 (Publié dans le journal Trait d'union CPG-CATM-TOE de décembre 2021)

1956-1959 ~ ~ novembre 1956 à ~ ~ février 1959 (dates non officielles)

Contingent 56/2B

Robert Maleuvre (1935-2015)

Dix morts dans une embuscade

Robert part des Cours-Luniaux en La Bosse en novembre 1956 pour aller faire son service militaire. Il effectue ses classes en France et ensuite il est envoyé en Algérie. Il est affecté à la 2ème compagnie du 8ème Régiment d’Infanterie Motorisée (8ème RIM) situé près de Saïda (en Oranie). Le lundi 10 mars 1958, sa compagnie tombe dans une embuscade dans les gorges de Tifrit. Le bilan est de dix morts. Robert est infirmier et il donne des soins aux blessés. Il voit le capitaine mourir à ses pieds. Après avoir joint ses mains en invoquant sa femme il aurait dit : « Adieu Marie ».

Maman et moi, nous assistons aux obsèques célébrées en l’église de Saïda. Il y a dix cercueils devant nous. Nous ne connaissons aucun de ces soldats mais nous jugeons que nous devons être là car, sans nous et quelques autres femmes pieds-noirs, il n’y aurait personne à accompagner les quelques mères venues de France en avion jusqu’à Oran et en hélicoptère ensuite.

Après cette fusillade meurtrière, le 8ème RIM est transféré dans les bâtiments de l’école Jules Ferry, à Nazereg-Flinois, en banlieue nord de Saïda. J’habite en face et je suis scolarisée au Centre professionnel de Saïda. Le lundi matin, c’est un arabe (voisin de mes parents) qui me conduit avec sa camionnette. Il me ramène chaque week-end. Dans la semaine, je suis hébergée chez Tante Marie. Robert est infirmier et il vient régulièrement en jeep à Saïda. Il passe me voir à chaque fois.

Mon père, Antoine Garcia, cesse de travailler à la fonderie Joffrey à l’entrée Saïda et il s’engage dans l’armée. Il est affecté au Groupe Mobile de Sécurité (GMS) à Charrier. Ma mère va le voir le dimanche. Elle part en autocar à dix heures et elle revient vers dix-sept heures. Dès son arrivée, Robert installe un tourne-disque avec ses copains sous le préau de l’école. Je mets mes plus beaux habits pour aller danser et Maman m’accompagne. Les jeunes filles du quartier sont présentes. Pendant que nous dansons, nos mamans sont assises sur des bancs et elles nous surveillent.

Ma mère élève quelques cochons. Robert leur apporte régulièrement à manger depuis l’école toute proche. Il arrive avec deux seaux remplis des restes de repas de la compagnie. Pour lui c’est aussi une occasion pour venir me voir.

Quand Robert est libéré de ses obligations militaires, il rentre dans sa famille en Bretagne. Plus tard, il refait le chemin inverse pour me retrouver. Le samedi 26 mars 1960, nous nous marions à Nazereg-Flinois. Après la cérémonie, nous festoyons et dansons dans la maison de mes parents. À la tombée de la nuit, juste avant le couvre-feu, nous partons passer la nuit chez des membres de la famille à Saïda.

Quelques jours après notre mariage, nous décidons d’aller vivre à Colomb Béchar. Robert est embauché à l’économat de l’armée et moi, je travaille dans une supérette. Dans le quartier où nous habitons, la majorité des gens sont des militaires ou des légionnaires.

Après avoir vécu presque deux années à Colomb Béchar, voyant que l’Algérie va devenir indépendante, nous décidons de venir habiter en France. La nuit de la Saint-Sylvestre 1961, nous réveillonnons dans l’avion en traversant la Méditerranée.

Nous restons un mois à Rennes puis nous allons nous installer en Normandie. Nous habitons à Vire depuis peu, lorsqu’un beau matin, alors que je suis en train de faire mon marché, j’entends crier : « Francine, Francine… ». Je me retourne, ce sont mes parents et mes cinq frères et sœurs qui arrivent en surprise. Eux aussi, ils ont décidé de venir vivre en France.

[Raconté par Francine Maleuvre (77 ans, née Garcia), l’épouse de Robert – le 31 mars 2020]

FM43 (06083)

*****

Robert, je l’ai connu dès mon plus jeune âge. Nos parents étaient amis. Il avait quatre ans de plus que moi et je le considérai comme un frère. Il habitait Les Cours-Luniaux en La Bosse mais il venait à l’école à Tresbœuf. Pendant les vacances, il était "patou" chez le père Rabu au Clos-Neuf. Lorsqu’il conduisait le troupeau en pâture, il passait devant la porte de notre maison, à La Hucheloire. Maman me réveillait et me disait : « Lève-toi et habille toi vite si tu veux aller avec Robert ». Je partais au champ avec lui et nous prenions le chemin du retour en fin de matinée, lorsque les vaches commençaient à moucher.

Les années passent et je n’ai plus de nouvelles de Robert. Le 2 septembre 1959, je rentre sous les drapeaux au service santé à Vincennes. Seulement trois semaines après, j'apprends le décès de ma mère. En janvier 1960, je suis muté à l’hôpital Bégin à Saint-Mandé et le 23 octobre suivant, je suis infirmier en Algérie, au 5ème Régiment du Génie à Colomb-Béchar. Lorsque j'arrive au 5ème RG, j’écris à mon père en précisant que je viens de passer à Saïda, là où Robert et Francine se sont mariés. Il informe Marie (la mère de Robert) puis, en me répondant, il indique qu'ils habitent rue Caïd Ali Ben Khalifa à Colomb-Béchar.

Robert est prévenu par sa mère. Le dimanche suivant, il parcoure à pied les 1500 mètres qui le sépare du casernement où je suis puis il m'emmène chez lui. Ensuite, presque chaque dimanche après-midi, Robert et Francine me reçoivent chez eux et je suis super bien accueilli. Le 15 décembre 1961, je suis libéré et seulement quinze jours plus tard, eux aussi, ils viennent vivre en France.

Plus tard, pour le bon temps qu’ils m’ont offert, j’aurai bien aimé les recevoir avec ma femme à la maison mais, hélas, ça ne s’est jamais fait.

[Claude Faucheux (80 ans) – le 15 mai 2020]

CF39 (35066)

*****

Robert rentre d'Algérie avec la quille au début de l'année 1959. Lui et moi, nous sommes nés dans le même village. Une cinquantaine de mètres sépare les maisons de nos parents.

Fin novembre de la même année, Robert retourne à Nazereg-Flinois pour rejoindre sa fiancée qu'il a connue là-bas pendant son service militaire. C'est moi qui le conduis avec ma "Motobécane", de La Bosse à Nantes où je travaille. En arrivant, nous allons faire un tour à la foire aux châtaignes place Viarme et c'est la fête. En soirée, nous nous rendons chez Jean Bédard et Léone (mon beau-frère et ma sœur), rue de la ville en Bois. Nous jouons à la belote avec Jean et Serge Le Fol (le frère de sa femme) jusqu'au milieu de la nuit. Le lendemain matin, je reprends le travail à l'entreprise de maçonnerie Grossin et Robert s'envole de l'aéroport de Nantes-Château Bougon pour aller épouser Francine en Algérie.

Je n'ai jamais revu Robert depuis ce jour-là.

[Joseph Masson (84 ans) – le 23 mai 2020]

JM36 (44020)

*****

1957 : Robert Maleuvre en Algérie.

1957 : Robert Maleuvre en Algérie.

Robert Maleuvre (3ème) avec trois copains.

Robert Maleuvre (3ème) avec trois copains.

Avril 1957 à Saïda, lors des obsèques des douze soldats morts dans une embuscade.

Avril 1957 à Saïda, lors des obsèques des douze soldats morts dans une embuscade.

1959 : Robert avec sa fiancée "Francine" à Nazereg-Flinois.

1959 : Robert avec sa fiancée "Francine" à Nazereg-Flinois.

Février 1959 aux Cours-Luniaux en La Bosse : Robert Maleuvre vient d'être libéré et Jacques (son frère) est en permission.

Février 1959 aux Cours-Luniaux en La Bosse : Robert Maleuvre vient d'être libéré et Jacques (son frère) est en permission.

Les médailles attribuées à Robert Maleuvre.

Les médailles attribuées à Robert Maleuvre.

Vers 1985, à Dreux : Robert Maleuvre est mis à l'honneur

Vers 1985, à Dreux : Robert Maleuvre est mis à l'honneur

Beaucoup plus tard, sans doute en 1993 : Robert Maleuvre (porte drapeau) à Menton, le 8 mai.

Beaucoup plus tard, sans doute en 1993 : Robert Maleuvre (porte drapeau) à Menton, le 8 mai.

1957-1959 – du vendredi 1er février 1957 au samedi 16 mai 1959

Contingent 57/1

André Marsolier

J'étais chauffeur de semi-remorque

Le 1er février 1957, je suis incorporé dans l’armée de l’air, à la base aérienne 720 de Carpiquet, en périphérie de Caen. C’est là que, la semaine suivante, je fête mes vingt ans. Je fais seulement un mois et demi de classes et je prends le train direction Marseille, puis j’embarque pour l’Algérie. Arrivé à Bône, des camions attendent les soldats venant de France. Ils nous emmènent à Guelma où nous restons pendant trois à quatre semaines. Ensuite, nous sommes environ trois mille trouffions à prendre la route pour d’autres horizons. Les uns sont transportés en jeeps, les autres en camions. Nous formons un convoi impressionnant de plusieurs kilomètres pour nous rendre à El-Milia. Là, nous stationnons quatre mois, en support de renseignements. À peine arrivé, on me convoque pour m’annoncer que je suis désigné de corvée. J’épluche des pommes de terre toute la journée. Il faut bien nourrir la troupe… La nuit, nous dormons sous des tentes qui ont déjà du vécu. Les toiles sont criblées de balles. Il y a seulement quelques jours que nous sommes ici lorsqu’un hélicoptère vient se poser tout près de l’endroit où nous campons. À l’intérieur, il y a des cadavres.

Le 1er novembre 1957, avant de quitter El-Milia, je suis nommé Soldat de 1ère classe.

Cette fois, c’est à la base aérienne 211 de Telergma, située à une cinquantaine de kilomètres au Sud-ouest de Constantine, que je suis muté. Là, on me donne quelques responsabilités. Le matin, je dois passer sur les pistes d’aviation pour repérer si un bout de fil de fer ou tout autre objet suspect ne traîne pas sur le macadam. Rouler dessus pourrait peut-être déclencher un dépôt de mines. Un jour, le Général De Gaulle atterrit à l’aéroport. On nous demande d’être très vigilants et de vérifier si un attentat à l'explosif n’est pas en cours de préparation.

Je suis chauffeur de semi-remorque et je me déplace dans tout le Constantinois. Il n’est pas rare que je parte pour plusieurs jours. Je fais souvent la route qui emmène à Batna et Biskra, ainsi que celle va à Ferkane et Négrine, en bordure de la frontière tunisienne. Ça m’arrive d’aller chercher des bombes et autres munitions arrivant par le train à la gare située à quatre kilomètres. Je les amène à la base.

Il nous arrive aussi de transporter des morceaux d’avions quand il y a des crashs dans la région. Un jour, nous allons chercher une épave de zinc dans un endroit très difficile d'accès. Il n’y a pas de route, pas même de piste pour s'y rendre. Nous sommes à plusieurs camions et nous roulons sur un terrain accidenté. Des inondations ont eu lieu ces derniers jours et tout a été emporté par les courants. Nous traversons des oueds à l’aveuglette et nous rencontrons quelques problèmes mécaniques. Nous nous dépannons entre nous, avec les moyens du bord. Ça ne nous empêche pas d’avoir du plaisir. Peu de temps après cette escapade, j’ai la chance d’être choisi pour partir en détachement pendant un mois à Philippeville. Je profite de la mer et j’ai l’impression d’être en vacances.

Je ne suis pas un soldat opérationnel, c’est la raison pour laquelle je ne vais jamais crapahuter. Il m’arrive quand-même de me faire tirer dessus. J’ai une mitraillette en permanence avec moi, mais je ne m’en sers jamais. Des fois, nous roulons tous à la queue leu leu et quand ça bombarde trop, nous arrêtons notre camion et nous attendons que ça se calme.

J’ai eu trois permissions durant mes vingt-cinq mois d’armée en Algérie dont une fin août 1958, pour le mariage de ma cousine Yvette Guibert avec Francis Rouyer. J’étais témoin et je suis arrivé en retard, mais je n’avais pas d’excuses. Au total, j’ai traversé huit fois la Méditerranée, trois en bateau et cinq en avion. Je suis rentré définitivement à La Bosse le 16 mai 1959.

[André Marsolier (82 ans) – le 28 février 2019]

AM37 (78490)

*****

1958 : André Marsolier, assis sur une bombe, à la soute à munitions de Telergma

1958 : André Marsolier, assis sur une bombe, à la soute à munitions de Telergma

1958 : André Marsolier, debout sur une bombe, à la soute à munitions de Telergma

1958 : la soute à munitions de Telergma

1958 : la soute à munitions de Telergma

1958 : En rentrant de Négrine à Telergma, le camion "Saurer" d'André Marsolier s'enlise avec sa remorque de 40 pieds dans un oued après un orage

1958 : En rentrant de Négrine à Telergma, le camion "Saurer" d'André Marsolier s'enlise avec sa remorque de 40 pieds dans un oued après un orage

1958 : jeep mitraillée lors d'une embuscade dans laquelle deux soldats viennent de trouver la mort

1958 : jeep mitraillée lors d'une embuscade dans laquelle deux soldats viennent de trouver la mort

1958 : un avion T6 s'écrase en pleine nature

1958 : un avion T6 s'écrase en pleine nature

■ 

Francis Marsollier (1936-2015)

  • fils de Pascal Marsollier et de Lucienne Chevrel

...............

Francis Marsollier (MS47)

■ 

Gilbert Massicot (1937-1990)

Gilbert a reçu un éclat d'obus dans un bras en Algérie. Voici le message que j'ai lu le samedi 1er mai 1982, jour où il a été décoré : « Gilbert Massicot va recevoir la Croix de la Valeur militaire avec étoile de bronze pour motif suivant : Opérateur radio de section, il a fait preuve de courage le 9 juillet 1959 au cours d'une embuscade dans l'Oued Sinaïr. Sa section a accroché un élément rebelle et le chef de section a été mortellement blessé. Il a continué à assurer les liaisons radio avec le P.C. de la Compagnie, permettant ainsi l'arrivée des renforts. Bien que blessé en début d'accrochage, il a attendu au lendemain pour se faire évacuer ».

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

...............

1952-1956 – de fin mai 1956 à début décembre 1956 – (appelé au service militaire le 14 novembre 1952 et rappelé en Algérie fin mai 1956)

Contingent 52/2

Guy Massicot

Ici, ce sont les rats pelés et les mâles heureux 

Etant du contingent 52/2, je suis appelé au service militaire le 14 novembre 1952, en Allemagne. Je pars à vélo de Sevrault, en Pancé puis je prends le car de la ligne Drouin à Bain-de-Bretagne pour me rendre à Châteaubriant. Je m’assoie à côté de Victor Poussin, habitant le Sel. Il est passé me voir chez mes parents, il y a quelques jours, après avoir appris que j’étais incorporé, comme lui, dans l’armée de terre au 10ème escadron du 12ème Régiment de Cuirassiers à Tübingen. À l’arrêt de Teillay, un certain Roger Micault monte dans le l’autocar avec une valise et il prend place près de nous. Devinant qu’il se rend à l’armée, je lui demande : « Où vas-tu ? » Comme par hasard, il me répond : « À Tübingen ! »

Rendus à Châteaubriant, nous prenons le train pour Angers. Nous faisons une halte à la caserne Desjardin où nous devons passer une série de radios et de visites médicales. Le 16 novembre, nous reprenons le train. Après Strasbourg, dernière ville française, nous franchissons le Rhin en passant sur le pont de Kehl. Cent-vingt kilomètres après la frontière, nous arrivons au quartier Désazars de Montgailhard, à Tübingen. Notre caserne est située en bordure du Nekar, un affluent du Rhin.

Nous partons souvent en manœuvre et le climat est rude. Il fait si froid que j’ai du mal à me servir de mon fusil. Le 9 novembre 1953, j’obtiens le CAT2 de tireur sur char Patton. Peu après, je suis nommé 1ère classe.

Le temps passe et le 1er mai 1954, après dix-huit mois de bons et loyaux services, mon contingent à la quille et nous sommes tous bien contents. Bizarrement, à l’instant où nous allons être libérés, Victor Poussin décide de faire carrière dans l’armée. Il rempile alors que le jour où il est entré sous les drapeaux, en voyageant dans le car qui nous emmenait de Bain-de-Bretagne à Châteaubriant, il criait haut et fort : « La quille, bordel !» …

… Fin mai 1956, soit un peu plus de deux ans après avoir été libéré de mes obligations militaires en Allemagne, je suis rappelé pour aller servir en Algérie – 1956 est aussi l’année où mes parents quittent Sevrault pour venir habiter à La Mouchère, en La Bosse-de-Bretagne – Comme lors de ma 1ère incorporation, je repasse à la caserne Desjardin d’Angers avant de me rendre à Marseille. Le 8 juin, j’embarque sur le « Sidi-Mabrouk », un cargo moutonnier conçu, comme son nom l’indique, pour transporter des moutons…

Nous voyageons installés inconfortablement, sur des transats, dans les cales du bateau et nous nous avons le mal de mer. Les uns après les autres, nous grimpons l’échelle accédant au pont pour aller vomir. Le 10 juin, en arrivant à Alger, nous prenons notre premier repas lorsqu’un des bidasses assurant le service me dit : « Salut à toi, tu es un gars de Pancé ? » Je réponds « Oui et toi, tu es de Bain-de-Bretagne ? » Nous ne nous étions jamais parlé mais nous connaissons de vue. Il me dit qu’il est menuisier mais je ne pense même pas à lui demander son nom.

Nous montons dans des camions mis à notre disposition et nous sommes une trentaine à être conduits à Bouira, en petite Kabylie. Notre mission consiste à garder une exploitation agricole au lieu-dit « Bel-Air ». Elle appartient à un colon dont l’épouse est originaire de la Mayenne.

Pour ma première nuit en Algérie, comme tous les autres troufions du bataillon, je dors à la belle étoile, dans un sillon de charrue. Le matin, c’est une batteuse qui me réveille. En cours de journée, nous installons une tente dans laquelle nous allons être une vingtaine à cohabiter. Parmi nous, il y a un gars de Saint-Brieuc qui s’empresse d’écrire sur la toile à peine tendue, la phrase suivante : « Ici, ce sont les rats pelés et les mâles heureux ! » Heureux peut-être mais nous devons quand-même obéir aux ordres du lieutenant Aubry. Lui aussi, il est originaire de Saint-Brieuc et comme nous, il est rappelé. Quelques temps plus tard, il meurt accidentellement par électrocution.

Dans la ferme de Bel-Air, il y a de la vigne à perte de vue. Une barrique de vin rosé à 18 degrés d'alcool par litre est entreposée tout près de notre lieu de stationnement. Elle est, soi-disant, réservée au patron. Quelques jours passent et des ouvriers de la ferme viennent la soutirer. Elle est vide… Le capitaine convoque toute la compagnie et dit : « Que ceux qui ont participé au vidage de cette barrique sortent des rangs ! » Comme nous avons tous plus ou moins consommé, personne ne bouge. Furieux, le capitaine déclare : « J’ai honte pour la compagnie… » Après être restés quelques minutes sans broncher, nous sommes autorisés à rejoindre notre unité sans être inquiétés.

Nous assurons des gardes nuit et jour, à tour de rôle. Quand nous allons en opération, parfois, nous avons des accrochages avec les rebelles. Nous partons régulièrement durant une semaine, en half-track, pour faire des bouclages. Les fantassins et des tirailleurs sénégalais rabattent depuis une bonne trentaine de kilomètres et, pendant que la biffe en bave, nous attendons des heures sans bouger, dans des endroits totalement isolés. Comme nous n’avons rien à faire, de temps en temps, nous allons à la pêche dans les oueds environnants. Chacun sait qu’il est davantage exposé au risque de se faire tuer. Nous dormons dans des chars stationnés sur place. Il arrive que d’autres régiments nous demandent du secours quand ils sont pris en embuscade.

Un jour, nous sommes appelés en renfort au lieu-dit « La Perrine ». Des opérationnels stationnés dans une ferme se font tirer dessus depuis un piton où des révoltés sont camouflés.

Notre contingent est libéré en deux temps. En novembre 1956, les gars mariés sont renvoyés dans leurs foyers. Ceux qui, comme moi, sont célibataires doivent attendre un mois de plus. Nous n’apprécions pas vraiment mais c’est la règle et nous devons l’accepter.

Le 5 décembre 1956, je rentre à mon tour avec une permission libérable de trente-sept jours. J’embarque sur le bateau « El-Djazair » le 6 et je débarque à Marseille le 7. Il ne me reste plus qu’à rentrer à La Mouchère, mais je ne suis rayé des contrôles que le 14 janvier 1957.

[Guy Massicot (87 ans) – le 7 septembre 2019]

GM32 (35030)

*****

Je me souviens très bien d’avoir évoqué la quille le jour où je suis parti au service militaire : « Guy me l’a souvent rappelé depuis… »

Je me souviens aussi que nous avions étés très surpris, en voyant l’épaisseur de neige recouvrant le sol, quand nous sommes arrivés à Tübingen.

[Victor Poussin (87 ans) – le 13 septembre 2019]

VP32 (35136)

*****

Fin août 1956, j'étais avec "la souhaite" à faire les battages dans l'aire du père Chevrel au bourg de La Bosse. À l'heure de la collation, en écoutant la radio, nous avons appris que des manifestations avaient lieu en faveur d'un contingent de soldats qui, bien que libéré du service militaire, était rappelé pour participer au maintien de la paix en Algérie. Certains étaient mariés.

[Bernard Aulnette (84 ans) – le 19 janvier 2022]

BA38 (35066)

*****

Guy Massicot et Jean Posson étaient tous deux affectés dans la même caserne en Algérie mais c'est à La Bosse et plusieurs décennies après, en discutant pendant un repas de CATM, qu'ils s'en sont rendus compte.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

*****

1952 : Tübingen

1952 : Tübingen

À Tübingen : Le groupe de Tireurs sur Patton ; Guy Massicot est accroupi devant à droite

À Tübingen : Le groupe de Tireurs sur Patton ; Guy Massicot est accroupi devant à droite

À Tübingen : 1 Allicault, 2 Roger Micault, 3 Guy Massicot

À Tübingen : 1 Allicault, 2 Roger Micault, 3 Guy Massicot

En Algérie : Guy Massicot est à droite

En Algérie : Guy Massicot est à droite

En Algérie : Guy Massicot est le 2ème assis, sur l'avant d'un half-track

En Algérie : Guy Massicot est le 2ème assis, sur l'avant d'un half-track

À Bouira : Guy Massicot est à gauche

À Bouira : Guy Massicot est à gauche

À Bouira : Guy Massicot est le 2ème

À Bouira : Guy Massicot est le 2ème

Guy Massicot, à gauche, devant un avion Piper de reconnaissance

Guy Massicot, à gauche, devant un avion Piper de reconnaissance

En Algérie : Guy Massicot à côté d'un char, à la ferme de Bel-Air

En Algérie : Guy Massicot à côté d'un char, à la ferme de Bel-Air

1955 – d’octobre 1955 à novembre 1955  (appelé au service militaire en 1953 et rappelé en Tunisie en octobre 201955)

Contingent...

Marcel Massicot

J’ai ramené une tortue tunisienne à La Mouchère

Appelé sous les drapeaux en 1953, je suis incorporé à Marbourg, en Allemagne. Je fais mes classes et ensuite, je suis affecté à diverses missions.  Pendant une courte période, je pilote un char.

Après onze mois passés sur le territoire allemand, je suis muté à Villeurbanne, en banlieue Est de Lyon. Le travail qui m’est destiné est bien différent car je suis désigné chef de cuisine. Tous les matins, j'ai mon chauffeur pour aller faire les courses en ville.

Je suis libéré de mes obligations militaires après dix-huit mois de service.

Début octobre 1955, comme beaucoup de soldats de mon contingent, je suis rappelé. Je me rends à Vannes et seulement quelques jours plus tard, le samedi 15 octobre, accompagné d’un autre rappelé originaire de Tresbœuf dont le nom m'échappe, je reviens en stop à La Bosse pour assister au mariage d'Henri Piton avec Yvonne Lunel, ma cousine. Les festivités (repas et bal) ont lieu au centre-bourg, sous une tente installée dans l’aire de la ferme de mon oncle Alexandre et de ma tante Aurélie.

Le dimanche matin, mon frère Bernard et sa fiancée Monique me reconduisent à Vannes avec leur 4 cv. Le copain de Tresbœuf revient avec nous mais Bernard roule tellement vite qu’il dégueule dans la voiture. Lorsque nous arrivons à Vannes, avant de nous quitter, nous prenons un verre ensemble au café situé face à la caserne. Nous assistons à un spectacle peu commun. De leurs chambres, des rappelés (comme moi) protestent violemment en balançant leurs matelas et leurs sommiers par la fenêtre.

Le lendemain, nous sommes conduits à la base de Lann-Bihoué et nous prenons l’avion pour une destination inconnue. En descendant de l'avion, nous apprenons que nous sommes à Tunis. Comme mes camarades, je suis ici pour assurer le maintien de l’ordre. Nous nous relayons pour monter des gardes sans avoir besoin d'utiliser nos armes. Une seule fois, un troufion détecte un bruit suspect. Il tire et tue un chien. Des enfants passent devant le poste de gardiennage tous les jours. Chaque fois que c'est possible, nous leur donnons des restes de nourriture.

Après un mois et demi de présence sur le sol tunisien, j'embarque sur un bateau qui me rapatrie en France. Je reviens à La Bosse, définitivement cette fois. Dans mes bagages, je ramène une tortue depuis la Tunisie jusqu’à la Mouchère. Je l’apprivoise dans la ferme de mes parents jusqu'au jour où elle disparait. Quelqu’un la retrouve dans le bourg, près de chez Bernard Chapon, au bord du ruisseau des Noës. Je ne sais pas et je ne saurais jamais comment elle est venue là.

[Raconté par Marcel Massicot (87 ans) – le 22 octobre 2020]

MM33 (35051)

***** 

À Vannes, Marcel était prêt à partir en Algérie quand il a décidé de venir en stop au mariage d’Henri et Yvonne. Son régiment étant en débandade, il était rentré sans permission. À un de ses copains, avant de quitter la caserne, il avait seulement donné un numéro de téléphone où il pouvait être joint, probablement au café Hugues ou au café Chapon.

Après le bal de mariage, Monique (ma fiancée) et moi-même, nous sommes allés dormir chez Bernard et Bernadette Chevrel. Très tôt le dimanche matin, Marcel apprenait que son départ pour l’Algérie avait lieu le jour même. Aussitôt, il est venu nous réveiller. Nous sommes partis avec ma 4 cv qui, je crois, n’a jamais roulé aussi vite que ce jour-là.

Arrivé à la caserne, Marcel recevait une information indiquant que le départ était retardé d’une journée. À ce moment-là, nous sommes allés boire un coup au café d’en face et nous avons vu les matelas et les sommiers passer par les fenêtres des chambres de la caserne.

Vingt-quatre jours plus tard, quand nous nous sommes mariés Monique et moi, Marcel était en Tunisie.

[Bernard Massicot (94 ans), frère de Marcel – le 20 octobre 2020]

BM26 (35131)

*****5b - Nos Soldats d'Algérie (AFN) de M à Z

1956-1958 – du lundi 3 septembre 1956 au mardi 25 novembre 1958

Contingent 56/2A

Joseph Masson

Douze soldats tués et un prisonnier dans une attaque

Le 3 septembre 1956, je quitte le village des Cours-Luniaux, en La Bosse-de-Bretagne et, dépendant du contingent 56/2A, je me rends sur mon lieu d’incorporation à Vannes, dans le 5ème Régiment de Cuirassiers. Début novembre, je suis muté au camp de Meucon et fin décembre, mes classes s’achèvent. Je ne suis pas mécontent car je viens de vivre quatre mois éprouvants. J’ai droit à une 2ème permission, juste avant de partir pour l’Algérie.

Le 3 janvier 1957, j’arrive au camp Sainte-Marthe (centre de transit) à Marseille et j’embarque à bord du bateau norvégien « Skaugum » sur lequel nous sommes plus de deux milles soldats. Nous traversons la Méditerranée et nous atteignons le port de Philippeville. De là, nous sommes dispatchés sur tout le Constantinois, dans différentes unités. Je suis affecté à la 4ème Compagnie du 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale qui, plus tard, devient 2ème Régiment d’Infanterie de Marine. Il est implanté à Babar, commune située dans les Aurès de Nementcha, sur la province de Khenchela, à 140 km au Sud de Constantine.

Dans ce régiment de combat, sous les ordres du sergent-chef André Drouet, nous sommes une quarantaine de français du Grand-Ouest (bretons, normands, vendéens) et environ quatre-vingt africains venus du Dahomey, du Niger et du Sénégal. Nous allons régulièrement à la chasse aux fellaghas. Au cours d’une opération, nous tombons dans une embuscade faisant douze tués et un prisonnier dans notre camp. Les jours suivants, ils sont remplacés par d’autres soldats venant de la base arrière de la Coloniale. Parmi eux, Julien Huard (originaire de Saint-Germain-le-Guillaume, en Mayenne) qui a fait ses classes au 38ème Régiment de Transmissions à Laval et qui est venu nous rejoindre à Vannes fin décembre, comme plusieurs autres escadrons de l’Ouest de la France afin de faire un départ groupé pour l’Algérie. Julien va devenir mon copain préféré. Il est employé à faire la popote des sous-officiers, des cabots dont la plupart avaient fait l’Indochine et qu’il surnomme « les gars qui ont toujours soif ! »

Courant avril 1957, nous déménageons pour aller stationner une quinzaine de jours dans une ferme école à Edgar Quinet, sur la route qui va de Khenchela à Batna. Début juin 1957, nous nous installons au moulin de la ferme Morin, à cinq kilomètres de Khenchela. C’est là qu’un soir, en rentrant d’opération, nous sommes environ trente-cinq troufions de la compagnie à nous reposer dans un hangar sur nos lits superposés, lorsqu’un des nôtres, André Lorteau, originaire de Saint-Colomban (au Sud de Nantes), appuie sur la gâchette de son fusil mitrailleur chargé. La balle passe au travers de trois couvertures pliées sur un lit, ce qui atténue la vitesse, et se réfugie dans l’abdomen d’un gars de la chambrée. La victime qui, heureusement n’a aucun organe touché, est conduite à l’hôpital. Quant à André Lorteau, il est condamné à une peine de prison.

Un jour, j'apprends que Marcel Lemoine est allé rendre visite à mon père aux Cours-Luniaux pendant une permission. Sachant que son casernement est à Khenchela, j'essaie de le rencontrer. Je ne réussis pas car, étant légionnaire, il n'est identifié que par son matricule.

En septembre 1957, notre campement s’établit dans une jolie palmeraie, à Khanga Sidi Nadji. Tout près de nous, il y a un dépôt d’essence pour approvisionner les camions en cas d’opérations dans le Sud des Aurès. Il fait une chaleur avoisinant les 50 degrés et nous sommes priés de ne pas sortir l’après-midi. Nous sommes envahis de mouches en jour et de moustiques la nuit. Pour ce qui concerne la nourriture, la boisson et les produits de première nécessité nous sommes ravitaillés environ tous les dix jours par un avion Nord-Atlas. Fin octobre, leur contrat de trois ans étant arrivé à terme, les soldats africains repartent dans leurs pays respectifs.

En novembre 1957, Julien Huard et moi-même, nous partons en permission dans nos familles pour une durée de seize jours. Lorsque les camions sortent de la palmeraie, les oueds débordent. Nous sommes hébergés pour quelques jours dans un camp militaire. À chaque lit de rivière, nous devons attendre que le niveau baisse pour pouvoir traverser, si bien que nous prenons un retard considérable. Etant donné que nos jours de permission sont décomptés uniquement quand nous sommes sur le territoire français, nous ne nous inquiétons pas plus que ça, bien au contraire. Nous franchissons la Méditerranée à bord du « El djazair ». Lorsque nous revenons à Khanga Sidi Nadji, nous analysons que nous avons été partis un petit mois.

En avril 1958, nous déménageons une fois de plus et allons à Berhoum, lieu situé entre Barika et M’Sila, en dessous des Monts du Hodna. Nous sommes logés sous tente derrière une ancienne école et nous dormons dans des lits superposés. Il y a des Harkis avec nous. Le Capitaine Zelas (un belge) habite dans une maison de luxe au fond de la cour.

Je construis une plate-forme en ciment sur la place centrale du bourg, pour permettre aux paysans du secteur d'étaler leur viande (chevreau et mouton) les jours de marchés.

Un jour, la 7ème Compagnie du 2ème Régiment de Tirailleurs Algériens passe en convoi près de notre cantonnement. Par hasard, je rencontre André Savouré, un conscrit de La Bosse. Nous réussissons à discuter un petit quart d'heure ensemble.

C’est à Berhoum que je suis libéré le 20 novembre 1958. J’obtiens une permission avec un solde de présence de quatorze jours, valable du 24 novembre au 7 décembre inclus. Avant de partir, comme la plupart de mes copains quillards, je suis convoqué par le capitaine. Il cherche des volontaires acceptant de rester à travailler en Algérie, sur des puits de pétrole situés à Colomb Béchar. Comme je suis maçon de métier, il insiste pour que je fasse candidature mais je ne suis pas intéressé. Ma seule envie, c’est de rentrer en France et d’y rester.

Je quitte la 4ème compagnie du 2ème RIMA après vingt-trois mois de présence en Algérie en pensant à ces soldats qui sont morts dans des combats auxquels je participais : douze en février 1957, deux en octobre 1958. Je pense aussi à celui qui a été fait prisonnier et dont nous sommes toujours restés sans nouvelles.

Je perçois deux jours de vivres avant d’être conduit à la gare de Batna et le 22 novembre, je prends le « Djebel Dira » à Philippeville, destination Marseille. Je suis rayé des contrôles le 8 décembre 1958.

 

[Joseph Masson (83 ans) – le 8 août 2019, avec l’aide précieuse de Julien Huard (83 ans) – le 18 septembre 2019]

JM36 (44020) – JH36 (53222)

*****

Je me souviens d’un jour où un gitan, un gars de notre groupe, a fait l’imbécile. Les officiers l’ont fait aller en dehors du camp où nous étions stationnés. Considérant qu’il risquait se faire zigouiller par les fellaghas, nous sommes allés le récupérer. Joseph Masson a donné un coup de gueule contre les gradés. Il protestait en criant : « Mort aux vaches ! »

Dès son retour en France, Joseph, qui avait été repéré en Algérie par le sergent-chef Drouet comme étant un très bon maçon, a été embauché par son frère Louis Drouet, codirigeant de l’entreprise de maçonnerie Goubault-Drouet à Ancenis.

[Julien Huard (83 ans) – le 27 septembre 2019]

JH36 (53222)

*****

Mort aux vaches !

Ce jour-là, si j’ai eu des propos excessifs, c’est parce que j’avais bu un peu plus qu’à l’ordinaire. Ça m’a quand-même valu quinze jours de taule. Le Capitaine Zelas donna l’ordre, à deux soldats algériens de la compagnie, de m’emmener dans une mechta faisant office de prison. Pour m’y rendre, j’en avais un de chaque côté de moi, la mitraillette chargée à la main. La prison était gardée par des copains encadrés par un lieutenant plutôt sympa. Je n’ai pas gardé un mauvais souvenir de cette période car je n’étais pas maltraité et surtout, pendant que je purgeais ma peine, j’étais exempté d’opérations. 

Le Capitaine Zelas avait une dauphine qu'il stationnait sous le porche et il mettait une bâche dessus pour la protéger. Un matin, après s'être aperçu que la bâche était déchirée, il mena une enquête afin de trouver le coupable mais personne n'avoua. Plus tard, l'instituteur (d'Ille-et-Vilaine dont je n'ai plus le nom) nous informa que c'était le Major qui avait fait ça, par vengeance.

Entreprise Goubault-Drouet d’Ancenis

J’entretenais de bonnes relations avec mes patrons mais, malgré que l’ambiance fût bonne, je n’y suis resté qu’un an. J’étais logé chez un brave couple qui tenait un restaurant. Je prenais le repas du soir et le petit déjeuner chez eux et ils me préparaient la gamelle pour le midi. Nous étions une dizaine d’ouvriers dans le fourgon Citroën pour aller du dépôt d’Ancenis au chantier à Nantes. Le matin, le trajet durait trente minutes mais le soir, pour rentrer, il fallait une heure-et-demie quand ce n’était pas deux heures. Ce n’était pas pour des raisons d’embouteillage mais pour des raisons de bouteilles… En effet, sur l’itinéraire de retour, il y avait plusieurs arrêts "bistrot" et moi, non seulement ça ne m’intéressait pas, mais je n’avais d’argent à dépenser.

Chaque soir, dans le fourgon, nous étions deux à attendre sept ou huit "piliers de bars". Une fois, j'avais un rendez-vous pour une leçon de conduite moto. Voyant que j'étais agacé de les voir traîner sur la terrasse d'un café, mon copain avait cogné à la vitre du fourgon. Le chef d'équipe s'était approché de nous et il avait dit : « Si vous n'êtes pas contents, allez chercher du travail ailleurs... »  À cette époque, le boulot ne manquait pas. Huit jours plus tard, j'étais embauché à l'entreprise de maçonnerie Grossin, à Nantes, chez qui Rémy Tessier du bourg de La Bosse avait fait un stage quelques années plus tôt.

[Joseph Masson (83 ans) – le 1er octobre 2019]

JM36 (44020)

*****

Au printemps 1958, Joseph Masson et Julien Huard séjournent à Berhoum. Avec les militaires de leur régiment, il y a des Harkis et certains d'entre eux tentent à plusieurs reprises de déserter pour rallier un groupe de fellaghas. Ils sont liquidés par des soldats français.

Suite à une enquête, plusieurs habitants du douar sont soupçonnés d'intervenir en faveur de ces Harkis déserteurs et ils sont arrêtés. Parmi eux, il y a mon grand-père Allaoua Saadi (51 ans) et mon oncle Ahmed Saadi (22 ans). Ils disparaissent et la famille n'a plus jamais entendu parler d'eux. Vivant à Berhoum où je suis né en 1971, je ne parle pas de ce que j'ai connu mais seulement de ce que j'ai entendu. 

C'est dans l'école élémentaire située dans l'enceinte du cantonnement où étaient Joseph Masson et Julien Huard que j’ai été scolarisé jusqu’à l’âge de treize ans. Les bâtiments existent toujours.

[Abdelhamid Saadi (48 ans) – le 23 mai 2020]

AS71 (Algérie)

*****

Je connaissais bien Joseph car il a débuté le métier de maçon chez mes parents, Alexandre et Germaine Tessier. Il est resté jusqu'au jour de son départ à l’armée. En rentrant d’Algérie, il est allé faire sa vie sur Nantes et je ne l’ai plus jamais revu.

Rémi (mon mari) travaillait aussi à l’entreprise et il aimait bien Joseph Masson. C’était un bon compagnon.

[Thérèse Aulnette, née Tessier (87 ans) – le 7 décembre 2020]

TA33 (35106)

*****

Janvier 1957 : le bateau avec lequel Joseph Masson est allé en Algérie

Janvier 1957 : le bateau avec lequel Joseph Masson est allé en Algérie

Départ en opération : Joseph Masson est le 8ème

Départ en opération : Joseph Masson est le 8ème

En opération : Joseph Masson est debout à gauche, Michel Fortin (du Morbihan) est accroupi, Julien Huard (de la Mayenne, avec un chapeau) est accroupi derrière, Joseph Nédélec (du Finistère) est torse nu, Marcel Clusseau (de Vendée) est à droite

En opération : Joseph Masson est debout à gauche, Michel Fortin (du Morbihan) est accroupi, Julien Huard (de la Mayenne, avec un chapeau) est accroupi derrière, Joseph Nédélec (du Finistère) est torse nu, Marcel Clusseau (de Vendée) est à droite

Repos à l'ombre pendant une opération de ratissage : Julien Huard est assis au centre (avec un chapeau de brousse), Joseph Masson est assis à sa droite et Michel Fortin (du Morbihan) est allongé à sa gauche

Repos à l'ombre pendant une opération de ratissage : Julien Huard est assis au centre (avec un chapeau de brousse), Joseph Masson est assis à sa droite et Michel Fortin (du Morbihan) est allongé à sa gauche

Joseph Masson, lors d'une embuscade, avec un lance grenades MAS 49

Joseph Masson, lors d'une embuscade, avec un lance grenades MAS 49

Début 1957 à Babar : Debout au centre, Joseph Masson avec un de ses copains nommé "Ouzous", mort dans une embuscade quelques jours plus tard

Début 1957 à Babar : Debout au centre, Joseph Masson avec un de ses copains nommé "Ouzous", mort dans une embuscade quelques jours plus tard

1957 : Joseph Masson, à Babar, avec l'âne "Léon" qui accompagne les troufions quand ils vont au bistrot. Avec son nez, il secoue le coude de l'un d'entre eux jusqu'à ce qu'il obtienne une bière

1957 : Joseph Masson, à Babar, avec l'âne "Léon" qui accompagne les troufions quand ils vont au bistrot. Avec son nez, il secoue le coude de l'un d'entre eux jusqu'à ce qu'il obtienne une bière

Fin 1957 : Vue sur la palmeraie de Kangha Sidi Nadji. En bas à gauche, des soldats lavent leur linge dans l'oued

Fin 1957 : Vue sur la palmeraie de Kangha Sidi Nadji. En bas à gauche, des soldats lavent leur linge dans l'oued

22 novembre 1958 : Joseph Masson à gauche (avec sa quille) à la gare de Batna, avec Claude Denoual (de Plouasne) et Noblet (de la Loire-Atlantique)

22 novembre 1958 : Joseph Masson à gauche (avec sa quille) à la gare de Batna, avec Claude Denoual (de Plouasne) et Noblet (de la Loire-Atlantique)

1958, à Berhoum : L'endroit où était situé le cantonnement des soldats français. [AS71]

1958, à Berhoum : L'endroit où était situé le cantonnement des soldats français. [AS71]

■ 

Hubert Menoux ? (1933-2007)

.............................

1956-1958 – du mercredi 7 mars 1956 au mercredi 26 mars 1958

Contingent 56/1A

Francis Morel (1935-2006)

Il n'obtient pas de permission pour assister aux obsèques de son père

Classé service armé par le Conseil de révision de la classe 1955, Francis participe aux opérations de sélection au centre de Guingamp du 8 au 12 novembre 1955. Il est appelé à l’activité au 2ème Régiment d’Infanterie Coloniale au Grand-Blottereau, en banlieue Nord-Est de Nantes le 7 mars 1956

Il obtient le grade de chef d’agrès le 23 juin 1956 puis il est nommé à l’emploi de 1ère classe le 1er août. Il participe aux manœuvres du camp de Meucon près de Vannes du 5 au 14 août 1956.

Affecté au 6ème Régiment d’Infanterie et bénéficie de huit jours de détente AFN entre le 19 et le 26 août 1956.

Il est dirigé sur Marseille le 29 août 1956 et il y parvient le lendemain. Le 31 août il embarque sur le paquebot « Le Pasteur ». Le 1er septembre, il accoste au port d’Alger.

Francis est affecté à la Compagnie de Commandement, d’Appui et de Soutien. Le 1er novembre 1956, il redevient 2ème classe avant d’être muté à la 7ème Compagnie. Le 15 mai 1957, il est à nouveau nommé à l’emploi de 1ère classe.

Son père, Théophile Morel, décède le 25 mai 1957 mais il n’obtient pas de permission lui permettant d’assister à ses obsèques.

Le 1er juillet il est nommé au grade de Caporal par décision du chef de bataillon. Il est transféré à la 8ème Compagnie le 26 février 1958.

Le 24 mars 1958, il embarque à Alger sur le bateau « Ville d’Oran » et le lendemain il débarque à Marseille. Le 26 mars, il est de retour chez ses parents au lieu-dit Le Plessis Léger en Pancé.

[Renseignements relevés sur son livret militaire le 24 mars 2019]

*****

C’est le mardi 7 novembre 1950, au mariage d’Eugène Aulnette, mon cousin de Pouchard, que j’ai fait connaissance de Francis, frère de Marie-Josèphe (la mariée). C'était mon cavalier et nous n'avions que 15 ans. Neuf ans plus tard (le samedi 19 septembre 1959), nous nous sommes mariés.

[Marie Morel, née Aulnette (83 ans) épouse de Francis – le 24 mars 2019]

MM35 (35047)

*****

Il me semble avoir entendu Francis dire que durant une période de son service en Algérie, il était stationné sur un piton dans les gorges de Palestro.

[Camille Aulnette (79 ans), beau-frère de Francis - le 26 mars 2019]

CM39 (78005)

*****

Durant une trentaine d’années, Papa et certains de ses copains se sont revus à plusieurs reprises.

[Françoise Ramonet (60 ans), fille aînée de Francis – le 5 octobre 2020]

FR60 (83137)

*****

Francis Morel (assis)

Francis Morel (assis)

Francis Morel (2ème debout en partant de gauche)

Francis Morel (2ème debout en partant de gauche)

Francis Morel (à gauche)

Francis Morel (à gauche)

Francis Morel

Francis Morel

Francis Morel (à droite)

Francis Morel (à droite)

Francis Morel (4ème en partant de gauche)

Francis Morel (4ème en partant de gauche)

Francis Morel (debout à droite au 1er plan)

Francis Morel (debout à droite au 1er plan)

Francis Morel

Francis Morel

Francis Morel (assis au 1er plan)

Francis Morel (assis au 1er plan)

Francis Morel (accroupi à gauche)

Francis Morel (accroupi à gauche)

1960-1962 – du jeudi 3 novembre 1960 au samedi 3 novembre 1962

Contingent 60/2B

Alain Papail

J'ai peu de souvenirs de mon service militaire mais je n’en ai aucun de mauvais. J’ai fait mes classes au 5ème régiment de cuirassiers au camp de Meucon, près de Vannes.

Quand je suis allé en Algérie, la guerre touchait à sa fin. Je ne montais jamais de garde car j’étais sous-officier, brigadier-chef pour être plus précis, dans un régiment décontracté dans une ville dont je ne me souviens plus du nom. Ma caserne était proche de la mer.

[Alain Papail (84 ans) – le 3 août 2022]

AP38 (35322)

*****

Infos récupérées sur le livret militaire de Alain et transmises par Jacques, son frère :

 - Alain a été appelé à l’activité le 3 novembre 1960 et affecté au 5ème régiment de cuirassier sous le n°48.

 Il a été nommé brigadier-chef le 1er octobre 1961

- Il était au 30ème régiment de dragons à Valdahon (dans le Doubs) le 26 octobre 1961

- Il a traversé la Méditerranée en bateau les 17 et 18 décembre 1961

- Il a servi en Algérie du 19 décembre 1961 au 19 février 1962

Il a repris le bateau les 20 février 1962 et il est rentré en France le 22

- Il a été renvoyé dans ses foyers et rayé des contrôles du corps le 3 novembre 1962

[Jacques Papail (90 ans, frère d'Alain) – le 11 janvier 2023]

JP32 (44026)

1959-1961  du dimanche 3 mai 1959 au mercredi 19 juillet 1961

Contingent 59/1B

Elie Péan

J’ai fait la totalité de mon service militaire en Algérie

Le 3 mai 1959, mon père m’emmène en moto à Poligné et je prends le car la ligne Drouin pour me rendre à Rennes. À la gare SNCF, je rencontre Jean-Claude Colombeau, d’Eancé. Il est appelé pour servir au même régiment que moi. Nous partons tous deux directement en Algérie mais nous devons récupérer notre tenue militaire dans une caserne au Mans où nous restons deux jours. Lorsque nous revenons à la gare, nous sommes contrôlés par la police militaire qui nous oblige à ouvrir notre paquetage. Nous prenons le train pour Marseille et, le 12 mai, nous montons à bord du « Ville de Tunis », un bateau à la fois beau et rapide. Le 13 mai, quand nous débarquons à Oran, deux camions nous attendant. Nous sommes une cinquantaine de soldats de la 59/1B à être conduits à Mostaganem. Nous dépendons du 31ème groupe vétérinaire, un régiment qui a pour rôle de dresser des chiens et de former des maîtres venant de différents corps. À la caserne, où il y a une centaine de chiens et autant de chevaux de concours hippiques, je fais connaissance de Léon Roulin, un gars de Corps-Nuds qui fréquente Paulette Ermoin, une de mes petites cousines. Affecté au contingent 59/1A, il est ici depuis deux mois. Fin juin, nous sommes séparés car Léon est envoyé en montagne. Il sera des fois plusieurs mois sans redescendre. J’ai un autre gars d’Ille-et-Vilaine dans ma section, Joseph Merlet du 59/2A. Il est originaire de Sixt-sur-Aff.

Le 28 août 1959, mon contingent termine ses classes. Nous allons être répartis en trois groupes vétérinaires différents : une quinzaine de troufions reste au 31ème GV de Mostaganem, une autre quinzaine au 32ème GV de Saint-Arnaud et nous sommes une trentaine à rejoindre le 541ème GV de Blida où il manque beaucoup de maîtres-chiens. Nous logeons dans des box à chevaux durant la première semaine et ensuite nous dormons sous tente.  Quand le vent "Sirocco" souffle, nous devons retenir la toile pour ne pas qu'elle s'envole.

Dès mon arrivée au 541ème, on m’attribue un chien de maintenance et je fais une formation de maître-chien. Pendant mon stage, j’assure moins de gardes. Je fais connaissance de Pierre Planchais, un engagé originaire de Bain-de-Bretagne. Il est maréchal des logis-major et il dresse des chiens de toutes catégories pour les parcours du combattant. 

Ma formation achevée, je pars souvent en patrouille en fin d’après-midi avec mon chien et j’arpente des terrains pentus qui ressemblent aux landes du Cléray. Je dois escalader une trentaine de marches puis crapahuter sur deux-cents mètres en renouvelant cet exercice plusieurs fois de suite. Quand j’arrive en haut, je n’ai plus de souffle. Pour descendre, c’est encore plus difficile. Je ne rentre que le lendemain en soirée (25 heures à chaque fois).

Une nuit, je monte la garde sur un sommet dominant Oued El Alleug et, à deux reprises, des rebelles surgissent à l’endroit où je me trouve. La 1ère fois, à 1h40 et la 2ème presqu'aussitôt. C’est mon chien qui m’avertit et qui les fait rebrousser chemin. Je tremble et je pense à ma mère en me disant que je ne la reverrai pas. À 2h00, lorsqu’un gars de ma section arrive pour assurer la relève, je réalise que mon chien m’a sauvé la vie. Avant d’aller me coucher, je monte au poste de commandement pour informer le maréchal des logis-chef de ce qui vient de m’arriver. Il téléphone au bidasse de service et celui-ci rapporte qu’après avoir entendu un bruit suspect, il a braqué un projecteur sur le poste de garde où j’étais et il a compté cinq fells à la 1ère tentative d’attaque et au moins une dizaine à la seconde.

Fin août 1960, je rentre en permission pour dix-sept jours. Je demande une prolongation pour aider mes parents à battre le blé noir mais elle m’est refusée. J’embarque pour Marseille, sur le bateau « El Djazair ». Pendant ma permission, je passe transmettre le bonjour à la femme de Pierre Planchais, à la demande de ce dernier. Elle va bientôt rejoindre son mari en Algérie. En prenant le bateau pour retourner à la caserne, je me dis que si j’avais fait mon service militaire en France, j’aurai bénéficié d’une autre permission, agricole celle-ci et de vingt-et-un jours mais, servant en Algérie, je n’y ai pas droit.

Maintenant, j’apprends le métier de boucher avec un certain Leduc, originaire de la Mayenne, un bon gars. Pendant deux mois, jusqu’au jour où il est libéré, il me montre comment tuer des bourricots et des mulets et comment procéder à la découpe. La viande sert ensuite à nourrir les chiens. Je suis employé à la boucherie mais ça ne m’empêche pas de faire des patrouilles la nuit et de monter des gardes. Durant ces périodes de travail intense, je n’ai pas beaucoup de temps pour dormir. De toute façon, c’est difficile de se reposer ici car, dans la vallée de la Chiffa, la chaleur est étouffante même la nuit. À Mostaganem, nous ne manquions pas d’air mais nous étions en bordure de mer.

Bénéficiant d'une perme de quarante-huit heures, Jean-Claude Colombeau et moi, nous nous rendons à Alger. Nous rencontrons Auguste Giboire et Robert Lunel, deux gars de La Bosse, ainsi qu'André Choquet, de Bain-de-Bretagne.

Ma compagnie part rarement en opération mais quand nous y allons, c’est pour quatre ou cinq jours et sans nos chiens. Avec le sac et la toile sur le dos, nous montons à mi-hauteur du col de Chréa. L’hiver, il y a souvent de la neige.

Je suis libéré à la mi-juillet 1961. Le 17, Jean-Claude Colombeau et moi-même, nous sommes au port d’Alger et nous embarquons sur le « Sidi Okba », un vieux rafiot. La mer est très agitée et la casquette d'un légionnaire s'envole. Il court sur le pont pour la rattraper mais il arrive trop tard. Un message est diffusé au haut-parleur : « Descendez tous dans les cales, ne restez pas sur le pont ! » Nous sommes à Marseille le 18 et nous montons dans le train pour Lyon. Vingt minutes plus tard, nous en prenons un autre pour Nantes et là, Jean-Claude et moi, nous partons chacun dans une direction différente. Je prends place dans un car Drouin et, arrivé à Bain-de-Bretagne, je vais à pied chez Adrien Gérard, autocariste à La Croix-Blanche. Il est absent et son épouse Marcelle (née Bretagne) qui est ma cousine, est partie faire une leçon d'auto-école. Je n’ai pas d’autre choix que de faire du stop mais, en tenue militaire, je trouve facilement. Quand le conducteur me dépose à La Bellandière, au pignon de la ferme de mes parents, il me dit qu'il rejoint Rannée. Vers 9h00, je suis à la maison et ma mère est seule. Elle me dit : Ah, te voilà, ton père et moi, nous pensions que tu ne serais arrivé qu’en début d’après-midi. »

Je prends mon petit déjeuner et j’enfile la tenue de travail que j’ai abandonnée depuis vingt-six mois puis, avec ma faucille sous le bras, je rejoins mon père dans le champ de la lande. Avant de moissonner le blé, il dégage le tour avec sa faux afin permettre le passage de la lieuse. Travaillant dans le champ d’à côté, Arsène Nourisson m’aperçoit et aussitôt il arrive prendre des nouvelles du militaire qui vient de réintégrer la vie civile.

[Elie Péan (80 ans) – le 22 septembre 2019]

EP39 (35030)

*****

Avant d’aller en Algérie, Elie était passé voir mes parents à Corps-Nuds car il avait appris par Michel Dufeu, vétérinaire de Janzé venu soigner une bête à La ferme de la Bellandière, que j’étais à Mostaganem, dans le même régiment que celui qui était indiqué sur sa convocation.

C’est moi qui l’ai emmené en jeep sur les hauteurs d’Oued El Alleug, où son chien lui a sauvé la vie. C’est moi aussi qui lui ai appris comment mettre ses guêtres.

Elie n’a pas eu la vie rose car il a eu des classes difficiles et ensuite, il a monté beaucoup de gardes. Il était dans une section commandée par deux gradés, un maréchal des logis (un appelé) qui était sympa et un jeune rempilé qui leur en a fait baver. Lorsque j’ai quitté Elie, je suis allé à Agbou. J’avais l’occasion de le revoir quand je rentrais au quartier mais ce n’était pas souvent, environ une fois tous les trois mois.

[Léon Roulin (80 ans) – le 23 septembre 2019]

LR39 (35088)

*****

À Mostaganem, Elie et moi, nous avons vécu des classes difficiles. Il n’y avait pas grand-chose à bouffer et c’était dégueulasse. Par compte, à Blida, la cuisine était excellente. Je me souviens du 1er repas servi à notre arrivée au 541ème GV. Le pain était frais et l’omelette délicieuse !

Nos permissions pour sortir en ville étaient rares. Une fois nous avons été autorisés à nous rendre tous les deux à Blida pour la journée. En arrivant au centre-ville, nous sommes tombés dans une manifestation et nous avons été pris à partie par une quinzaine de musulmans excités. Ils nous ont bousculés en nous envoyant des coups de poings et des coups de pieds. Elie avançait en tête et je suis resté blotti derrière sa carrure jusqu'au moment où nous avons aperçu une patrouille de soldats à un angle de rue. Nous avons réussi, non sans mal, à les rejoindre. Deux gars de notre compagnie sont arrivés à la Poste, avec une jeep, pour déposer le courrier. Nous sommes rentrés à la caserne avec eux. 

Quand Elie a débuté son travail à la boucherie, j’étais bourrelier au harnachement des chiens. Ensuite, j’ai changé d’activité en devenant infirmier.

Elie évoque le maréchal des logis-major Pierre Planchais, je n’en ai pas gardé un bon souvenir. Pour avoir refusé de me mettre au garde-à-vous, dix-sept jours avant la quille, il m’a sanctionné en me faisant passer une semaine en taule.

[Jean-Claude Colombeau (80 ans) – le 27 septembre 2019]

JCC39 (53259)

*****

Elie était affecté dans le régiment où était André Berthelot (du Plessis). Quelques jours avant son départ, le père d'Elie avait fait venir Auguste (père d'André) chez lui pour qu'il lui raconte ce que vivait son fils. Il s'agissait d'un régiment très disciplinaire.

[Félix Pairin (76 ans)  le 6 avril 2024)

FP48 (35238)

Elie Péan, devant un box à chevaux au 541ème GV, à Mostaganem

Elie Péan, devant un box à chevaux au 541ème GV, à Mostaganem

Un berger allemand lors d'une séance de dressage, à Mostaganem

Un berger allemand lors d'une séance de dressage, à Mostaganem

Blida : Joseph Merlet (originaire de Sixt-sur-Aff) et Elie Péan, dans l'atelier de découpe, devant des carcasses de bourricots et de mulets

Blida : Joseph Merlet (originaire de Sixt-sur-Aff) et Elie Péan, dans l'atelier de découpe, devant des carcasses de bourricots et de mulets

Blida : Pierre Planchais, maréchal des logis-major, un engagé originaire de Bain-de-Bretagne. Il pose avec sa femme et ses deux filles

Blida : Pierre Planchais, maréchal des logis-major, un engagé originaire de Bain-de-Bretagne. Il pose avec sa femme et ses deux filles

Elie Péan, à genoux avec un bâton à la main droite, lors d'une patrouille

Elie Péan, à genoux avec un bâton à la main droite, lors d'une patrouille

Blida : 1 Elie Péan, debout avec le pistolet mitrailleur MAT 49 à la main

Blida : 1 Elie Péan, debout avec le pistolet mitrailleur MAT 49 à la main

Elie Péan devant son poste de garde à Blida

Elie Péan devant son poste de garde à Blida

Elie Péan de service à Blida. Avec sa chienne "Bella", il contrôle le passage des fellaghas

Elie Péan de service à Blida. Avec sa chienne "Bella", il contrôle le passage des fellaghas

Blida : Aussitôt après le passage de la draisine, la ligne de chemin de fer est minée et le train déraille

Blida : Aussitôt après le passage de la draisine, la ligne de chemin de fer est minée et le train déraille

Blida : 1 Joseph Merlet, 2 Elie Péan, sur un bourricot

Blida : 1 Joseph Merlet, 2 Elie Péan, sur un bourricot

1960 : Cinq militaire d'Ille-et-Vilaine se retrouvent à Alger : 1 Jean-Claude Colombeau, d'Eancé - 2 André Choquet, de Bain-de-Bretagne - et trois gars de La Bosse : 3 Auguste Giboire - 4 Robert Lunel - 5 Elie Péan  1960 : Alger > 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1960 : Cinq militaire d'Ille-et-Vilaine se retrouvent à Alger : 1 Jean-Claude Colombeau, d'Eancé - 2 André Choquet, de Bain-de-Bretagne - et trois gars de La Bosse : 3 Auguste Giboire - 4 Robert Lunel - 5 Elie Péan 1960 : Alger > 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1960 : Alger > 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1960 : Alger > 1 Robert Lunel, 2 Elie Péan, 3 Auguste Giboire

1952-1956 – du mercredi 30 mai 1956 au mercredi 28 novembre 1956  (appelé au service militaire le 14 novembre 1952 et rappelé en Algérie le 30 mai 1956)

Contingent 52/2

Jean Posson

Réformé pour avoir reçu une balle dans la main droite en Algérie

Le 14 novembre 1952, je quitte la maison de mes parents située 41, faubourg d’Anjou à La Guerche-de-Bretagne et je vais faire mon service militaire en Allemagne. Je laisse mon métier de mécanicien vélo. J’abandonne aussi le bénévolat au cinéma de La Guerche et le président de l’association me fait une attestation détaillant le rôle que j’occupe.

Le 16 novembre, je franchis la frontière franco-allemande à Kehl. En arrivant à Tübingen, mon lieu d’affectation. Le 20 janvier 1953 je suis muté au 1er escadron des services du 12ème Régiment de Cuirassiers. Je peux remercier le président du cinéma de La Guerche car, grâce à l’attestation qu’il m’a délivrée, on me propose un stage d’opérateur projectionniste. La formation terminée, je deviens permanent à la cinémathèque. Il m’arrive aussi de donner un coup de main au mess. Je suis planqué !

Le 1er novembre 1953, je suis nommé 1ère classe.

Après avoir servi durant toute la période réglementaire de dix-huit mois, je suis libéré le 12 avril 1954 et rayé des contrôles du corps le 1er mai. Revenu à la vie civile, je reprends mon activité de mécanicien vélo.

Le 30 mai 1956, je suis rappelé pour aller servir en Algérie. Je rejoins le 19ème Régiment de Chasseurs à Saumur, un régiment de reconnaissance de la 20ème Division d’Infanterie. Le 8 juin, nous embarquons sur le « Sidi Mabrouk » à Marseille. Quelques heures après le départ, nous apercevons la Corse sur notre gauche. C’est sur une plate-forme sans bordure et sans cabine que nous voyageons, allongés sur des hamacs calés seulement par nos bagages. La mer est houleuse et les vagues déferlent sur notre bivouac de fortune. Nous sommes trempés !

Le 10 juin, dès notre arrivée à Alger, des camions nous prennent en charge et nous conduisent dans une zone opérationnelle, en Grande Kabylie. Affectés au 2ème escadron, nous sommes là pour assurer le maintien de l’ordre. Nous changeons de lieux très souvent mais nous dormons toujours sous la guitoune. Nos gradés ne nous ménagent pas. Ils nous font faire beaucoup de marches dans la brousse et, sur notre parcours, nous devons fouiller des mechtas et contrôler si des rebelles ne sont pas camouflés à l’intérieur. Parmi les troufions avec lesquels je suis, deux sont de mon secteur. Un de Moulins et l’autre de Piré-sur-Seiche.

Début août, un jour de repos, un copain rentre sous la tente et annonce qu’il vient de troquer son pistolet mitrailleur contre un modèle plus récent. À la demande d’un gars de la chambrée, il nous explique le fonctionnement et va jusqu’à appuyer sur la gâchette alors que son arme est chargée. Me trouvant debout face à lui, je reçois une balle dans la main droite.

Une ambulance vient me chercher et, allongé sur une civière, je suis expédié en urgence dans un hôpital civil à Aumale, ville située au Sud-ouest de Bouira. J’y reste un mois avant de rapatrier en France. Je prends le train pour Alger où je dois attendre les papiers nécessaires à l’embarquement. Le 7 septembre, je monte à bord du « Ville d’Alger », un bateau de haute gamme. Je voyage en sanitaire. Arrivé à Marseille, je passe une semaine dans un hôpital militaire mais on m’autorise à sortir dans la journée. Une après-midi, je suis sur le port de Marseille lorsqu’un marin avec qui je fais la causette me propose de monter sur son bateau de plaisance pour faire une petite virée me permettant de mieux découvrir Notre-Dame-de-la-Garde.

À la mi-septembre, j’accède au train allant de Marseille à Paris et je séjourne encore deux jours dans un hosto avant de rejoindre Rennes et me rendre à l’hôpital militaire Ambroise Paré. On m’envoie à la 4ème compagnie de garnison. Le 27 novembre, je passe une dernière visite médicale avant d’être réformé pour inaptitude physique. Le 28, je suis autorisé à rentrer dans mes foyers. Avant de quitter Rennes, je passe chez Jean Bonnamy, réparateur de vélos boulevard Laennec, où mon copain guerchais Henri Barbelivien travaille. Henri m’annonce qu’un motard fait une halte à l’atelier tous les soirs avant de rentrer à Domalain. Je l’attends et il me ramène chez mon frère Lucien, lui aussi réparateur de vélos, rue Duguesclin à La Guerche. Il ne me reste plus qu’à monter le faubourg d’Anjou pour être chez mes parents. Lorsque j’arrive à leur domicile, j’ai encore la tenue militaire que je portais le jour où j’ai reçu la balle. En effet, depuis quatre mois, je suis toujours avec le même short et le même maillot de corps. Lorsque je suis parti en ambulance, on ne m’a pas laissé le temps de récupérer mes bagages, même pas mon argent.

Un mardi, pendant le marché de La Guerche, le gars de Moulins et celui de Piré-sur-Seiche viennent tout juste d’être libérés lorsqu’ils me rapportent mon portefeuille. Quant à ma valise, elle va probablement rester de l’autre côté de la Méditerranée…

Revenu dans la vie civile, je travaille quelques semaines chez mon frère Lucien avant d’être embauché aux Etablissements Braud à Saint-Mars-la-Jaille. Un mois plus tard, par l’intermédiaire de mon copain Barbelivien, je suis recruté par Joseph Chérel, atelier de mécanique vélo situé place Sainte-Anne, à Rennes. Plus tard, mon patron se met en relation avec son cousin, gradé dans l’armée, lequel fait la démarche pour que j’obtienne ma carte de combattant.

[Jean Posson (87 ans) – le 6 septembre 2019]

JP32 (35030)

*****

Jean Posson et Guy Massicot étaient affectés dans la même caserne en Algérie mais c'est à La Bosse et plusieurs décennies après, en discutant pendant un repas de CATM, qu'ils s'en sont rendus compte.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

*****

1953 : Jean Posson, à Tübingen

1953 : Jean Posson, à Tübingen

1953 : Jean Posson, à Tübingen

1953 : Jean Posson, à Tübingen

1953, à Tübingen : Jean Posson, opérateur à la salle de cinéma

1953, à Tübingen : Jean Posson, opérateur à la salle de cinéma

1953 : Jean Posson, 3ème, dans la roulante équipée d'un bar

1953 : Jean Posson, 3ème, dans la roulante équipée d'un bar

1953, en manœuvre à Münsingen : Jean Posson est le 4ème en partant de gauche (le 3ème est du secteur de Fougères)

1953, en manœuvre à Münsingen : Jean Posson est le 4ème en partant de gauche (le 3ème est du secteur de Fougères)

1953 : En repos pendant une patrouille à Münsingen : Jean Posson est le 3ème

1953 : En repos pendant une patrouille à Münsingen : Jean Posson est le 3ème

1955-1957  du mardi 15 février 1955 au lundi 6 mai 1957

Contingent 55/1A

Romain Prunault

Trente mois à l’armée sans aucune permission

La guerre d’Algérie est déclarée depuis trois mois et demi lorsque, le 15 février 1955, je pars de La Haute-Bosse. Appelé du contingent, je rejoins le corps du 8ème Régiment de Cuirassiers au camp militaire de La Valbonne, dans l’Ain. Le 12 juin, je suis muté à Donaueschingen, en Allemagne. Je suis employé à faire des rodages de voitures et camions de l’armée, ce qui me permet de partir fréquemment en déplacement loin de la caserne et ça me plaît. Nous circulons en convoi et dormons dans des fermes, quelquefois sous la toile de tente, mais plus souvent sur le la paille dans des hangars. Comme je suis régulièrement sur la route, je monte rarement la garde.

À la fin de la troisième semaine d’août 1955, avec mon régiment, je pars pour l’Algérie. Nous prenons le train à la gare d’Offenbourg. Après avoir chargé des chars de combat AMX sur les wagons et nous partons direction Marseille où nous devons attendre une semaine, au quartier Sainte-Marthe, avant d’avoir un bateau. Nous embarquons le 1er septembre sur le « Ville d’Oran ». Le 3 septembre, en débarquant au port d’Oran, je prends les commandes d’un char et un de mes camarades s’installe dans la tourelle. Nous parcourons une petite centaine de kilomètres puis nous faisons une halte à Mostaganem. Au bout de quelques jours, nous repartons direction de Sidi Bel Abbès et c’est là que nous stationnons. Les conditions de vie ne sont différentes de celles de l’Allemagne. Nous partons très souvent en opération et toujours avec la légion étrangère.

Trois mois après notre arrivée sur le territoire algérien, nous recevons des nouveaux chars de combat, plus modernes que ceux que nous avons. Ce sont des Engins Blindés de Reconnaissance (EBR) à huit roues, avec pilotage avant et pilotage arrière. Ils sont performants mais, très vite, nous devons les abandonner car des combattants partisans de l’Algérie indépendante creusent des tranchées un peu partout pour nous empêcher d’avancer.

Le 15 décembre 1955, nous déménageons. Je prends place au volant d’un GMC et le lendemain nous installons notre campement à Oujda, au Maroc. Pour ne rien changer dans nos habitudes, nous continuons à faire des opérations, souvent à une soixantaine de kilomètres, dans le secteur de Saïdia, sur la côte, près de la frontière algérienne. Nous ne partons jamais sans être escortés par des légionnaires. Début 1956, nous arrivons face à une mechta lorsque, par une petite lucarne, les occupants nous tirent dessus. Deux de mes meilleurs copains (avec lesquels j'ai fait mes classes à La Valbonne) sont abattus. J'attrape le lieutenant par l'épaule et, au moment où nous nous allongeons au sol, je reçois une balle à la jambe gauche. 

Après une courte période à Oujda, nous reprenons nos jeeps équipées de mitraillettes et poursuivons notre route direction Fès, Rabat, puis nous descendons à Agadir. De là, nous nous rendons sur les hauts plateaux dans les environs de Marrakech et nous allons à la chasse à la gazelle avec nos gradés (capitaine, lieutenant…).

Le Maroc étant devenu officiellement indépendant en mars 1956, nous revenons en Algérie le 1er août suivant. Le Poste de Commandement du 8ème Régiment d’Infanterie Motorisée (8ème RIM) auquel nous appartenons séjourne à Saïda, soixante-dix kilomètres au sud de Mascara. Nous y restons à peu près deux mois et, régulièrement, nous accompagnons des administrateurs civils et militaires dans les douars pour vérifier l’identité des fellaghas que nous rencontrons et s’assurer qu’ils ne sont pas étrangers au village que nous contrôlons.

Nous participons à l’opération d’envergure « Amirouche » en Kabylie. J’assure le transport d’un groupe de militaires avec mon GMC. Lors d’un arrêt sur un sentier retiré en pleine brousse, en sautant de chaque côté du camion, mes camarades se trouvent nez à nez avec des rebelles surgissant des buissons.

Enfin, nous stationnons à Colomb Béchar et nous rayonnons dans le désert environnant en restant toujours opérationnels. En encerclant une mechta, nous sommes pris en étau dans une embuscade. Le gars de Laval installe à nouveau son fusil mitrailleur sur le trépied et lance une rafale de balles sur les rebelles qui viennent de nous attaquer. Par son action courageuse et spontanée, il sauve la vie du capitaine et la mienne mais, quelques jours plus tard, ce sera l’Adjudant qui recevra une citation alors qu’il est resté à l’abri au campement de la Compagnie. 

C’est à Colomb Béchar que mon service militaire s’achève. J’ai enfin la quille ! Nous sommes une dizaine dans mon cas. Nous rejoignons Oran en voyageant dans un train à bestiaux. Là encore, en nous écartant de la fenêtre du wagon, nous échappons de peu à une attaque. Les rebelles circulant sur la piste longeant la ligne de chemin de fer pourraient nous zigouiller facilement car, sur les dix que nous sommes, nous n’avons qu’un fusil pour assurer notre défense.

Après trente mois d’armée sans rentrer dans ma famille, le 4 mai 1957 je prends le bateau « Ville d’Oran » et le lendemain je suis en France.

Je rentre au foyer familial le 6 mai avec cinquante-six jours de permission libérable, si bien que je rends mon paquetage à la gendarmerie du Sel seulement à la fin du mois de juin. En souvenir, je garde mon tic-tac.

[Romain Prunault (85 ans) – le 4 septembre 2019]

RP34 (35131)

*****

Bernard Aulnette se souvient très bien du jour où Romain est rentré de l’armée : « Il est arrivé à La Bosse en même temps qu’Albert Chevrel (du bourg) et Claude Louis (de Tresbœuf) qui, eux aussi, venaient d’être libérés de leurs obligations militaires. Romain, Albert et Claude, après avoir peut-être un peu trop arrosé la quille, avaient fait un tel vacarme dans l'autocar que le conducteur était bien content de les voir descendre à Bain-de-Bretagne ! »

[Bernard Aulnette (81 ans) – vers le 10 septembre 2019]

BA38 (35066)

*****

Pour répondre au commentaire (ci-dessus) de Bernard Aulnette, je dirai : « C’est possible… Je me demande si ce n’est pas Charles Legendre, marchand de tissus sillonnant la campagne de La Bosse, qui nous a ramenés chez nos parents. »

[Romain Prunault (85 ans) – le 12 septembre 2019]

RP34 (35131)

*****

Ce jour-là, nous avons pris le car Drouin à la gare routière de Rennes et nous sommes descendus à Bain-de-Bretagne. Ensuite, nous avons réquisitionné Charles Legendre (marchand de tissus) pour qu'il nous ramène à La Bosse. En arrivant au bourg, pour le remercier, nous l’avons invité à boire un coup. Nous étions quatre et nous avons fait les quatre bistrots :

  • Chez Robert et Denise Hugues
  • Chez Gustave et Marie-Thérèse Chapon
  • Chez Maria Perrudin (dite Maria du bureau)
  • Chez Louis et Denise Leray

[Claude Louis (85 ans)  le 17 septembre 2019]

CL34 (35066)

*****

En examinant le parcours effectué par Romain, j'ai une pensée pour mon père "Guy Buzy" né en 1933 à Seysses en Haute-Garonne. Lui aussi, il a fait une partie de son service à Oujda dans ces années-là. Il était mécanicien sur des avions T-6 de l'escadrille 3/72.

[Pierre-Henry Buzy (38 ans)  le 12 mai 2020]

PHB82

*****

Romain Prunault, à Oujda (Maroc)

Romain Prunault, à Oujda (Maroc)

Début 1956 : Romain Prunault sur une civière à Oujda (Maroc) après avoir reçu une balle à la jambe gauche

Début 1956 : Romain Prunault sur une civière à Oujda (Maroc) après avoir reçu une balle à la jambe gauche

Le 5 janvier 1956 : Romain Prunault, devant une jeep à Oujda (Maroc)

Le 5 janvier 1956 : Romain Prunault, devant une jeep à Oujda (Maroc)

Romain Prunault (3ème accroupi), en Algérie

Romain Prunault (3ème accroupi), en Algérie

Printemps 1957 : Romain Prunault à Colomb Béchar, peu avant sa libération

Printemps 1957 : Romain Prunault à Colomb Béchar, peu avant sa libération

1959-1961 – du début juillet 1959 à octobre 1961

Contingent 59/…

Guy Rébillard

On me nomme sous-officier de l’ordinaire

Normalement, j’aurai dû être appelé un an plus tôt mais, ayant été ajourné pour cause de poids insuffisant, je rentre sous les drapeaux seulement début juillet 1959. Etant instituteur à Louvigné-de-Bais, je viens juste de terminer l’année scolaire lorsque je suis incorporé au camp d’Auvours, dans la Sarthe, pour y faire une formation de quatre mois.

Mes classes achevées et après une permission d’une dizaine de jours, je suis muté à Trèves en Allemagne en fin octobre 1959, dans le Régiment du Train. J’occupe le poste de secrétaire du lieutenant de la Compagnie, ce qui me donne l’avantage d’être exempté de corvée. Toutefois, je continue avec faire des marches avec les copains mais les missions qui me sont confiées ne sont pas toutes réjouissantes. Quand un soldat ayant fait sa formation à Trèves meurt en Algérie, je suis quelquefois désigné pour aller rencontrer les parents et je leur remets les affaires personnelles de leur fils défunt. Un jour, je suis allé dans le Morbihan et, passant près de ma famille, j’ai eu droit à une permission de quelques jours.

De temps en temps, j’ai quand même le privilège de faire des choses qui me passionnent. C’est ainsi que je créé un petit journal qui paraît mensuellement. Ça me vaut d’être bien vu par le Capitaine qui n’est pas réputé sympa. Il a aussi un côté un peu farfelu. Ça ne le gêne pas de passer dans les rangs et de donner un coup de tondeuse sur le cuir chevelu d’un troufion pour lequel il n’a pas d’estime. J’ai la chance d’être épargné à chaque fois.

Le……., je suis nommé Caporal. Je travaille dans le bureau de l’Adjudant responsable de la trésorerie de la caserne. Chaque fin de mois, c’est moi qui remets la paie (en espèces et en main propre) aux officiers de carrière.  Occasionnellement, je participe aux manœuvres avec les soldats de ma section. On m’affecte une moto (500cm3) un peu trop lourde pour moi si bien qu’il m’arrive de dégringoler. Plus tard, je récupère une jeep et là, je suis nettement plus à l’aise. Je pars quelquefois dès à 5 heures du matin pour aller poser le fléchage sur l’itinéraire emprunté deux heures plus tard par la Compagnie. Un jour, je tombe avec mon pistolet mitrailleur à la main et, voulant le protéger, je me casse le poignet droit et je me retrouve avec un plâtre que je dois garder trois mois. En dépassant vingt-neuf jours de convalescence à la caserne, l’armée doit me verser une pension. Pour éviter cela, à deux reprises, durant cette période de trois mois, je rentre en permission pour quinze jours. Finalement, la permission de quinze jours précédant mon départ en Algérie dure un mois.

En août 1960, je me rends à Marseille avec mon contingent et nous embarquons pour Alger. De-là, c’est en camion que je rejoins Djelfa, mon point d’attache situé au pied de l’Atlas saharien, à trois-cents kilomètres au sud de la capitale.

On me nomme sous-officier de l’ordinaire. Je conduis une camionnette et je vais régulièrement au ravitaillement à Médéa. La route est longue et elle n’est pas sans risque. Je reviens avec de la nourriture en abondance. J’en donne souvent aux gars qui partent en opération (poulets, pâté…). Je suis convoqué chez le Capitaine qui me reproche de distribuer des vivres sans en avoir l’ordre. Je lui réponds en disant que je trouve normal que ceux qui risquent leur vie sur le terrain en faisant la guerre soient aussi bien nourris que ceux qui restent à l’abri. J’ajoute que j’ai pour consigne de dépenser le budget qui m’est attribué et qu’il est supérieur à mes besoins. Le Capitaine, non satisfait de ma réponse et pensant que je suis communiste, me reproche aussi de ne pas avoir accepté d’entrer à l’Ecole des Officiers de Réserve (EOR). Suite à ces désapprobations, je suis affecté sur un nouveau poste.

Me voilà secrétaire du Commandant de toutes les armes et je travaille en civil. J’habite une petite maison en centre-ville et, chaque jour, un Harki vient faire mon ménage. L’inconvénient, c’est que je suis seul avec un dactylo et nous ne nous sentons pas toujours en sécurité. Une nuit, j’entends un bruit suspect. Etant couché avec mon fusil mitrailleur sous mon lit, je le prends et je l’arme. J’avance doucement vers la porte et, qu’est-ce que je vois, une souris qui s’amuse avec un bout de fil de fer.

Djelfa est une ville assez calme mais, à partir de février 1961, avec la création de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), la situation se complique. J’ai la chance d’avoir beaucoup de légionnaires dans le quartier où je suis, car ils font fuir les fellaghas. Ils me disent souvent : « Guy, si tu as besoin, tu nous fais signe ! » Un jour, une dizaine d’artilleurs sont tués dans une embuscade en montagne par trois fells. Un autre jour, un breton qui était avec moi au camp d’Auvours saute sur une mine.

Pour mes dix derniers mois d’armée effectués en plus de la durée réglementaire, comme je suis fonctionnaire dans la vie civile, je ne perçois plus le salaire de troufion mais l’équivalent de ce que j’avais avant d’entrer sous les drapeaux. Dorénavant, je porte le courrier et je suis responsable du service décès pour les légionnaires perdant la vie au combat et n’ayant pas de patrie. Je fais les démarches permettant qu’ils soient enterrés dignement.

Je suis libéré de mes obligations militaires fin octobre 1961 et je rentre en France sans jamais avoir eu de permission au cours de mes quatorze mois passés sur le sol algérien. Sur le bateau, le retour est difficile car la mer est déchainée et, comme tous les soldats présents avec moi, je n’ai pas le pied marin. Rares sont ceux qui, parmi nous, ne vomissent pas.

Revenu en France, je reprends mon métier d’instituteur non pas dans une école élémentaire normale mais à ma maison de l’enfance de Carcé, en Bruz. Nous accueillons des enfants en difficulté familiale ou sociale patronnée par Monsieur Coué, inspecteur d’académie.

[ Guy Rébillard (83 ans) – le 23 novembre 2020]

GR37 (Espagne)

 

1958-1960 – du dimanche 4 mai 1958 au jeudi 25 août 1960

Contingent...

Antoine Rouiller

Ayant attrapé la jaunisse, j’ai terminé mon service en France

Le 4 mai 1958, je pars de Pouchard avec mon vélo et je le dépose chez Alexandre Tessier à Ercé-en-Lamée avant de prendre un car de la ligne Drouin qui m’emmène à Châteaubriant. Ensuite, c’est en train que je rejoins Angers. À la gare, plusieurs camions sont rangés prêts à partir, avec les bleus dont je fais partie, à la caserne Desjardin d’Angers pour subir des examens médicaux. Quelques jours passent et je suis transféré au 6ème Régiment du Génie de la caserne Verneau, toujours à Angers.

Mes classes s'achèvent au bout de quatre mois de présence et j'obtiens une permission avant le grand voyage. Le lundi 22 septembre, je dois repartir, et pour longtemps cette fois. Lorsque je me présente à la gare SNCF de Châteaubriant, il n'y a plus de train pour Angers. Je vais à la gare routière et je prends un autocar de ligne régulière mais je n'arrive à la caserne qu'à midi. Je considère que mon retard reste raisonnable car le dernier militaire n'arrive que le lendemain matin.

Jeudi 25 septembre 1958 à 17 heures, nous sommes environ deux-mille-huit-cent troufions à embarquer sur le bateau « Maréchal Joffre » au port de Marseille. Je suis sur la Méditerranée le 26, lorsque j'écris une carte postale que j'adresse à mes parents et ma sœur. Après avoir passé trois jours et deux nuits en mer, nous atteignons Philippeville. Le train qui nous prend en charge roule au bord d'un précipice. Nous avons la peur au ventre jusqu'à notre arrivée à Bizot, à vingt kilomètres au Nord de Constantine. Nous y restons peu de temps puis nous sommes mutés à Djidjelli. Nous logeons dans des caves à vin. D’autres dorment sous tente. Je cohabite avec trois gars originaires d'Ille-et-Vilaine : René Brossaux, d'Arbrissel ; Edouard Météreau, fils d'un garde-barrière de Rannée ; René Richard, fils d'un garde-barrière de Messac ; Amand Canet, fils d'un boucher de Dingé.

Je reviens plusieurs fois au 65ème bataillon de Bizot pour suivre des cours de conduite. Le 17 janvier 1959, j’obtiens mes permis VL et PL. Je suis désigné pour conduire des GMC et des half-tracks. Entre-temps, je monte des gardes.

Nous sommes souvent deux chauffeurs de camions pour conduire une quarantaine de soldats, équipés de pelles et de pioches, dans des endroits perdus en montagne. Ces soldats sont employés à faire du terrassement pour la construction d’une piste. 

Un jour, nous partons de Djidjelli en formant un convoi. Nous longeons les gorges de Kherrata. Tout à coup, nous trouvons un camion-grue en travers de la chaussée. Il remonte une automitrailleuse tombée au fond du ravin profond d’environ une centaine de mètres. Nous restons bloqués pendant plusieurs heures. Sur une paroi de la falaise, face à nous, nous remarquons d’énormes dessins ayant été réalisés, au marteau et au burin, par des condamnés à morts suspendus dans le vide au bout d’une corde accrochée en haut de la falaise. Selon les dires, lorsque les dessins étaient terminés, des soldats tiraient une balle dans la corde et les condamnés tombaient au fond du ravin.

Une nuit, du poste où je me trouve, je distingue une lumière à seulement une vingtaine de mètres de moi. Sans trop réfléchir, j’imagine que des fells rodent dans le secteur et je crie « Haut les mains ! ». En réalité, c’est une patrouille de nuit.

En septembre 1959, après un an de présence sur le sol algérien, j’obtiens une permission. En montant sur le bateau « Ville de Marseille », je pense aux douze soldats d’un régiment stationné près du notre qui, venant d’avoir la quille, sont tombés en embuscade à El Harrouch, il y a quelques semaines, alors qu’ils se rendaient au port où ils devaient embarquer pour la France. Aucun d’eux n’a survécu.

Peu après être revenu en Algérie, j’attrape la jaunisse. On me conduit à l’hôpital de Philippeville et un vieux colonel me donne une seconde perme et je rentre à nouveau en France. Je prends le bateau à Philippeville le 8 janvier 1960 et le lendemain je suis à Marseille.

De retour à Pouchard, je passe un mois en convalescence chez mes parents. Quand ma permission arrive à son terme, je décide d’aller me faire ausculter à l’hôpital militaire Ambroise Paré, à Rennes. On m’envoie à la caserne du Colombier où je trouve une quinzaine de gars qui, comme moi, n’ont pas envie de repartir en Algérie. Au bout de quinze jours, on me propose de poursuivre mon service en France et on me demande si j’ai des préférences. J’indique que j’aimerai bien aller au camp de Coëtquidan où Eugène Chevrel, mon futur beau-frère, fait son service militaire. Comme lui, je pourrai rentrer à la Bosse à vélo le week-end.

Ma demande n’est pas retenue. Je suis renvoyé à la caserne Verneau d’Angers, là où j’ai fait mes classes. N’ayant pas grand-chose à glander, je passe pas mal de temps aux cuisines et je mange tout ce que je veux. Au bout de quelques temps, on m’attribue un camion et j’emmène des militaires en manœuvre. Je conduis aussi le camion assurant la collecte des ordures ménagères dans les casernes Verneau et Desjardin. On me met deux taulards pour charger les poubelles dans le camion.

Je suis libéré le 25 août 1960.

[Antoine Rouiller (81 ans) – le 7 septembre 2019]

AR38 (35012)

*****

J’ai deux souvenirs du dimanche 4 mai 1958 :

  • Le départ à l’armée d’Antoine que je fréquentais depuis quelques mois.
  • La naissance de ma filleule Brigitte Hurel, la jeune des filles de Germaine, ma sœur aînée.

[Yvette Rouiller (84 ans) épouse d’Antoine – le 24 septembre 2019]

YR35 (35012)

*****

Je me souviens très bien d’Antoine. J’ai cohabité avec lui à Gastonville, à Taher, à Bouktoub, à Strasbourg, à Bounoghra et à Djimar, des petits villages situés en Kabylie, aux alentours de Djidjelli. Nous étions employés à faire des passages busés et des canalisations sur les routes. Antoine s’occupait de la bétonnière. Nous réalisions aussi des gabions avec des coffres en grillage que nous remplissions de cailloux.

Une fois, nous sommes tombés en embuscade entre Djimar et Abdelaziz. La Coloniale et les paras qui étaient avec nous ont capturé cinq fellaghas. Ils les ont enfermés dans une cave à pinard. Quand ils en sont ressortis, ils étaient gelés.

Au réveillon de Noël 1959, nous avons bu un bouteillon de vin chaud en mettant des morceaux d’orange dedans. Nous disions que c’était pour chasser la grippe.

Nous avons souvent eu l’occasion de boire des bolées ensemble dans les caves à pinard de Djimar. Il y avait du bon rosé et ça nous est arrivé plusieurs fois de rentrer bourrés le soir. S’apercevant que des quantités importantes de vin disparaissaient, le colon avait porté plainte. Les gendarmes étaient venus et ils s'étaient moqués de lui.

[Edouard Météreau (82 ans) – le 4 novembre 2019]

EM37 (35051)

*****

En Algérie, j’étais avec Antoine à Kemekem, à Bizot, à Djidjelli, à Strasbourg, à Gastonville, à Borgseline, à Philippeville…

Parmi les autres copains il y avait : Michel Festoc (de Saint-Médard-sur-Ille), Le Jossec (du Finistère), Charpentier, Ledigabel, Québriac, Texier (de Noirmoutier), Jean-Marie Baland (des Landes), Joseph Macé (de Fief-Sauvin), Leny, Pereaudin, Faure, Primot (de Paris), Porte, Stuzman, Rivière (sergent-chef), David (sergent, de Fougères).

Le 14 juillet 1959, j’accompagnais le groupe qui se baignait en mer à Philippeville. J’étais resté sur la plage pour garder les mitraillettes. Plusieurs fois, les jours de repos, nous sommes allés à la chasse au sanglier avec notre fusil MAS 36. Pour que l’animal reçoive un maximum d’impacts, nous avions scié le bout des cartouches.

Lorsque nous avons fait le terrassement des pistes sur la campagne de Bizot, des musulmans nous ont aidé. J’étais Cabot-chef et c’est moi qui leur distribuais la paie en fin de mois. Systématiquement, les nuits suivantes, des individus n’ayant pas participé aux travaux rodaient dans le secteur pour essayer de dérober l’argent de ceux qui l’avaient gagné.

 [Amand Canet (82 ans) – le 3 décembre 2019]

AC36 (35094)

*****

Eté 1958, à Angers : Antoine Rouiller, à droite

Eté 1958, à Angers : Antoine Rouiller, à droite

Pendant une permission : Claude Gasnier (du Sel), Antoine Rouiller et sa fiancée Yvette Chevrel. (photo probablement prise chez Pascal et Lucienne Marsollier, à La Bellandière, où Yvette assure quelques services) [AR38]

Pendant une permission : Claude Gasnier (du Sel), Antoine Rouiller et sa fiancée Yvette Chevrel. (photo probablement prise chez Pascal et Lucienne Marsollier, à La Bellandière, où Yvette assure quelques services) [AR38]

26 octobre 1958 – Treize bretons à Strasbourg, en Algérie : 1 René Richard (de Messac), 2 Edouard Météreau (de Rannée), 3 X Ledigabel (du Finistère), 4 X Le Jossec, 5 Daniel …… (du Morbihan), 6 Antoine Rouiller (de La Bosse), 7 xxxx, 8 Jean-Marie Bommé (de Rougé), 9 René Brossaux (d’Arbrissel), 10 xxxx, 11 Amand Canet (de Dingé) ; 12 Jean-Marie Prigent (de Landivisiau), 13 X Rigeard (Nantais).

26 octobre 1958 – Treize bretons à Strasbourg, en Algérie : 1 René Richard (de Messac), 2 Edouard Météreau (de Rannée), 3 X Ledigabel (du Finistère), 4 X Le Jossec, 5 Daniel …… (du Morbihan), 6 Antoine Rouiller (de La Bosse), 7 xxxx, 8 Jean-Marie Bommé (de Rougé), 9 René Brossaux (d’Arbrissel), 10 xxxx, 11 Amand Canet (de Dingé) ; 12 Jean-Marie Prigent (de Landivisiau), 13 X Rigeard (Nantais).

Printemps 1959, à Bouktoub : Antoine Rouiller s'occupe de la bétonnière. Jean Bapaknic (un polonais) est à sa gauche. [EM37]

Printemps 1959, à Bouktoub : Antoine Rouiller s'occupe de la bétonnière. Jean Bapaknic (un polonais) est à sa gauche. [EM37]

En Algérie : 1 xxxx, 2 Antoine Rouiller, 3 X Régnault

En Algérie : 1 xxxx, 2 Antoine Rouiller, 3 X Régnault

Mardi 14 juillet 1959 à Philippeville : X Canut (de Marseille), X Porquet (de Caen), Antoine Rouiller (de La Bosse).

Mardi 14 juillet 1959 à Philippeville : X Canut (de Marseille), X Porquet (de Caen), Antoine Rouiller (de La Bosse).

En Algérie : René Richard arrosant le sanglier qu'Antoine Rouiller a écrasé avec son camion. Présents aussi : Théophile Brossaux et X Porquet.

En Algérie : René Richard arrosant le sanglier qu'Antoine Rouiller a écrasé avec son camion. Présents aussi : Théophile Brossaux et X Porquet.

En Algérie : Antoine Rouiller, au volant d'une jeep

En Algérie : Antoine Rouiller, au volant d'une jeep

En Algérie : Antoine Rouiller

En Algérie : Antoine Rouiller

1956-1959 – du mardi 6 novembre 1956 au dimanche 15 février 1959

Contingent 56/2B

André Savouré

Si j’avais eu une permission, je ne serais jamais reparti

Je quitte La Bellandière le 6 novembre 1956 et je rejoins mon unité dans les Chasseurs à pied pour faire mes quatre mois de classes à Granville, dans une caserne située à la pointe du Roc. Ensuite, je reviens pour six mois au camp de Verdun, à Rennes. Ma principale mission est de monter la garde au quartier Marguerite et au camp de la Maltière.

Le jour de mes 21 ans, je reçois ma feuille de route. Je dois aller en Algérie pour remplacer mon frère Jean qui est là-bas depuis dix mois – l’avenir prouvera que mon arrivée sur le sol algérien ne le fera pas rentrer plus tôt – Jean va effectuer son temps réglementaire.

Avant de quitter Marseille, un repas est offert à tous ceux qui, comme moi, prennent le bateau. Notre section est la dernière servie. On nous demande de débarrasser les tables et de faire la vaisselle mais nous ne sommes pas très motivés. Je force une porte à double battants et à nous réussissons à échapper à la corvée qui nous est réservée. 

Nous traversons la Méditerranée sur le bateau "Sidi Okba", un vieux rafiot. Je suis malade pendant presque tout le trajet. Nous sommes tellement transbahutés que les vagues passent par-dessus bord, les vomissements aussi.

Arrivés en Algérie, nous sommes affectés au 2ème Régiment de Tirailleurs Algériens, dans la 7ème Compagnie (2–7–RTA). Un régiment pourri dans lequel il y a seulement un tiers de français. Tout de suite, on s’empresse de me dire : « Il y a déjà eu dix-sept morts aujourd’hui ». Et on poursuit : « Voilà un flingue pour toi, tu sors avec nous demain ». On me fournit une tenue en me traduisant la phrase écrite en arabe sur l’insigne qui est cousu à ma veste : « Tu marches ou tu crèves ». Ce n’est pas très réjouissant et, comme si ça ne suffisait pas, on ajoute : « Jusqu’à maintenant, c’est vous qui nous avez commandé. À partir d'aujourd’hui, c’est nous qui vous commanderons ».

Nous campons dans la brousse, le long des gorges d’El Kantara dans le Constantinois et, pour le ravitaillement, nous devons nous rendre à Batna mais le déplacement est risqué. Heureusement, je ne suis pas souvent désigné. Lorsque j’y vais pour la première fois, je conduis une jeep et je me fais arrêter par la patrouille militaire. Elle me laisse repartir moyennant que je passe le permis militaire. Je n’ai que mon permis civil mais le capitaine m’a mis au volant car le régiment n’a pas suffisamment de conducteurs possédant le permis permettant de conduire à l’armée. Au retour, nous repérons des poteaux téléphoniques sectionnés sur le bord de la route et des vaches avec les quatre pattes en l’air. Le lendemain, le capitaine me fait passer le permis militaire.

Quelques jours plus tard, nous sommes une trentaine de véhicules, GMC, jeeps et Blindés à partir en opération. Au retour, je suis au volant de ma jeep et je perds les traces du convoi. J’ai deux troufions avec moi et nous rentrons lorsque tout à coup, en arrivant dans un village, des fellaghas tentent de nous barrer le passage. J’accélère brusquement et je réussi à les semer en évitant une fusillade. Quand j’arrive au campement, le capitaine m’attend de pied ferme. Il me reproche de ne pas avoir suivi le convoi.

Je suis toujours dans la brousse, soit en montagne, soit le long des oueds, lorsqu’un beau matin, par hasard, je rencontre Joseph Masson, un conscrit de La Bosse.

Une fois, en revenant d’une opération de ratissage, nous roulons entassés à une quinzaine dans un GMC débâché. Du haut de la montagne, des fellaghas font débouler des grosses pierres sur la route où nous passons. D’autres sont en contrebas pour nous allumer. Etant dans le dernier véhicule du convoi, nous sommes bloqués. C’est à la tombée de la nuit mais nous avons des fusées pour nous éclairer. Mon fusil, un MAS 36, est coincé avec mon ceinturon et, sur la quinzaine de tirailleurs que nous sommes, je suis le seul à ne pas réussir à sauter du GMC. Je reste debout et les balles me sifflent aux oreilles. Me sentant vraiment en danger, je me laisse tomber sur le plancher. Je me fais mal à l’épaule gauche – soixante ans après, j’ai encore des douleurs – Je fais le mort pendant un bon quart d’heure, jusqu’à ce que le calme revienne. Les fellouzes arrêtent de tirer et s’en vont en longeant un oued. Je suis toujours allongé à l’intérieur lorsque mes coéquipiers reviennent au camion. J’entends l’un d’eux dire : « Savouré est mort ». Avant de remonter dans le GMC, ils rangent les grosses pierres sur l’accotement et nous pouvons poursuivre notre route. Les fellaghas qui ont tiré sur nous ne veulent pas de la guerre. Ils veulent simplement rester les maîtres chez eux.

J’ai souvent l’occasion de prendre un avion héliporté, Banane ou Sikorski, mais à chaque fois c’est parce que le haut de la montagne est bombardé. On nous largue sur les lieux pour finir le ratissage. Nous sautons de deux ou trois mètres et quelquefois plus. L’hélico ne se pose que lorsqu’il y a des morts ou des blessés à évacuer. Quant à nous, pour le retour, des GMC viennent nous chercher en bas de la montagne en étant protégés par des blindés.

Un soir, je découvre un tirailleur algérien tombé à la renverse sur mon lit. Un copain vient de le tuer avec un fusil à répétition. Il a appuyé sur la gâchette, pensant qu’il n’y avait pas de balles dans le chargeur. Pourtant, comme moi, il vient d’assister à une démonstration où un gradé lui a appris à manier les armes.

Une fois, pendant une opération d’attaque, nous capturons un fellouze et le faisons prisonnier. Vexé de le voir un de ses cousins avec nous, il lui donne deux baffes. Nous mettons le prisonnier au trou et, dès la nuit suivante, le cousin qui pourtant est des nôtres le libère.

Une autre fois, toujours en opération d’attaque, un blessé est resté en contrebas et il hurle. L’Adjudant envoie le sergent à son secours mais ce dernier fait demi-tour car les fellaghas lui tirent dessus. Voulant à tout prix sauver l’estropié, il envoie un 2ème classe qui revient lui aussi et pour les mêmes raisons. L’Adjudant n’insiste pas et dit : « Ne bougez pas, je vais chercher le blessé ». Il est abattu sous nos yeux.

Deux mois avant la fin de mon service en Algérie, mon régiment compte une trentaine d’hommes, dont seulement un quart de français. Un soir, au coucher du soleil, nous partons en opération sur un terrain d’aviation. On nous ordonne de mettre nos fusils en faisceaux et de nous replier ensuite. Le commandant appelle vingt-deux soldats (les 22 arabes) un par un en, citant le nom de chacun. Ils sont alignés debout puis éliminés par des Paras et la Légion. Selon ce que nous apprenons par la suite, ils avaient prévu de trancher la gorge aux français que nous sommes, pendant notre sommeil, et de s’en aller avec nos armes.

Nous dormons toujours sous une tente, qui bien souvent est criblée de balles. Un matin, lorsque je me lève, je m'aperçois que mon portefeuille a disparu. Il a sûrement été pris dans la nuit par un des arabes faisant partie de notre compagnie. Dans la journée, je le retrouve caché sous une planche des toilettes rudimentaires installées en plein air au bout de notre campement. Mon permis de conduire est toujours à l'intérieur mais il n'y a plus d'argent.

Chaque fois que nous quittons le camp, c’est avec notre MAS 36, un fusil mitrailleur lourd. Il y a des jours où nous devons porter le poste radio en plus. Celui qui le prend le matin doit le garder toute la journée et quand il faut sauter de l’hélico avec tout cela sur le dos, c’est pénible. C’est tellement dur que je cherche un moyen pour faire de la prison. Des fois, nous restons plusieurs jours à l’attaque alors que nous avons une ration de nourriture seulement pour une journée. Dans ces cas, nous sommes ravitaillés par hélico : des pots de confiture de cinq kg et des biscuits de guerre pour remplacer le pain… Nous raflons des fruits et des oignons dans les jardins se trouvant sur notre passage ou des artichauts sauvages pour nous passer la soif. Quand nous trouvons de l’eau à couler quelque part, nous en buvons même si elle est de couleur jaune ou crème et nous remplissons notre gourde. Il nous arrive de trouver des cadavres sur notre chemin.

Je n’ai eu aucune permission en Algérie. Si j’en avais eu une, je ne serai jamais reparti. Je suis renvoyé dans mes foyers le 10 janvier 1959 avec une permission libérable de huit jours. J’embarque à Philippeville le 13 janvier et le Sidi Okba me ramène à Marseille.

Je rentre à La Bosse en février 1959. Le lendemain, je retourne à Rennes, à la caserne du Colombier, pour rendre mon paquetage. On me fait passer une visite puis on m’envoie aux urgences à l’hôpital Ambroise Paré. J’y reste un peu plus de quatre semaines. J’ai le corps couvert de psoriasis. Six mois après mon retour à la maison, n’étant pas bien, le docteur Dre Amina, du Sel m’ausculte et m’expédie à l’Hôtel Dieu et là on découvre ma maladie. J’ai le paludisme, ce qui me vaut encore un temps d’hospitalisation. Peu de temps après, je suis avec les vaches dans un pré à la Bellandière, lorsque les gendarmes du Sel s’arrêtent pour me proposer un recrutement dans leur brigade. Je refuse en disant que j’en avais vu assez. Peu après, ils repassent chez mes parents en leur demandant d’essayer de me convaincre mais ils ne réussissent pas.

J’ai reçu un certificat de bonne conduite, mais j’ai aussi cinq médailles (voir photos ci-dessous). J’ai une étoile de bronze car un jour, j’étais Radio, et c’est moi qui avais commandé l’opération, bien qu’étant seulement 2ème classe. J’étais en relation directe avec le capitaine qui se trouvait en arrière, au poste de commandement. Le 1er janvier 1958, j’ai été nommé 1ère classe.

[André Savouré (82 ans) – le 18 février 2019]

AS36 (35012)

*****

Le 18 octobre 1957, André Savouré est dans le Constantinois lorsque Marcel Bénard (soldat de 2ème classe au 5ème Groupement de Chasseurs Portés et domicilié au lieu-dit "Le Tertre de la Nouette" en Ercé-en-Lamée) perd la vie à l'âge de 23 ans entre Tircine et Saïda, dans le Sud-Oranais.

Le 5 mai 1960, André se marie avec Marie Bénard, la sœur de Marcel.

JA49 (35235)

*****

Les cinq médailles d'André : 1) médaille militaire (remise le 5 décembre 2012) - 2) médaille commémorative opération sécurité et maintien de l'ordre - 3) étoile de bronze - 4) médaille d'Afrique du Nord - 5) croix de combattant.

Les cinq médailles d'André : 1) médaille militaire (remise le 5 décembre 2012) - 2) médaille commémorative opération sécurité et maintien de l'ordre - 3) étoile de bronze - 4) médaille d'Afrique du Nord - 5) croix de combattant.

Citation militaire

Citation militaire

Certificat de bonne conduite

Certificat de bonne conduite

1959-1961 – du début avril 1959 à fin juin 1961

Contingent 59/....

Claude Savouré

J'apprends à nager avec une chambre à air

Au printemps 1959, je pars au service militaire après avoir été ajourné d’une année pour cause de poids insuffisant. Je suis incorporé dans la Cavalerie à Saumur. Dans la caserne où je suis, je ne fais pas seulement mes classes mais c'est là que j'ai une affectation ensuite.  Je ne demande pas à partir, dans l’unité où je suis l’esprit est plutôt bon enfant.

Comme je reste à l’école de cavalerie pour une durée non déterminée, on veut m’attribuer un travail. On me propose un poste de chauffeur et ça ne m’emballe absolument pas. J’ai mon permis civil mais je ne le dis pas. Je fais une formation avant de passer l’examen et, dès que je deviens titulaire du permis militaire, j’intègre l’équipe de conducteurs. J’emmène régulièrement des Elèves Officiers de Réserve (EOR) au camp militaire du Ruchard (Indre-et-Loire) où ils vont s’entraîner pour pratiquer le tir à l’arme légère.

Je rentre assez souvent en permission à La Bosse et la plupart du temps, je fais le trajet en stop. Une fois, ce sont des forains qui me ramènent avec leur camionnette à Bain-de-Bretagne. Pour le retour, je prends toujours le train pour être certain d’arriver à l’heure. Par deux fois, c’est un militaire effectuant son service dans le même régiment que moi (mais dans un autre bataillon) qui me ramène en moto à l’école de cavalerie. En arrivant, il se permet de remplir le réservoir de sa bécane à la pompe à essence de la caserne.

C’est seulement au bout de quatorze mois de présence à la Cavalerie de Saumur, que je suis envoyé en Algérie. Je prends le train pour me rendre à Marseille et j’embarque sur un bateau. Le lendemain, je suis au port d’Alger. Nous sommes nombreux à être emmenés en camion au 6ème Régiment de Cuirassiers basé à Aïn-M’lila, dans le Constantinois. J’y reste quelques mois et, ensuite, la plupart d’entre nous sont mutés à Châteaudun du Rhumel avant d’être dispatchés par groupes de trois ou quatre dans les fermes environnantes. Je me retrouve avec André Horvais, un de mes meilleurs copains. Il est originaire de Dingé.

Nous obéissons aux ordres du brigadier-chef Cherouvrier, un engagé qui vit à la caserne avec son épouse et ses enfants. Ils habitent dans logement indépendant.

La nuit, nous nous relayons à quelques-uns pour monter la garde dans un mirador, chez un colon fortuné qui possède une très grande exploitation. Pendant les pauses, nous dormons sur des lits de camp mis à notre disposition dans une petite pièce située en bas du mirador. Dans la journée, nous avons pour mission de surveiller les bougnoules employés sur la ferme. Bien que serviables, ils sont filous et nous devons constamment être derrière eux. Gros amateurs de bières, ils ouvrent les bocks avec leurs dents.

Nous profitons d’un bassin d’eau disposé sur un monticule de terre qui, à l’aide d’une tuyauterie en serpentin, abreuve l’élevage de cochons se trouvant en contrebas. Avec l’accord du colon, nous utilisons cette réserve comme s’il s’agissait d’une piscine et nous apprenons à nager avec une chambre à air.

Quand nous avons besoin de nous ravitailler en nourriture, c’est le colon qui nous emmène à la ville. Lorsque la quantité est insuffisante, la nuit d’après nous volons un cochon au patron. Nous le tuons et nous le préparons aussitôt. Il en a tellement qu’il ne s’en aperçoit même pas. Il nous arrive aussi de choper des volailles dans le poulailler. Nous les préparons et, afin de ne laisser aucune trace, nous jetons la tripaille et le plumes dans les chiottes. C’est un breton qui fait la popote, un certain Baratte. Un jour, il nous prépare des escargots "des p'tits gris". C’est la première fois que j’en mange et je me régale.

Nous n’avons pas souvent l’occasion d’aller nous promener dans les parages environnants. Une fois cependant, nous partons pour une semaine à Djidjelli pour passer des vacances au bord de la mer.

Le lieutenant-colonel Bonnefous signe mon certificat de bonne conduite le 18 juin 1961. À la fin du mois je suis libéré, sans jamais être rentré dans ma famille depuis mon arrivée en Algérie.

[Claude Savouré (81 ans) – le 8 janvier 2020]

CS38 (35335)

*****

Le certificat de bonne conduite de Claude Savouré.

Le certificat de bonne conduite de Claude Savouré.

Le verso du certificat de bonne conduite de Claude Savouré, paraphé par les gars de sa section le jour de la quille.

Le verso du certificat de bonne conduite de Claude Savouré, paraphé par les gars de sa section le jour de la quille.

1956-1958 – du mardi 6 mars 1956 au lundi 17 mars 1958

Contingent 56/1A

Jean Savouré

J’ai assisté aux obsèques d’un conscrit « Mort pour la France »

Je quitte La Bellandière le 6 mars 1956 et je me rends à Châteaubriant pour prendre un car qui m’emmène à Angers. Je suis incorporé à la caserne Verneau, au 6ème Régiment du Génie. Parmi les nouvelles recrues, il y a deux gars de mon secteur, Marcel Saulnier (dont l’adresse m'échappe) et Raphaël Vincent, du Haut-Germinié en Ercé-en-Lamée.

Ayant passé mes permis (VL et PL) avant de venir à l’armée, je suis désigné pour conduire un camion Citroën P45.

Je bénéficie de deux permissions pendant mes trois mois de classes et je retourne une semaine dans ma famille avant de partir en Afrique du Nord. À chaque fois je rentre en stop comme Marcel et Raphaël mais, pour le retour, nous revenons en autocar pour avoir la garantie de ne pas arriver en retard.

Voici venu le jour où je dois partir en Algérie. Avec les militaires de mon contingent, je rejoins Marseille. Le 3 juillet 1956, nous embarquons sur le « Kairouan ». Le lendemain, nous accostons à Alger. Nous montons à bord d’un train qui roule lentement et la chaleur est étouffante. Comme nous arrêtons à toutes les gares, nous en profitons pour descendre prendre l’air et à chaque fois nous cherchons un robinet pour boire de l’eau. Enfin, nous arrivons au 70ème Régiment du Génie à Bouira, en Kabylie.

Parmi les militaires que je côtoie il y a Espinasse, Malle (un vendéen), Dudit (un normand). Nous sommes transportés sur un chantier situé dans les gorges de Palestro, pour surveiller des gars qui construisent des blockhaus le long de la voie ferrée. En arrivant, nous apprenons que tous les soldats d'une section d’infanterie ont été égorgés il y a seulement quelques jours.

Une permission exceptionnelle d’une semaine nous est accordée. Nous partons à quelques copains au bord de la mer, à l’Est d’Alger. Dès notre arrivée, nous allons nous baigner. Au début, nous buvons la tasse mais au fil des jours, nous prenons de la hardiesse. Peu avant que les vacances ne s’achèvent, nous réussissons à plonger du haut d’un rocher. Quand nous rentrons à la caserne, je suis content de pouvoir dire que je sais nager.

Durant plusieurs semaines, nous surveillons une piste sur laquelle un bulldozer réalise des travaux de terrassement et nous obéissons aux ordres du capitaine. Un jour, en faisant sa ronde derrière les barbelés du camp, il manque de se faire descendre par des engagés ayant participé à la guerre d’Indochine. Ils se battent au corps à corps.

Après avoir passé sept mois à Bouira, le 7 février 1957, nous sommes mutés à Aumale. Lorsque nous arrivons au nouveau casernement, un hélicoptère ramène les cadavres de plusieurs soldats abattus dans les gorges de la Chiffa.

À la mi-mai, je prends le bateau « Ville d’Alger » pour rentrer dans ma famille. Pendant ma permission, j’assiste aux obsèques d'André Hersent à Tresbœuf. Il s'agit d'un gars avec qui j'ai fait la noce de conscrits il y a deux ans. Il est « Mort pour la France » en Algérie.

J'ai effectué sept mois de service à Bouira et neuf à Aumale, lorsque mon frère André arrive en Algérie. Pour ne pas que nous soyons deux de la même fratrie ensemble sur le sol algérien, je suis rapatrié en France. Le 13 novembre 1957, je prends le bateau « Ville d’Oran » et, le 14, je débarque à Marseille. Le 15 novembre, je suis de retour à la caserne Verneau à Angers, là où j’ai fait mes classes. Quatre mois plus tard, le 17 mars 1958, je suis libéré et renvoyé dans mes foyers.

Je prends le train en gare d’Angers et je rentre définitivement en me disant que si j’ai vécu des moments dont je me serai bien passé, le service militaire m’a permis d’apprendre à me débrouiller et à devenir responsable.

[Jean Savouré (84 ans) – le 12 mars 2020]

JS35 (94081)

*****

Je suis allé à l'école à Tresbœuf avec Jean Savouré et André Hersent qui n'a aucun lien de parenté avec moi (Hersent pour lui, Hersant pour moi).

André est né le 25 avril 1935 à Tresbœuf. Soldat de 2ème classe à la 4ème compagnie du 57ème Régiment d'Infanterie, il est mort le 21 août 1956 au volant d'un GMC rempli de militaires, au cours d'une embuscade, à El Djenane.

[Claude Hersant (83 ans) – le 18 mars 2020]

CH36 (35343)

*****

J'ai huit ans et demi lorsque mon frère "André" meurt en Algérie. Nous entendons à la radio qu'un camion est passé sur une mine et comme c'est dans la région où il fait son service, nous avons tout de suite pensé à lui. L'embuscade a lieu le mardi 21 août 1956 et le vendredi suivant, nous grillons de la sardine lorsque le maire et un adjoint viennent nous annoncer sa mort. Ses obsèques ont lieu en l'église de Tresbœuf seulement le jeudi 23 mai 1957.

J'ai en ma possession une lettre de Michel Grolleau (originaire de Charente-Maritime) rédigée au séminaire de Pontigny (Yonne). Elle détaille les circonstances dans lesquelles André est mort.

Je n'ai pas beaucoup de souvenir de lui car avant de partir à l'armée, il était commis dans une ferme et il ne rentrait pas souvent à la maison.

[Huguette Aulnette, née Hersent, sœur d'André (72 ans) – le 19 mars 2020]

HA47 (35343)

*****

2ème semestre 1956 : Jean Savouré.

2ème semestre 1956 : Jean Savouré.

1956 : Jean Savouré, avec un groupe de copains, en montagne près de Bouira.

1956 : Jean Savouré, avec un groupe de copains, en montagne près de Bouira.

Jean Savouré (1er debout à gauche).

Jean Savouré (1er debout à gauche).

Jean Savouré (1er à gauche).

Jean Savouré (1er à gauche).

1957 : Jean Savouré (2ème à gauche), à Aumale.

1957 : Jean Savouré (2ème à gauche), à Aumale.

1957 : Jean Savouré (à droite), à Aumale.

1957 : Jean Savouré (à droite), à Aumale.

Jean Savouré.

Jean Savouré.

1960-1962 – du mercredi 2 novembre 1960 au vendredi 2 novembre 1962

Contingent 60/2B

Gabriel Suhard

J’ai fait vingt-quatre mois d’armée, jour pour jour

Le 22 octobre 1960, je reçois ma convocation pour partir au service militaire. Le 2 novembre, mon père me conduit à Janzé avec sa Peugeot 203 et je prends le train d’abord pour Rennes puis ensuite pour Le Mans. Je me rends à la caserne Chanzy où je récupère de mon paquetage. Le 4 novembre, je reprends le train direction Paris, Metz, Trèves (Allemagne). Je suis incorporé au Régiment de Cavalerie Blindée. Le 11 novembre, je suis muté au 2ème Régiment de Cuirassiers à Reutlingen, ville située à quarante kilomètres au Sud de Stuttgart. C’est là que je vais faire mes classes et l’hiver s’annonce rude.

Lorsque nous arrivons à la caserne, nous (les bleus) sommes accueillis par un groupe d’anciens qui nous demandent d’où nous sommes originaires. Parmi eux, il y a Joseph Martin, de Domalain, avec lequel je sympathise beaucoup par la suite. Il commence par me faire découvrir le club d’agriculture.

  • Le 8 décembre, je suis en manœuvre près de Stuttgart.

Bien qu'étant basés à Reutlingen, nous dépendons du Bataillon du Matériel de Division Blindée de Tübingen et ma section est placée au 2ème Escadron. Le 3 janvier 1961, nous entrons au peloton. Le 22 janvier, je commence un stage de transport en commun. Attrapant une bonne grippe, je ne peux plus suivre la formation. Je suis à l’infirmerie du 2 au 9 février. Après une période de convalescence, le 10 février je passe l’examen de permis de conduire.

  • Du 15 au 23 février, je suis en manœuvre au camp de Munsingen avec le Lieutenant Lacroix.

Pour ma première permission, du 9 au 19 mars, je rentre avec Joseph Martin. Il est tard lorsque nous arrivons à la gare de Vitré et sa mère attend dans sa Traction noire stationnée sur la place. Venue chercher Joseph, elle me propose de monter dans sa voiture et de m’héberger pour la nuit, dans sa ferme au Haut Princé en Domalain. J’accepte bien volontiers. Je ne rentre chez mes parents que le lendemain matin.

Le 21 mars, lorsque je reviens à Reutlingen, je suis désigné chauffeur VL à l’Etat Major. Désormais, je vais souvent être en déplacement :

  • Les 2 et 3 mai 1961, je suis en manœuvre à Munsingen avec le Cdt Paris
  • Les 27 et 28 mai, à Mulhouse avec l’Adjudant Del
  • Du 31 mai au 5 juin, en pèlerinage militaire à Lourdes
  • Les 7 et 8 juin, en manœuvre au Valdahon avec le Major Difabiot
  • Le 22 juin, au stand de tir SS-11 à Stetten avec le Cdt Paris
  • Le 28 juin, en manœuvre à Munsingen avec le Commandant Paris
  • Le 7 juillet, en rodage AMX à Böblingen avec le Commandant Paris

Le 4 août 1961 je rentre en permission agricole au Plessis et le 22 je suis de retour à la caserne.

  • Le 28 août, en visite à la C.I.A de Landau avec le Lt Porte
  • Le 5 septembre, en voyage à Fribourg et Landau avec le Cdt Paris
  • Le 14 septembre, en visite de la C.I.A de Landau avec le Cdt Paris
  • Du 26 septembre au 10 octobre, en manœuvre à Munsingen avec le Cdt Paris
  • Les 12 et 13 octobre, en voyage à Baden-Baden et Buhl avec le Colonel Faviski
  • Les 24 et 25 octobre, en reconnaissance d’un terrain à Ulm avec le Cdt Paris
  • Les 26 et 27 octobre, en manœuvre à Munsingen avec le Cdt Paris 
  • Du 30 novembre au 6 décembre, en manœuvre à Munsingen avec le Cdt Paris
  • Le 7 décembre, au stand de tir SS-11 à Stetten avec le Cdt Paris

Du 27 décembre 1961 au 4 janvier 1962, je suis en permission dans ma famille au Plessis

  • Du 31 janvier au 6 février 1962, en manœuvre à Munsingen avec Le Commandant Paris
  • Le 15 février, visite de l’usine Fahr à Gottmadingen avec le club agricole
  • Les 9, 10 et 11 mars, en visite au salon de la machine agricole à Paris

Du 16 au 27 mars, je suis permission avant le départ en Algérie

  • Du 1er au 7 avril, nomade AFN à Munsingen (infirmerie du camp)
  • Le 12 avril, voyage à Buhl et Sigmaringen avec le Lt-Colonel Bracq
  • Le 16 avril, voyage à Buhl avec le Commandant Paris
  • Le 17 avril, visite de l’école d’agriculture de Hockenheim
  • Le 19 avril, visite chalet de Schönwald avec le Lt-Colonel Bracq
  • Le 22 avril (jour de Pâques), invité par M Herr Schnitzler à Ohnastetten
  • Le 1er mai, semaine inter alliée à Böblingen avec le Commandant Paris
  • Le 2 mai, voyage à Buhl avec le Lieutenant-Colonel Bracq
  • Le 18 mai, voyage à Buhl avec le Lieutenant-Colonel Bracq
  • Du 19 au 23 mai, Valdahon, Morteau, Pontarlier avec Le Lt-Colonel Bracq
  • Du 25 au 31 mai, manœuvre au camp de Munsingen ave le Cdt Paris
  • Le 4 juin, voyage à Buhl avec le Lieutenant-Colonel Bracq

Le 16 juin 1962, nous sommes cinq à quitter l’Allemagne pour suivre le lieutenant Paris en Algérie. Nous voyageons en train jusqu’à Marseille et le 18, nous embarquons sur le bateau « Ville d’Alger ». Le 19 juin au matin, nous accostons au port de la capitale algérienne. Le lieutenant nous invite à passer la journée à visiter la ville. Le soir, nous parcourons deux cents kilomètres avant de rejoindre Orléansville. Dans le train, un des nôtres se fait voler l’appareil photo dont il a fait l’achat peu avant de partir d’Allemagne.

Le 20 juin, nous arrivons au 5ème Régiment de Chasseurs Alpins stationné dans une ferme, à Duperre. Nous sommes chargés de garder l’exploitation où sont cultivées des vignes et des céréales. Je suis conducteur et j’emmène régulièrement des officiers.

  • Le 9 juillet, voyage en jeep à Orléansville avec l’Adjudant-chef
  • Le 12 juillet, voyage en 203 à Alger et Maison Blanche avec le Cdt Jobin
  • Le 17 juillet, voyage à Alger et Maison Blanche
  • Le 20 juillet, voyage à Alger et Maison Carrée
  • Le 21 juillet, voyage à Alger, Maison Blanche, Maison Carrée et Babel Oued
  • Le 28 juillet, voyage en 203 à Alger (hôpital Maillot) avec le Cpt Demare
  • Le 31 juillet, voyage en 203 à Teniet El Had
  • Le 2 août, voyage en 203 à Orléansville avec le Commandant Jobin
  • Le 7 août, voyage à Alger (hôpital Maillot) et Blida avec le Cpt Demare
  • Le 9 août, voyage en 203 à Alger, Maison Carrée avec le Cdt de Noblet
  • Le 11 août, voyage à Orléansville avec le Commandant Jobin
  • Le 12 août, baignade à la plage de Tenes avec le Commandant Jobin
  • Le 18 août, voyage en 203 à Orléansville
  • Le 19 août, baignade à la plage de Tenes avec le Cpt Kandel
  • Le 20 août, retour E.C.S en 2CV

Le 1er septembre, je suis nommé Soldat de 1ère classe. Je n’ai plus de gradés avec moi mais, pour les remplacer, on me désigne chef de voiture. Ayant constamment des problèmes avec des troufions qui n’ont aucun respect envers les fatmas que nous rencontrons sur la route, je demande à ne plus avoir cette responsabilité.

Fin septembre 1962, le colon qui est propriétaire des lieux s’en va. Nous restons sur place jusqu’au 29 octobre, date à laquelle nous sommes libérés de nos obligations militaires.

Nous embarquons le 30 octobre et rejoignons la France à bord du Charles Plumier qui met quarante-huit heures pour atteindre le port de Marseille. Le 2 novembre 1962, je suis de retour chez mes parents, au Plessis.

Le 16 juin 2014, soit cinquante-deux ans après mon retour d’Algérie, je suis le dernier des conscrits de La Bosse à recevoir la carte de combattant.

[Gabriel Suhard (79 ans) – le 17 septembre 2020]

GS40 (35343)

*****

Gabriel Suhard, c’est un brave type. À Reutlingen, il faisait partie des gars tranquilles. Il ne faisait pas de bruit. Nous étions souvent ensemble pendant nos temps libres. J’allais régulièrement jouer au basket à Tübingen mais il ne venait pas car il n’était pas sportif. Nous étions les seuls de la section à être fermiers et nous avions une bonne entente.

Il est venu (célibataire) à notre mariage en 1965 et nous sommes allés au leur en 1968.

Le 5 avril 2016 (Marie-Jo et moi-même), nous sommes arrêtés chez Gabriel et Michelle, à Tresbœuf, en revenant d’une assemblée générale des anciens maires ayant eu lieu à Bain-de-Bretagne. Le 17 octobre 2019, ils sont venus manger chez nous à Domalain et nous devons retourner chez eux mais, avec le coronavirus (Covid-19), tout est bouleversé.

[Joseph Martin (80 ans) – le 26 septembre 2020]

JM40 (35097)

*****

Le 15 décembre 1960, pendant les classes à Reutlingen : Gabriel Suhard est à droite

Le 15 décembre 1960, pendant les classes à Reutlingen : Gabriel Suhard est à droite

Gabriel Suhard est debout, à gauche

Gabriel Suhard est debout, à gauche

Février 1962 : Gabriel Suhard, dans la neige à Munsingen

Février 1962 : Gabriel Suhard, dans la neige à Munsingen

Le 15 février 1962 : Gabriel Suhard et Joseph Martin font partie du groupe visitant l’usine Fahr à Gottmadingen avec le club agricole

Le 15 février 1962 : Gabriel Suhard et Joseph Martin font partie du groupe visitant l’usine Fahr à Gottmadingen avec le club agricole

Mars 1962 : Joseph Martin et Gabriel Suhard, au salon de la machine agricole à Paris

Mars 1962 : Joseph Martin et Gabriel Suhard, au salon de la machine agricole à Paris

Gabriel Suhard

Gabriel Suhard

Juillet 1962 : vue sur les mechtas de Teniet El Had

Juillet 1962 : vue sur les mechtas de Teniet El Had

Eté 1962 : Gabriel Suhard, à Orléansville

Eté 1962 : Gabriel Suhard, à Orléansville

■ 

Gabriel Turpin (1938-2013)

...............

1972 : L’association des anciens Combattants CATM (Algérie–Tunisie–Maroc) de La Bosse a été créée en 1972. Je suis président depuis le début.

[Claude Maleuvre (83 ans) – le 28 janvier 2023]

CM39 (35030)

Lundi 9 décembre 1974 : La qualité de combattant est attribuée aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

Samedi 1er mai 1982 : Remise de décorations, sur la place de l'église, près du monument aux morts : 1 Henri Lunel (fils), 2 Robert Lunel, 3 Henri Lunel (père), 4 Gilbert Massicot, 5 André Berthelot, 6 Joseph Leclère, 7 René Hamon, 8 Jean Savouré, 9 Claude Savouré, 10 Claude Maleuvre, 11 René Aulnette, 12 Auguste Giboire, 13 Elie Aulnette, 14 Serge Jolivel, 15 Guy Massicot, 16 Bernard Aulnette, 17 Francis Morel, 18 Henri Hamon. [CM39]

1987 : Les anciens combattants d'Algérie défilent dans les rues de Rennes. Sur la photo ci-dessus, on aperçoit cinq gars de La Bosse-de-Bretagne. Il s'agit de : 1 Bernard Aulnette, 2 Joseph Leclère, 3 Auguste Giboire, 4 Robert Lunel, 5 Gabriel Suhard. [CM39]

Lundi 18 octobre 1999 : On ne dit plus « combattant ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord », on dit « combattant ayant participé à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».

Mercredi 30 septembre 2020 : Sur environ deux millions d’hommes envoyés en Algérie entre 1954 et 1962, il y a eu 28 737 morts de recensés.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Sgt appelé 60/1c, j'étais responsable de la station radio de Takitoun, je me souviens de 2 radios , Marcillou et Figureau, du S/C Rivière, j'étais de service quand j'ai reçu le message de l'embuscade en PY 36 k 41...merci de me téléphoner 0781088540, ce serait super.amicalement.René Morisot, ah j'oubliais le chiffreur Barthélémy et notre chien mascotte "Caporal avec sur son collier le galon de caporal avec bien sûr l'ancre de Marine....
Répondre
M
Très heureux de revoir Takitoun où sgt appelé j'étais responsable de la station radio, je n'ai Le souvenir du soldat ci dessus, mes souvenirs, les soldats radion Fugureau, Marcillou, de du s/c Rivière ou N'gaidee , du chiffreur Barthélémy, vous pouvez entrer en contact avec moi ( 60/1C).telephone 0781088540 ce serait super...amicalement. R Morisot.
Répondre